Plages saturées et occupation anarchique du domaine maritime à Aïn Témouchent Rachgoun, Chatt El Hillal, Sassel et Bouzedjar : le foncier en question

Plages saturées et occupation anarchique du domaine maritime à Aïn Témouchent Rachgoun, Chatt El Hillal, Sassel et Bouzedjar : le foncier en question

Au lendemain de l’Indépendance, le littoral de la localité d’Ain Témouchent qui s’étire sur une longueur de 80 km, comptait pas plus de cinq plages surveillées.

Dans les années 80, ce nombre est passé à une douzaine pour atteindre aujourd’hui 19 sites balnéaires. Cette augmentation, on l’aura compris, a été rendue nécessaire par l’accroissement de la population et le développement de la civilisation des loisirs.

Mais de quelle manière ? Toute la problématique de la gestion du patrimoine foncier maritime de la wilaya se situe, hélas, dans cette lancinante question. Au fur et à mesure des années, surtout durant la période comprise entre 1990 et 2009, des implantations sauvages souvent décidées par les élus locaux, bénies par la hiérarchie au mépris des textes pour contenter des personnalités influentes ont défiguré le paysage des plages. A telle enseigne qu’à l’ex-Oued Hallouf (Chatt El Hilal), des couloirs servant de brise-lames en cas de tempêtes, ont été affectés à des particuliers pour la construction de cabanons.

Une aberration qui a provoqué par la suite de sérieux dommages au chapelet de maisons situées en première ligne lors des violentes inondations maritimes des années 1993 et 2006. L’imprévoyance et l’irresponsabilité ont transformé les meilleures stations balnéaires de la côte témouchentoise en des lieux où il est devenu difficile de trouver le repos et le calme qui constituent la raison même des vacances.

Au début des années 90, le wali de l’époque a dû annuler des attributions de lots de terrain cédés à son insu à Rachgoun avec la complicité de ses proches collaborateurs. Le scandale a été vite étouffé. Alors que des sites sont classés ZET (zone d’extension touristique) censés les protéger contre les extensions anarchiques, on s’est aperçu au fil des ans, que rien n’est impossible pour ceux qui ont les bras longs.

Des constructions ont vu le jour au bord du domaine maritime en violation des normes règlementaires. Le moindre espace vide est vite repéré et annexé en catimini, grâce aux soutiens des décideurs.

A titre d’illustration, l’étude d’aménagement de l’agglomération côtière de Rachgoun a mis en évidence la rareté du foncier.

L’URBAT de Sidi Bel Abbès, en charge du projet d’élaboration du POS (plan d’occupation des sols) s’est heurté, entre autres, aux multiples constructions illicites.

Elle le signale dans son rapport technique, précisant que l’aménagement de la rive droite de Rachgoune demeure une opération complexe, compte tenu également des difficultés de liaison et de l’absence de parkings.

Des propositions furent émises dans ce sens et le bureau d’études en vient à outrepasser ses prérogatives en suggérant ni plus ni moins la régularisation du bâti illicite. Bonjour les dégâts ! Quel bel exemple de civisme! L’étude a dégagé une série d’actions d’aménagement comme la réalisation d’une mini-station d’épuration des eaux usées et d’un réseau d’assainissement au niveau de la rive droite.

Du côté de Chatt El Hilal, la situation semble plus préoccupante, à en croire les estivants qui déplorent la surexploitation de la plage dont la longueur fait à peine 300 mètres. La crise atteindra probablement son paroxysme une fois que les lotissements projetés depuis 1995 seront affectés aux bénéficiaires.

Nous y reviendront au moment opportun dès que notre enquête sur ces occupations effrénées, aboutira. A Sassel-plage, c’est l’asphyxie, le site est tellement étroit que les baigneurs en période de pointe doivent attendre qu’un espace se libère pour planter leur parasol.

Là, aussi, profitant du laxisme qui a régné en matière d’occupation des sols durant les années de braise, des gens bien introduits se sont accaparés des dernières poches restantes de la partie ouest de la plage, laquelle plage a perdu de sa superbe, envahie qu’elle est par les détritus, les moustiques et les guêpes.

Quant à la fameuse plage de Bouzedjar, elle aussi, n’a pas échappé aux convoitises des courtisans évoluant autour des décideurs. Dès 1995, pendant que l’on supputait sur une éventuelle venue d’un gros investisseur étranger- espagnol ou saoudien-dans le cadre de la valorisation de la ZET de Bouzedjar, dans les coulisses des DEC et ensuite des APC, les élus répondaient sans état d’âme aux injonctions de leurs protecteurs pour l’acquisition de terrains à bâtir au niveau de la plage.

La curée, comme on s’en doute, a laissé des traces au plan urbanistique. Comme les constructions illicites, il y eu également des ordres illicites.

Le fait du prince ou de la princesse est indissociable du sentiment de puissance que procure le pouvoir. Sauf qu’il altère les vertus régaliennes de l’Etat quand le caprice supplante le devoir.

Aujourd’hui, la mer attire beaucoup de monde et le besoin de réhabiliter le Tourisme balnéaire se fait pressant.

Dans ce domaine, le paradoxe dans la wilaya d’Ain Témouchent se situe au niveau de l’exploitation du patrimoine côtier, réputé encore sauvage et donc préservé des agressions de l’homme, mais qui, faute d’une politique d’aménagement cohérente et en phase avec les textes de loi, peine à s’insérer dans la dynamique de relance du Tourisme.

Said Mouas