A l’ombre des révolutions démocratiques arabes se déroule une autre bataille éminemment stratégique autour de la politique énergétique dans le monde. Dans ce jeu de coulisses, le Qatar montre un activisme particulier et énigmatique laissant croire la volonté et la détermination de ce pays du Golfe à occuper tous les espaces et évoluer sur tous les registres. Cette nouvelle doctrine diplomatique adoptée par le Qatar montre clairement la très grande ambition qu’il nourrit tant sur le plan politique que celui de l’économie, après avoir réussi notamment à décrocher le billet d’organisation de la Coupe de monde de football en 2022.
Après avoir organisé, les 16 et 17 novembre derniers, à Doha, une réunion au sommet des pays producteurs et exportateurs de gaz, boudée par le président iranien, l’émirat du Qatar s’apprête à accueillir le 20e Congres mondial du pétrole du 5 au 8 décembre prochain. Cette réunion importante, dont les travaux seront ouverts par le très médiatique émir du Qatar, intervient quelques jours seulement avant la tenue du sommet de l’Opep, prévu le 14 décembre prochain. Le congrès de Doha verra la participation de plusieurs délégations ministérielles de pays producteurs dont l’Algérie, qui sera représentée par le ministre de l’Energie et des Mines, Youssef Youcefi dont l’intervention est programmée pour le 7 décembre, soit la veille de la clôture de cette rencontre. Sont également conviés aux travaux de ce sommet, les premiers responsables des plus grandes sociétés pétrolières au niveau mondial, comme Exxon, Total, Repsol Statoil, qui présideront des ateliers et donneront des conférences sur les défis et enjeux du marché énergétique dans le contexte actuel marqué par des bouleversement politiques planétaires et la crise économique qui frappe de plein fouet les pays occidentaux en général et les pays de la zone euro en particulier.
Durant les quatre journées que durera cette réunion, plusieurs questions stratégiques seront débattues et des pistes de travail seront peaufinées pour les soumettre à la future conférence de l’Opep, dont le secrétaire général en exercice sera présent au sommet de Doha pour donner une conférence sous le thème significatif «Le dialogue des consommateurs : l’attente et les résultats». L’intitulé de cette communication à lui seul révèle la problématique qui se pose, et marquera, sans doute, les relations entre les pays producteurs et les pays consommateurs dans la phase actuelle et l’avenir prochain. Dans les coulisses, les manœuvres et les négociations ont déjà commencé pour accompagner le changement politique dans le monde arabe par la reconfiguration des relations économiques entre ces pays et l’Occident qui vit une des crises les plus graves de son histoire récente. L’après-Kadhafi va peser lourdement dans cette nouvelle carte étant donné que la Libye est l’un des pays les plus importants en matière de richesse en or noir ; avec une réserve estimée à 39,1 milliards de barils, elle occupe le 9e rang mondial. Ce qui explique d’ailleurs la célérité avec laquelle les nouvelles autorités de ce pays tentent, avec l’aide des pays occidentaux qui ont des intérêts directs, de relancer la production en procédant à la remise en marche des raffineries touchées par la guerre contre le régime du dictateur déchu. La production de la Libye, qui était de l’ordre de 1,6 million de barils /jour, a chuté de plus de la moitié pour atteindre 700 000 barils en septembre dernier.
Les observateurs et les experts dans ce domaine estiment que le retour au rythme normal de production de la Libye pourrait prendre de six à dix-huit mois. Les nouveaux responsables de ce pays, quant à eux, vont engager une course contre la montre pour essayer d’avoir les fonds nécessaires pour la reconstruction et le développement du pays. Les grandes sociétés pétrolières européennes et américaines sont sur les lieux et s’affairent à remettre sur les rails le secteur de l’énergie libyen.
La bataille autour du contrôle des matières premières n’est pas totalement gagnée par ceux qui l’ont engagée. La phase actuelle est celle de la redistribution des rôles entre les différents acteurs, ce qui explique d’ailleurs l’intense activité du Qatar sur tous les fronts, profitant de son aisance financière, de la sécurité dont il bénéficie grâce à la base américaine implantée sur son territoire ainsi que la stabilité interne qui le caractérise ces derniers années.
L’émirat du Qatar essayent de doubler l’Arabie saoudite pour jouer un rôle prépondérant dans la nouvelle configuration que les grandes puissances, et à leur tête les Etats-Unis, tâchent de mettre en place pour faire face aux dangers que constitue l’Iran sans oublier l’avancée de la Chine qui grignote et occupe chaque jour des espaces qui leur sont traditionnellement acquis. Sur le plan énergétique, bataille la plus stratégique aux yeux des Occidentaux, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord restent des terrains d’influence où se joue cette guerre qui ne dit pas son nom.
La situation actuelle n’offre pas une grille de lecture complète sur la nature des rapports de force et l’avenir et le cap de la bataille de l’énergie que se livrent les puissances économiques pour le contrôle des matières premières comme instrument de production, de contrôle et de redéfinition des relations internationales sur le plan économique mais aussi celui politique et stratégique.
Il faudrait attendre la fin ou le parachèvement du processus pour comprendre et saisir convenablement les objectifs et les enjeux de ce bouleversement que vivent les pays arabes actuellement. Processus qui n’est pas totalement différent de ce que le bloc de l’Est, les pays communistes, avait vécu au lendemain de la chute du mur de Berlin en octobre 1989. C’est peut-être l’histoire qui se répète dans des régions différentes mais pour les mêmes objectifs.
M. A. O.