Phoeniciculture : La datte, une filière à la recherche du bon régime

Phoeniciculture : La datte, une filière à la recherche du bon régime

Le débat sur la filière de la datte algérienne ainsi que son potentiel à créer une industrie locale et exportatrice de ses produits est parmi les plus dominants et les plus prometteurs du secteur de l’agro-alimentaire dans notre pays.

Les discussions sur les facultés des producteurs de datte reviennent chaque année à l’occasion du Salon international de Biskra (Sidab). Un évènement à la taille encore modeste et sans doute exagérée par rapport à sa dénomination – il n’y a pas d’exposants que les Algériens le plus souvent – mais qui permet d’avoir des indications sur l’évolution des acteurs de la filière, ce qu’elle produit en moyenne, ainsi que les innovations, au demeurant réelles, qu’elle connaît en termes de transformation du produit dattier, de management, de packaging et de développement en force à l’étranger. Ainsi, on sait que l’Algérie est classée au 4e rang mondial (classement FAO) et représente 14% de l’ensemble de la production à cette échelle.

Selon les indications fournies à l’occasion de l’édition 2017 du Sidab par un des principaux organisateurs du salon et président de la Chambre du commerce et d’industrie de Biskra, Abdelmadjid Khobzi, lui-même acteur industriel de la filière, la production de la datte algérienne toutes variétés confondues a avoisiné 1 100 000 tonnes durant l’année dernière, près du double de ce qu’elle était en 2012, 600 096 tonnes. Il n’en demeure pas moins que cet élan est freiné, aujourd’hui, par de nombreux obstacles liés au problème de la certification, au manque de terminaux frigorifiques, à la faiblesse de la chaîne logistique assez importante pour que la datte algérienne labellisée soit définitivement sur les marchés demandeurs, à l’exemple de la Russie, dont les salons et foires sont régulièrement fréquentés par les opérateurs algériens les plus avancés dans le domaine et d’autres pays européens, comme la France où la «Deglet Nour» algérienne, considérée comme le produit le plus prestigieux de la filière nationale, est semble-t-il très prisé même si des experts estiment que sa consommation reste «communautaire» (lire entretien avec l’expert Abdelhakim Hammoudi). Ces contraintes, selon les observateurs du marché, dont la directrice de la Caci Ouahiba Bahloul, ont un effet négatif sur les capacités d’exportation qui n’ont pas dépassé les 32 millions de dollars en 2017. « 0% de la production de dattes restent sous-valorisées», considère Mme Bahloul, citant un document d’analyse de la filière par la Caci. Un préjudice d’autant plus important que la datte, ainsi que le montre le projet d’unité de transformation installée par Abdelmadjid Khobzi, en partenariat avec des Italiens, permet la production de sucre, de sirop, de confiture et autres produits dérivés.

L’expertise du Cread

En dépit de ces difficultés, la filière algérienne de la datte s’avère créatrice d’entreprises et d’emplois. Selon les estimations de la Chambre de commerce et d’industrie de Biskra-Ziban, il n’y avait que 20 entreprises spécialisées dans la transformation du fruit. Deux ans après, en 2017, elles étaient plus de 80 implantées dans différentes régions d’Algérie et spécialisées dans la production de sucre de datte, de miel, de vinaigre de farine et de café de datte. « Ces investissements constituent un élément révélateur des tendances de la transformation des dattes en Algérie », rapporte M. Khobzi. Et c’est dans ce contexte que le Centre de recherche en économie appliquée au développement (Cread) a annoncé, le 27 janvier dernier, lancer un projet de recherche destiné à faire le diagnostic de la filière à travers une étude approfondie de l’organisation, la production, la commercialisation, l’exportation. Parmi les objectifs de ce projet, on trouve le grand enjeu de l’exportation (normes et débouchés…). Le projet Value Datte, c’est son nom, va permettre à des experts et chercheurs spécialisés d’étudier les rôles des pouvoirs publics dans la mise en valeur de la production et de l’industrie de la datte dans notre pays. Les conclusions du projet sont attendues pour 2020 et les recommandations, nous indique le chercheur Abdelhakim Hammoudi, serviront d’« outils d’aide à la décision ». Il est question, explique-t-il, « de types d’intervention publique et de types de gouvernance les plus favorables à l’atteinte des objectifs de développement ». D’après les statistiques 2015 du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, les plus récentes, le palmier occupe en Algérie une superficie évaluée à 167 000 hectares pour un nombre de palmiers estimé à plus de 18,6 millions et une production de dattes, toutes variétés confondues, de près de 990 000 tonnes. Les régions phoenicicoles se situent généralement au sud de l’Atlas saharien et couvrent 16 wilayas. «Car la wilaya de M’sila a perdu son potentiel phoenicicole », rappelle un document de la Chambre de commerce de Biskra-Ziban. Biskra et la première région phoenicicole du pays avec 27,4 % de la superficie totale, 23,1 % du nombre total de palmiers dattiers et 41,2 % de la production nationale de dattes. Elle est suivie d’El Oued, avec respectivement 22 %, 22,4 % et 25%. Ces deux wilayas totalisent à elles seules plus des deux-tiers de la production nationale de dattes, indique le même document.