La Tunisie peut devenir un exemple de démocratie réussie dans le monde arabe. Une démocratie réussie qui soit plus en avance encore sur les expériences «démocratiques» vécues ici et là sous la pression des événements, plus par nécessité des régimes en place que par leur conviction.
Une nouvelle ère est en train de s’ouvrir devant ce peuple maghrébin que l’on a qualifié injustement de «docile». Pourtant, le peuple tunisien a pris les armes contre l’occupant français à la première heure, s’est soulevé à Gafsa contre le régime de Bourguiba, s’est révolté en décembre 84 durant la «crise du pain», avant de donner une belle leçon de courage au monde face à un système des plus répressifs dans le monde arabe.
Le plus gros du travail vient d’être fait par le peuple tunisien qui a balisé la voie vers une démocratie véritable. Or, 60 jours de transition politique, ce n’est pas suffisant pour que ce qui reste de l’opposition politique, laminée par le pouvoir absolu de Habib Bourguiba avant de recevoir le coup de grâce de Ben Ali, puisse avoir une adresse, se mettre en place dans ses locaux avec ses états-majors de campagne et se déployer sur le terrain avec son programme de gouvernement.
La transition mais avec qui ?
Le parti unique au pouvoir, dénommé actuellement Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), après avoir changé deux ou trois de nom pour une même politique autoritaire et totalitaire, apparaît, dans les conditions actuelles, comme la seule formation politique apte à se succéder à elle-même.
Pour s’installer confortablement dans les nouvelles institutions démocratiques que le peuple tunisien entend se donner au prix fort que l’on sait. Les citoyens et l’opposition ont toutes les raisons du monde de demander le départ des dinosaures du système agonisant qui veulent assurer la transition politique du pays. On ne peut pas, en effet, avoir servi une dictature et être aujourd’hui pour la démocratie.
S’il est vrai que l’opposition doit être réinventée dans les courts délais que lui laisse la Constitution actuelle, la Tunisie regorge d’hommes et de femmes de valeur, capables de prendre en main le destin du pays.
Un opposant tunisien a expliqué que la tâche n’est pas aisée parce que la dictature n’est pas incarnée par le seul ex-Président Ben Ali, mais par son entourage politique, son parti le RCD,
la Constitution et toutes les lois du pays qui sont conçues pour servir des intérêts occultes et privés. Tout ce dispositif de loi qui verrouille la vie politique doit être déverrouillé. Il ne faut pas sortir de Saint Cyr pour faire les bons choix politiques que le peuple tunisien est en droit d’attendre de ses futurs dirigeants.
Une dictature pourrait en cacher une autre
La révolte populaire a déjà tracé les grandes lignes de ce que sera le programme politique du Président démocratiquement élu qui sera appelé à gouverner le pays. Non sous les ordres de Wassila ou de Leila mais à la tête d’une équipe de femmes et
d’hommes compétente, jeune, dynamique et patriotique qui servira exclusivement l’intérêt du pays, non les intérêts privés, familiaux ou étrangers, qui saura répondre à la demande nationale de justice sociale, éradiquer la corruption et respecter l’alternance au pouvoir.
L’ex-empire colonial n’aura plus alors la marge de manœuvre qu’il s’est donnée depuis l’accès à l’indépendance de la Tunisie en 1956 pour soutenir un «Président à vie», contrôler les richesses nationales du pays et lui dicter sa «feuille de route».
Nos frères et voisins tunisiens devraient se méfier enfin du courant fondamentaliste qui tente de se repositionner à la manière de l’ex-FIS en Algérie pour qui la démocratie n’est pas une fin en soi mais un moyen pour mettre en place une dictature inédite, encore plus grave que celle de l’ère «Bourguiba – Ben Ali». A ce prix, le sang des martyrs tunisiens n’aura pas été vain et plus rien ne sera plus comme avant.
A. Hamid