« Pitroipa pas bougé », cette phrase, lancée plusieurs fois par le coach Vahid Halilhodzic à l’adresse de Saphir Taider, qui s’apprêtait à faire son entrée, résume toute la fougue d’un sélectionneur, exprimant une rage de gagner toute méditerranéenne.
Au -delà de la consigne de marquage strict donnée à un joueur remplaçant, c’est en fait ce ton et cette manière de le dire qui retient l’attention tant elle renseigne sur le parcours atypique de l’enfant de la ville de Jablanica.
Un parcours sportif qui se confond avec un itinéraire riche en évènements heureux et malheureux dont cette brillante carrière en France et la douleur qu’il a eu à vivre comme ce déchaînement de la violence et son corollaire de massacres dans son pays, l’ex-Yougoslavie. Tout cela finit par forger une personnalité, et dessiner des traits de caractère pour manager un groupe, rappellent ses proches.
Sa fougue et sa « grinta », il les traînera en bandoulière du FK Velez Mostar (ex-Yougoslavie) premier club qu’il entraînera en 1990 à 1992 jusqu’à juin 2011, date à laquelle il prendra les rênes de la sélection nationale en passant par les clubs de Lille, du Paris Saint -Germain et de la sélection ivoirienne.
Il n y a jamais eu erreur sur la marchandise, aiment à rappeler ceux qui l’ont connu : Vahid Halilhodzic met beaucoup de passion dans la réalisation de son travail. On le verra dépasser en de nombreuses occasions la ligne de touche manquant de fouler les limites imposées au rectangle vert, gronder sans gants des joueurs lorsqu’ils passent à coté de leur sujet ou encore s’en prendre aux arbitres pour avoir pris des décisions qu’il estime injustes.
Des techniciens se rappellent de sa violente altercation avec un arbitre en 2004 qui lui a valu une suspension de deux mois. C’est sa manière de faire et ça lui réussit, notent-ils encore.
A la tête de la sélection nationale depuis juin 2011, Halilhodzic dont les choix tactiques ne sont pas toujours partagés, n’a donc pas usurpé son statut de coach à la méthode pas toujours soft, mise au service d’une rigueur qui a finalement payé, car ayant atteint son objectif principal fixé par son employeur au lendemain de sa prise de fonction : la qualification au mondial 2014.
Une carapace d’homme dur
Les larmes qu’il a laissées échapper à la fin du match contre le Burkina en raison de la forte émotion qui l’enserrait et la lourde pression qu’il subissait ont eu raison de sa carapace d’homme dur, qualifié à tort ou à raison de dédaigneux par des journalistes avec qui il n’a pas toujours eu les meilleurs rapports.
Il donnera toute la mesure de cette tension qui a longtemps prévalu avec certains hommes de médias en répliquant sèchement par « oui je vais vous laisser tomber avec grand plaisir » à un journaliste sportif qui voulait connaître ses intentions de rempiler ou de raccrocher avec la sélection nationale.
La grosse pique était plus destinée à la corporation et à certains techniciens qu’il dit le détester qu’au groupe qu’il a forgé, animé et aimé, selon ses proches.
Le propos est à inscrire dans le registre de la décompression que celui de la revanche, parce que celle-ci n’avait pas de place hier. Noureddine Kourichi, son adjoint l’exprimera fort bien et dira que la presse et le staff technique sont deux piliers d’un même édifice, embarqués dans un projet commun. Il lèvera le voile sur ses intentions et avancera, sous réserve, de l’avis du concerné, que coach Vahid sera là encore pour le mondial.
En tout état de cause, l’effet Vahid a produit de bons résultats, indiquent nombre de techniciens. Son tempérament d’attaquant a déteint sur son organisation tactique pour avoir imprimé au jeu de la sélection algérienne une dimension offensive qu’il n’avait pas.
Une moyenne de deux buts par match depuis qu’il est là, est une bonne prouesse, indique-t-on encore. C’est normal lorsqu’on a été deux fois meilleur buteur avec 120 buts au cours de cinq saisons, quatre à Nantes et une au PSG.
Au final, avec Vahid, Pitriopa n’a pas bougé, c’est Bouguerra qui a dansé.