Le boom sur les prix des métaux avait donné l’occasion à l’Afrique de négocier des contrats beaucoup plus favorables avec les compagnies minières. Aujourd’hui, alors que la demande mondiale s’effondre, cette situation est compromise, mais d’actives organisations de la société civile cherchent néanmoins à assurer que les richesses minérales du continent continuent à profiter à tous.
Les prix des métaux et du pétrole ayant triplé entre 2002 et 2007, les pays africains riches de ces ressources ont connu un boom minier. La compétition pour ouvrir de nouvelles mines afin de satisfaire une demande mondiale en expansion étant devenue féroce, certains pays africains se sont retrouvés dans une position avantageuse pour négocier avec des investisseurs étrangers qui pouvaient auparavant exiger et obtenir des concessions importantes avant d’investir. Mais avec le ralentissement de la croissance mondiale, ces prix ont considérablement baissé et les investisseurs hésitent.
Le pouvoir de négociation des pays africains s’est affaibli et la Zambie, par exemple, qui comptait imposer une taxe sur les profits exceptionnels réalisés par les compagnies extractrices de cuivre, a dû abandonner ce projet quand le prix du cuivre a dramatiquement plongé. Abondamment pourvue de ressources minières et pétrolières, l’Afrique a généralement peu profité de cette richesse. Les profits miniers et pétroliers ont longtemps été transférés à l’étranger ou gaspillés, mais des gouvernements plus démocratiques ainsi que le militantisme d’organisations de la société civile ont renforcé les efforts faits pour que le secteur minier contribue mieux au développement. «Les exploitations minières sont une ressource publique et les négociations entre les Etats et les compagnies devraient être transparentes, accessibles et faciles à comprendre pour tous les citoyens», déclare à Afrique Renouveau Ibrahim Aidara, de l’organisation non gouvernementale britannique Oxfam.
Peu de pays possèdent une législation sur l’environnement et l’indemnisation des populations et, même là où elle existe, elle est rarement appliquée. Très peu d’argent est donc consacré aux indemnisations ou aux opérations de nettoyage des sites après la fermeture des mines. Et les gouvernements n’ont pas les mécanismes adaptés pour réinvestir les revenus miniers dans les programmes de développement.Malgré la chute des cours mondiaux, c’est ce que font certains Etats comme la Tanzanie. Auparavant, les investisseurs dans les mines d’or et de diamants obtenaient fréquemment des conditions fiscales avantageuses valables jusqu’à 20 ans. Alors que le secteur minier représentait environ la moitié des exportations, le total des impôts payés par les compagnies minières représentait moins de la moitié de ceux payés à elle seule par une brasserie locale.
La Tanzanie a mis sur pied une commission pour examiner comment définir des contrats miniers qui profitent mieux à tous. Sur les recommandations de cette commission, les compagnies minières AngloGold, Barrick et Resolute ont accepté de payer directement aux autorités locales des régions où les mines sont situées des redevances annuelles équivalant à 200 000 dollars, et 125 000 dollars supplémentaires seront versés chaque année à un «fonds d’autonomisation» qui financera des projets de développement nationaux.
Mais de meilleurs contrats ne suffisent pas à garantir que les citoyens tirent profit de leurs richesses naturelles. Selon certains experts, la corruption, le manque de transparence et l’absence de législation claire concernant la distribution des revenus miniers peuvent aussi freiner les bénéfices pour le développement.
Jean-Baptiste Compaoré, ancien ministre de l’Economie et des Finances du Burkina Faso, explique que son pays a ainsi récemment adhéré à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) qui exige de ses membres qu’ils publient tous les chiffres concernant les revenus de l’exploitation minière et pétrolière. Il espère que cette décision permettra de «maximiser les effets positifs du développement du secteur minier sur la croissance et la lutte contre la pauvreté».
La transparence est particulièrement difficile à obtenir dans les pays qui émergent d’un conflit. En mars 2007, une coalition de plus de 100 organisations non gouvernementales (ONG) a demandé que le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) «renégocie, révoque ou résilie» les contrats miniers désavantageux qui avaient été signés pendant la guerre ou sous le gouvernement de transition au pouvoir de 2002 à 2006. Certains contrats auraient «collectivement cédé plus de 70% des réserves de cuivre et de cobalt les plus précieuses du pays aux compagnies minières internationales». Une commission interministérielle a été chargée d’examiner plus de 60 contrats miniers. Son rapport recommande que tous les contrats examinés soient renégociés afin d’accroître la participation de l’Etat dans les exploitations minières et sa part des revenus. Mais les ONG affirment que la commission est restée muette sur les questions de la dégradation de l’environnement et de sa restauration après la fin des opérations, ainsi que sur l’indemnisation des populations.
Au Liberia, le gouvernement vient d’achever une révision complète des principaux contrats miniers en vigueur, y compris de celui qui a été conclu avec le groupe indien de la sidérurgie ArcelorMittal. Le contrat révisé résilie les clauses qui affranchissaient la compagnie des lois libériennes concernant l’environnement et le respect des droits de l’Homme, abolit certaines exonérations fiscales temporaires et exige l’indemnisation des populations touchées par l’exploitation minière. Les experts expliquent qu’améliorer les revenus que l’Afrique obtient grâce à ses ressources minières exigera une plus grande transparence, une meilleure planification de l’investissement des revenus miniers et de meilleurs partenariats entre les compagnies minières, les Etats et les populations locales.
Au Burkina Faso, des compagnies aurifères, comme la britannique Cluff Mining, le conglomérat australien Metal Mass et la Société d’exploitation minière d’Afrique de l’Ouest (Semafo) canadienne, aident activement le pays à mieux faire bénéficier les populations locales des revenus des ressources naturelles. La Semafo collabore avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), des ONG et les collectivités locales pour définir un plan de développement durable.
Elle construit aussi à proximité de sa mine d’or de Mana 2 villages de 425 maisons avec équipements collectifs.
De tels exemples suscitent l’espoir que l’Afrique émergera de l’actuelle période de baisse des prix plus forte qu’à la suite des cycles précédents. «Les pays riches en ressources naturelles utilisent leurs gains exceptionnels pour accroître leurs dépenses en faveur de l’infrastructure et des services sociaux. De surcroît, ils économisent beaucoup plus que durant les booms précédents», explique Abdoulaye Bio-Tchane, président de la Banque ouest-africaine de développement.