En dépit des avertissements de nombre d’experts sur les risques écologiques encourus, le gouvernement algérien garde le cap sur l’exploitation du gaz et pétrole de schiste.
L’exploration, en partenariat avec des compagnies étrangères, bat son plein, au moment où d’autres pays, à l’instar de la France, rappellent, comme de besoin, que l’option est définitivement écartée. Le gouvernement algérien fait donc fi des alertes émises par les experts et s’engage résolument dans l’aventure du «schiste».
L’exploration, études et forages, est effectuée déjà dans les bassins de Berkine (Illizi) et Boughezoul (Djelfa). Les choses se sont même accélérées depuis que l’option a fait l’objet de résolution en Conseil des ministres. Le dernier appel d’offres a permis de dégager le consortium étranger devant mener les explorations dans les bassins sus-cités.
Ni le prix élevé, voire excessif de l’exploitation de cette énergie emprisonnée dans la roche, ni la tendance mondiale à l’exploitation des énergies renouvelables ne l’en dissuadent. Mieux, le gouvernement met beaucoup d’entrain à concrétiser le projet. Une conférence sur les gaz et pétrole de schiste sera organisée à Oran les 12 et 13 octobre prochains.
Cette manifestation se tiendra en même temps que se déroulera à Rome, dans la capitale italienne, la Conférence internationale sur les énergies renouvelables. Une conférence, qui sera organisée à l’initiative de Desertec, devra mettre en relief tout l’intérêt que les Etats ont à investir dans les énergies renouvelables comme substitut à l’énergie fossile. Même les Américains, pourtant pionniers dans l’exploitation du pétrole et gaz de schiste, commenceraient à revenir de leur frénésie à extraire cette énergie coûteuse et, de l’avis de nombreux spécialistes de l’environnement, très polluante.
Les Français, nos voisins de la rive nord de la Méditerranée, jurent en tout cas tous leurs saints qu’ils n’iront pas fragmenter la roche pour libérer les énergies fossiles qui s’y trouvent emprisonnées. Hier encore, Ségolène Royal, la ministre de l’Ecologie, rappelait que la France n’exploitera pas le gaz et pétrole de schiste. Et contrairement à l’idée répandue de ce que les Français voudraient, en la matière, faire de l’Algérie un terrain d’expérimentation, les sociétés françaises ne sont pas impliquées dans le processus d’exploration déjà engagé dans les bassins de Berkine et de Boughezoul, au nord. Ce sont principalement les Italiens et les Américains qui s’en trouvent impliqués.
Mais qu’est-ce qui pourrait expliquer cette ruée algérienne inexorable vers le gaz et pétrole de schiste ? Certains experts des questions énergétiques pensent savoir que cela est dû au fait que les puits traditionnels, surexploités, commencent à tarir et que, conséquemment, il faudra compenser le manque à extraire par l’exploitation du gaz et pétrole de schiste. Ceci, expliquent-ils, pour à la fois honorer des contrats à long terme passés avec des clients étrangers mais aussi satisfaire une demande interne en énergie qui ira grandissante.
S. A. I.
Le niet français, la prudence américaine
L’enthousiasme pour le gaz de schiste laisse progressivement place à de la prudence lorsque ce n’est pas tout simplement à une volte-face. La ministre française de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie vient de donner le ton : elle considère désormais inutile d’investir dans une filière «spéculative» et «aléatoire» tandis qu’aux Etats-Unis, l’effervescence autour du gaz de schiste a sensiblement baissé. L’heure de gloire du gaz de shiste serait-elle de courte durée ?
C’est du moins le cas aux Etats-Unis où les perspectives pour ce créneau s’assombrissent. Des analystes avisés considèrent que les pronostics promettant un développement rapide et fructueux de la filière gaz de schiste s’avèrent totalement infondés. Ils affirment que les réserves de gaz de schiste ne sont finalement pas si importantes que ça et qu’elles ne permettraient pas d’atteindre la transition américaine rêvée ni encore moins de réduire la dépendance énergique du pays. Selon plusieurs études, les prévisions d’exploitation du gaz de schiste en Amérique sont de plus en plus pessimistes.
Ces dernières prédisent la fin de la bulle d’exploitation de ces dernières années. L’engouement puis les investissements consentis pour exploiter le gaz de schiste avaient fait croire que ce dernier serait en mesure de couvrir les grands besoins du pays. La réalité est aujourd’hui tout autre : les grandes compagnies pétrolières rechignent désormais à investir pour l’exploitation du gaz de schiste et les moins optimistes des observateurs prédisent que dans quelques années, il ne subsistera des vastes territoires dédiés à l’exploitation du gaz de schiste qu’une succession de puits rouillés et abandonnés.
En France, c’est Ségolène Royal qui a remis les pendules à l’heure, réaffirmant l’opposition du gouvernement d’exploiter le gaz de schiste. La transition énergétique de la France, affirme-t-elle, ne passera pas par le gaz de schiste. Ségolène Royal a qualifié cette énergie de «bulle spéculative» qui «ne va rien rapporter du tout».
Ajoutant que «les experts américains en reviennent du gaz de schiste, d’abord à cause des dégâts environnementaux et ensuite parce que les entreprises ne referment pas les puits qu’elles creusent, on se retrouve avec des riverains effarés. Tant que je serai ministre de l’Ecologie, il n’y aura pas d’exploitation de gaz de schiste en France. Tout doit être dirigé vers l’économie d’énergie et les énergies renouvelables». Une position qui ne souffre aucune ambiguïté.
N. I.