L’attente d’un accord historique demain à Doha sur un gel de la production semble enflammer encore les marchés pétroliers. Flirtant avec des ventes à 45 dollars le baril pour livraison en juin prochain, le brut s’emballe et fait bouger les places boursières à travers le monde, alors que les indices économiques et les tendances dans le monde occidental demeurent prisonniers du marasme ambiant et surtout d’une crise qui perdure.
Pourtant, cette rencontre entre les 12 pays membres de l’Organisation des pays exportateurs (OPEP) et quatre autres non affiliés au cartel ne se déroule pas sous de favorables auspices.
En dépit des déclarations optimistes et des intentions favorables affichées par les « gros bras », l’Arabie saoudite et la Russie, le doute persiste encore chez les observateurs et surtout les investisseurs sur l’éventualité d’un « flop » monumental dans la capitale qatarie. Un ratage et un échec des pourparlers est du domaine du possible, d’autant que plusieurs équations restent insolubles à la veille du sommet.
C’est ainsi que les experts n’arrivent pas à disséquer l’équation iranienne. Ce pays, fraîchement sorti d’un embargo, compte reprendre rapidement sa production, l’augmenter et surtout arracher des parts de marché qu’il a perdues en dix ans. Et c’est exactement le cas pour le voisin irakien, qui a souffert d’une guerre civile et veut booster sa production pour financer son colossal budget de reconstruction du pays.
Ces deux grands producteurs de pétrole ont fait clairement savoir qu’ils ne signeront pas d’accord sur le gel, pour des raisons évidentes, et qu’ils auront besoin de temps avant que leurs productions n’atteignent leurs quotas initiaux.
Téhéran et Bagdad veulent imposer une « exception » dans ce sommet, que d’autres membres pourraient bien voir comme un prétexte pour s’engouffrer dans ce « couloir ». Car, il y a la Libye ou le Nigeria, voire l’Angola aussi. Seul bémol pour dissiper les craintes, la montée en puissance de la production iranienne et irakienne sera lente.
L’autre sujet d’inquiétude qui va planer sur les discussions de Doha est sans aucun doute cette lancinante question du seuil des prix du baril. Pour les Saoudiens, le pétrole ne doit pas coûter plus de 45 dollars le baril, car plus que cela c’est le retour des producteurs de schiste américains qui vont inonder le marché et arracher des parts de marché, non seulement aux Etats-unis, mais aussi en Europe.
La guerre des prix déclenchée en été 2014 par Riyadh pour contrer les producteurs de schiste US a fini par mettre à genoux la moitié de ces investisseurs. Ces derniers ont fermé leurs puits, déclaré faillite. Les coûts d’extraction, avec la technologie onéreuse de la fracturation hydraulique, demeurent chers.
Or, ce seuil ne satisfait guère certains membres, dont l’économie est très dépendante du pétrole, comme le Venezuela et l’Algérie. Ces deux pays, mono-exportateurs, ont besoin eux aussi d’un pétrole plus cher pour financer leurs politiques sociales intérieures et surtout d’une longue période pour assurer une transition de leur économie vers la diversification.
Ce que le contexte actuel ne permet pas, ainsi que les stratégies commerciales et géoéconomiques. Caracas et Alger, même si elles s’inscrivent les yeux fermés sur un brut à 45 dollars le baril, restent perdantes. Mais elles n’ont pas le choix.
Pour les experts, revoir le pétrole à plus de soixante dollars est presque « impossible ». Car, le marché mondial est encore inondé de brut. La surproduction et les stocks ont atteint des records. L’OPEP elle-même a dépassé de 3 millions de barils /jour ses propres quotas de 30 millions, alors que la Russie a frôlé les 11 millions de barils.
Or, le sommet de Doha va sceller justement le gel de cette « surproduction », et non l’abaisser ou la réduire. D’où l’impact minime attendu demain sur les marchés.