Peut-on dissocier Albert Camus de l’Algérie ?

Peut-on dissocier Albert Camus de l’Algérie ?

Peut-on dissocier Albert Camus d’Alger ? Peut-on dissocier Albert Camus de l’Algérie ?

Impossible !

Sans l’Algérie, Camus aurait-il écrit « L’Etranger » ? Camus est-il algérien ?

La réponse dépend de vous et de l’idée que vous vous faites de l’identité.

J’ai l’impression qu’en repensant aux années cinquante et post-indépendance, l’élite algérienne ne parvient pas à dissocier Camus de la politique. Pourtant, Camus n’était pas un politicien. Peut-être incarnait-il l’espoir d’une révolution intellectuelle émise par l’élite algérienne de l’époque ?

Un homme qui refusait les injustices mais « qui préférait sa mère à la justice » comme tout Méditerranéen vénère sa mère. Quel Algérien préfèrerait la justice à sa mère ? Et pourtant, c’est toujours cette phrase qui revient à chaque fois qu’on aborde Camus en Algérie, comme si Camus se réduisait à cela.

Quand j’étais étudiant à l’université d’Alger, lorsqu’on parlait de lui c’était souvent cette phrase qui revenait. On oublie le Camus qui a écrit sur la misère des Algériens, sur les massacres du 8 mai 1945, on oublie ses interventions auprès du Général de Gaulle pour les condamnés à mort.

On oublie également qu’il faisait partie des fondateurs de « Alger Républicain », ce journal qui a tant éveillé les consciences nationales. Le rôle de Camus et son attachement à sa terre natale ne peuvent pas être réduits à une phrase.

J’avoue qu’à cause de ces idées fausses répandues dans le milieu universitaire, l’idée de lire Camus ne m’avait jamais séduit. Jusqu’au jour où, dans une bibliothèque d’Alger, j’ai sympathisé avec un Européen qui m’a demandé de l’accompagner visiter Tipasa.

J’étais tout fier à l’idée de lui montrer la beauté de l’Algérie. Une fois arrivé à Tipasa, j’ai vu mon interlocuteur ouvrir un livre, « Noce » d’Albert Camus, et lire des extraits sur les ruines tout en contemplant le soleil et respirant l’odeur de la mer bleue.

La lecture de « L’Etranger » m’a complètement bouleversé. Un nouveau style d’écriture et surtout beaucoup d’interrogations, notamment sur la manière dont l’Arabe était perçu.

Camus mérite une place dans notre histoire ; qu’on le veuille ou pas, il fait partie de nous. Le nier, me semble-t-il, c’est nier une partie de notre mémoire.

Nous devrions dépasser le Camus politique, quelle que soit sa vision de l’histoire de l’époque, pour lui donner le rôle et l’importance qu’il mérite, en commençant par l’école.

Cependant, sa place n’est pas au Panthéon, elle est parmi les siens, au cimetière qui prédomine la baie d’Alger en accueillant la mer bleue à bras ouverts.