Ancien rugbyman professionnel du Racing Club de Paris, Dominique Guéret est aujourd’hui un expert des pelouses synthétiques et naturelles, très connu en Europe. On l’a appelé pour qu’il nous donne son avis sur ce qui se fait actuellement à Annaba.
– Vous êtes spécialiste des pelouses synthétiques et naturelles. Vous devriez connaître l’expert français, Yohann Verne, qui s’occupe du Stade d’Annaba ?
– Non, je n’ai jamais entendu parler de lui. Vous êtes sûr qu’il est spécialiste dans les pelouses de stades de foot et de rugby, parce qu’il y a aussi des spécialistes de stades de golf, ce qui est complètement différent. Quelle est la mission qu’on lui a confiée ?
– Il doit retaper la pelouse du stade d’Annaba en l’espace de 25 jours.
– S’il doit retaper seulement, c’est faisable, mais pour refaire toute la pelouse, à zéro, c’est pratiquement impossible.
– Vous voulez dire que cette mission serait un échec ?
– Je n’ai pas dit cela. D’abord, je ne connais pas la composante de la terre du stade d’Annaba pour m’avancer, ni ce qu’a exigé la FAF de cet expert. Si l’Algérie veut un ray-grass, c’est-à-dire un cache-misère, ou si vous voulez une pelouse verte bien taillée, qui semble excellente au début, mais qui s’arrache dès que le match débute, je dirais que oui, c’est possible. Mais pour une vraie pelouse de stade de football avec une longueur de vie assez grande, je vous dirais que non, c’est impossible. Maintenant si M. Verne a une formule magique…
– C’est-à-dire que la pelouse qu’on aura le 27 mars risque de ne pas tenir tout le match, c’est ça ?
– Vous savez, la longueur de la racine est plus importante que la feuille du gazon. Il y a des terrains faits pour 11 heures d’entraînement par jour. D’autres 20 heures, et les meilleurs peuvent tenir 30 heures. Les racines de ces dernières mesurent 19 cm au moins. Pour celle que vous allez avoir pour votre match du 27 mars prochain risquerait de s’arracher en une mi-temps. Vous allez jouer la deuxième mi-temps sur de la terre.
– Pourtant, tout le monde est optimiste, y compris l’expert français qui leur a promis une bonne pelouse pour le 27 mars.
– Ecoutez, pour avoir une bonne pelouse qui a une durée de vie moyenne, il faudrait 100 jours et une température entre 15 et 25 degrés. Il faudrait aussi analyser la composante chimique et physiologique de la terre pour décider ensuite s’il faut ajouter du sable, des semences, ou autre chose avant de commencer le travail. Si toutes ces conditions sont réunies, vous pourriez avoir une pelouse qui semblerait parfaite au début, mais qui pourrait ne tenir qu’un seul match. Nous, on l’appelle, le cache-misère, ou le ray-grass.
– On voudrait à la fin vous poser une question : combien coûterait l’entretien d’une pelouse naturelle par an ?
– Comme je vous l’ai dit avant, il y a trois types de pelouses. Celle qui est faite pour tenir 11 heures d’entraînement ou de jeu par semaine. 20 heures, et enfin 30 heures. L’entretien de la première coûte 70 000 €. Celle de 30 heures coûte par contre 140 000 € par année. C’est beaucoup je sais, c’est pourquoi, j’encourage l’utilisation des pelouses synthétiques, pas comme celle de Lorient qui est très mauvaise, mais la nouvelle génération, celle faite avec de la noix de coco… Oui de la noix de coco. On l’utilise déjà en Italie, en série B, et croyez-moi, c’est une totale réussite. Il y a 30 % de gazon naturel, et 70 de gazon synthétique. Elle coûte 500 000 €, son entretien est facile et sa durée de vie est grande. Côté sportif, les joueurs se sentent très bien et ne font presque pas la différence entre elle et la naturelle.
