Peugeot et Djezzy, le mercredi des acquisitions fictives algériennes

Peugeot et Djezzy, le mercredi des acquisitions fictives algériennes
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L’Algérie a fait le buzz de l’actualité économique régionale ce mercredi. Dans la matinée à Paris, d’abord, où elle était annoncée en route vers l’entrée dans le capital de PSA. A Alger en début d’après-midi, ensuite, où le patron de Djezzy « divulguait » un accord au sujet du sort de la filiale algérienne du groupe Vimpelcom-Orascom. Une fois retombée la fumée des annonces, rien de concret sur la table. Ni à Paris ni à Alger.

Ce mercredi 12 décembre 2012 aurait pu être marqué d’une pierre blanche dans l’histoire de la gouvernance économique algérienne. L’Algérie, qui ne fait jamais d’acquisition à l’étranger, allait en réaliser une. Pour entrer dans le capital de PSA, le groupe constructeur automobile en déshérence industrielle tombé à moins de 3 milliards d’euros de capitalisation boursière et sorti cet automne du CAC 40 à Paris. C’est le journal économique français la Tribune qui l’annonçait sur son site.

La nouvelle, coïncidant avec le durcissement annoncé du plan de compression des effectifs de PSA, a dopé le titre à l’ouverture de la séance ce mercredi matin. L’action PSA a atteint un + 9% en milieu d’après-midi.

Mais Alger ne s’est pas arrêté en si bon chemin pour le jour de son entrée virtuelle en action sur les marchés financiers mondiaux. M. Vincenzo Nesci, PDG de OTA (Djezzy), la filiale algérienne de téléphonie mobile du groupe Vimpelcom-Orascom, déclarait à un parterre de journalistes, en marge d’un forum à l’hôtel Aurassi à Alger, que Djezzy allait finalement passer dans le giron de algérien: «la nouvelle OTA (Optimum Telecom Algérie) a été créée dimanche dernier»,  pour remplacer Orascom Telecom Algérie. Elle «a  obtenu son registre de commerce, et elle est enregistrée en tant qu’opérateur dans les télécom ».

LG Algérie

Mais la sensation dans ce changement de dénomination est surtout dans la modification prochaine de la structure du capital de OTA version Optimum. Le capital de la nouvelle société serait détenu à hauteur de 51% par sept opérateurs algériens, et les 49% restants par le russo-norvégien Vimpelcom, propriétaire de l’ancienne OTA. «Nous sommes ici pour respecter la loi algérienne, et toutes nos activités sont encadrées par le droit algérien », a affirmé le patron de Djezzy.

Même Raffarin n’en a pas entendu parler

Ainsi, en une journée, le gouvernement algérien aurait tordu le coup à une position dogmatique qui consiste à refuser de prendre des parts dans des entreprises étrangères, et à régler l’acquisition de 51% de Djezzy qui pollue le climat des affaires en Algérie depuis trois ans.

En fait, la fin de la journée a vite fait de montrer, malheureusement, que les annonces historiques de ce mercredi suggèrent plus qu’elles ne recouvrent de nouvelles réalités. C’est Jean Pierre Raffarin, le Monsieur Algérie en France, qui, le premier, a porté l’estocade à cette cavalcade algérienne des acquisitions d’actifs.

L’ancien premier ministre de Jacques Chirac a démenti, dans un tweet posté à 14h 42, avoir discuté de PSA avec les autorités algériennes lors de son récent passage à Alger. La recherche, durant ce mercredi trépidant, par la rédaction de Maghreb Emergent à Alger de la trace d’un quelconque dossier PSA initié par le gouvernement algérien est restée vaine.

La piste d’une action « discrète » du fonds national d’investissement  (FNI) a été évoquée par un spécialiste, mais sans plus de certitude. La réalité est que la gouvernance économique algérienne ne s’est pas encore dotée d’un instrument d’acquisition de portefeuille à l’international.

L’opportunité d’acquérir des parts de PSA a été évoquée pour la première à Alger en septembre dernier lors d’une journée d’études FCE-IPEMED. Le président de l’institut de prospective économique Méditerranée (IPEMED) avait déclaré à cette occasion avoir approché la famille Peugeot  au sujet une entrée de l’Algérie dans son capital, et qu’elle n’avait pas exprimé d’hostilité à ce propos. (//www.maghrebemergent.info/economie/63-algerie/16226-la-famille-peugeot-l-pas-hostiler-a-larrivee-de-capitaux-algeriens-dans-psa.html) Le plus probable est qu’il n’existe pas encore réellement d’avancée palpable sur le dossier. Le journal La Tribune devra en dire plus, et rapidement.

Alger, de son côté, est déjà accusée en sous main d’avoir tenté, par « cette fausse fuite », de faire pression sur Renault, dans le bouclage de la négociation au sujet de l’investissement dans un usine de montage destinée à produire 150.000 véhicules par an à Oran.

Une acquisition de 51% de Djezzy sans accord de prix ?

Si l’acquisition de parts dans PSA n’est pas près de devenir une réalité, l’acquisition de 51% de Djezzy est tout aussi virtuelle, après la sortie de M. Vincenzo Nesci de ce mercredi si particulier. Il est lui-même le premier à l’insinuer, en précisant que les discussions entre Vimpelcom et le gouvernement algérien « se poursuivent », parce qu’ « il y a encore des problèmes juridiques à résoudre ».

En réalité, la nouveauté est que Vimplecom est prêt  à céder 51% du capital de sa filiale algérienne à sept acteurs économiques algériens. C’est le cadre institutionnel de la solution de sortie de crise dans cette transaction forcée. Ce n’est plus l’Etat algérien qui préempte, ce n’est pas le trésor public qui se rend acquéreur des 51%.

Une ouverture. Mais dans le même temps, tout reste à faire. Le prix de cession ne figure nulle part dans la communication de Djezzy. Ni d’ailleurs l’identité des sept opérateurs algériens qui vont rentrer dans Optimum. Que devient Cevital, l’actionnaire minoritaire algérien dans ce tour de table?

En réalité, ce qu’a annoncé le PDG de OTA est un projet de solution négociée avec les autorités algériennes. Il faudra ensuite l’accomplir, trouver sept opérateurs nationaux pour se partager le fardeau des deux, trois, ou quatre milliards de dollars, qu’il faudra bien débourser pour boucler cet interminable achat de Djezzy. Peut être l’agenda des trois prochaines années.