Piégé par l’action immédiate, Le mouvement social néglige la réflexion

Piégé par l’action immédiate, Le mouvement social néglige la réflexion

C’est le constat fait par des universitaires lors de la conférence-débat organisée, hier, par l’association RAJ, à l’occasion du 35e anniversaire du Printemps amazigh.

Les mouvements sociaux algériens doivent consolider “leurs sphères d’autonomie”, s’ouvrir aux autres, en rétablissant “la convergence des luttes”, et poser les problèmes économiques et sociaux “en termes macro”. Cette idée maîtresse s’est dégagée, hier à Alger, lors de la conférence-débat organisée par l’association Raj, à l’occasion du 35e anniversaire du Printemps amazigh.

“Aujourd’hui, les mouvements sociaux, moins travaillés par les acquis politiques, ont une volonté de construire une autonomisation par rapport au pouvoir politique, car celui-ci se donne tous les moyens, par la division, l’entrisme et le clonage, pour encadrer et grignoter les espaces que se fabriquent ces mouvements”, a déclaré un des animateurs de la rencontre, Adel Abderrazak. Pour l’enseignant universitaire, la nouveauté chez les mouvements sociaux actuels réside dans le fait qu’ils ont “une expression de plus en plus citoyenne” et que leurs revendications sont liées au “vécu” des citoyens. L’ancien responsable du Cnes a d’ailleurs mis en avant la prise de conscience des mouvements sociaux qui, à l’exemple du mouvement d’In-Salah, “se battent sur leur territoire”.

Adel Abderrazak a, cependant, critiqué “l’activisme forcené” des syndicats autonomes et associations, en déplorant “la rareté” des espaces de réflexion.

Cet activisme, a-t-il expliqué, est parfois un élément réapproprié par les pouvoirs publics et l’État, “pour assommer les mouvements sociaux”. Il admettra, en outre, que “souvent, on n’a pas la distance intellectuelle pour comprendre pourquoi la configuration des mouvements sociaux d’aujourd’hui est différente de celle qu’on a connue avant”, dans les années 1970, 1980 et 1990. L’autre conférencier, en l’occurrence l’historien Daho Djerbal, a présenté une étude datant de 1997 sur “les soubassements sociaux” de notre société.

Dans ce cadre, le directeur de la revue Naqd a rappelé “la guerre larvée” de l’islamisme intégriste. Ce travail, dira-t-il, a permis de saisir “les bouleversements” sur le plan socioéconomique, dont la chute des prix du pétrole. Des bouleversements qui ne sont pas étrangers à la situation sociale “explosive” de la fin des

années 1980.

“Je vous parle de cela, car nous ne sommes pas loin de cette situation”, a alerté l’historien. Mais, si à l’époque, la colonne vertébrale du mouvement social était “le mouvement syndical”, aujourd’hui, la contestation sociale a gagné d’autres espaces “hors usine” et conquis de nouvelles couches sociales, principalement “une génération de jeunes qui ne connaît pas le travail posté” et qui s’est lancée dans le business.

Avec l’affaiblissement de l’État et l’émergence de “marchands/entrepreneurs”, devenus “les futurs oligarques”, il ne reste plus à ces mouvements sociaux que “la révolte par les émeutes” ; l’émeute devenant un mode de négociation avec l’État, “une négociation par la force nue”.

Ce qui explique, selon lui, notamment les tortures pratiquées en Octobre 1988, la répression survenue en Kabylie au printemps 2001. “Le mouvement social ne trouve pas un leader charismatique, une figure dans laquelle il peut se reconnaître. Il y a l’échec du père”, a affirmé l’ex-membre de l’Union nationale des étudiants algériens (Unea), en qualifiant ce constat de “catastrophe”, dans une société patriarcale comme l’Algérie.

H.A