Des médicaments essentiels dont des antibiotiques et des anti-inflamatoires sont indisponibles dans les pharmacies. La rupture de stock de médicaments dure maintenant depuis des années sans que des mécanismes de régulation de ce marché soient mis en place.
150 produits (dont El Watan détient la liste) utilisés dans le traitement des maladies chroniques – diabète, maladies cardiovasculaires, hypertension, psychiatrie, etc. – sont à ce jour indisponibles depuis des mois dans les pharmacies. Une rupture qui montre bien qu’il y a épuisement des stocks, pourtant obligatoires pour au moins une durée de trois mois.
L’on cite quelques exemples de ces médicaments essentiels des différentes classes thérapeutiques, en l’occurrence les antibiotiques, les anti-inflammatoires, les diurétiques, les anti-histaminiques et les pilules contraceptives. Les marques de ces médicaments sont, entre autres, Aldomet, Bristopen, Votrex, Ovestin, Athymil, Colchicine, Tahor, Celestène, Temgesic, Valium, Maxilase, Rivotril, Lasilix, Medrol, Diclofal, Ketoderm, Bactrim. Ainsi, un malade chronique est contraint de changer de traitement à chaque fois que son médicament se retrouve en rupture. Une perturbation autour de l’approvisionnement de certains vaccins, notamment pédiatriques, a beaucoup affecté les nouveau-nés. Comme d’autres vaccins de désensibilisation (Allustal), importés exclusivement par l’Institut Pasteur, sont très peu disponibles, à l’image d’une forme de BCG (immucyste).
Un médicament indispensable, cher – son prix avoisine les 9000 DA – et non-remboursable, destiné au suivi et au traitement de certaines formes pathogènes de la prostate. Les médicaments destinés au milieu hospitalier sont aussi concernés par cette rupture de stocks. Les antituberculeux, les anticancéreux, les corticoïdes injectables et tant d’autres produits vitaux. Quelles sont les raisons de ces ruptures ? Des producteurs nationaux, des pharmaciens et des importateurs estiment qu’il est temps d’aller à la refonte fondamentale du marché du médicament. Si certains acteurs imputent cette rupture à la non-signature à temps des programmes d’importation, la détention d’exclusivité par certains importateurs, l’interdiction d’importer certains produits, la rétention de stocks, la vente concomitante et le non-respect des engagements de certains producteurs à couvrir le marché national, d’autres relèvent l’absence de responsabilité pharmaceutique à la décision d’enregistrement, l’absence de traitement des données de la part des autorités de régulation et enfin la difficulté de mettre en place une industrie pharmaceutique nationale performante.
« Un produit apparaît sur le marché alors qu’un autre disparaît à son tour. Si ces ruptures durent, c’est qu’au fond toutes les solutions qui ont été apportées n’ont à ce jour pas été efficaces », estime M. Belambri, président du Syndicat national des pharmaciens.
Il précise que chaque ministre est venu avec ses décisions et ses solutions. « Mais les ruptures sont toujours là. Ceci prouve que le problème est profond. Il ne s’agit pas de budget, ni de décisions au coup par coup. Mais il s’agit à notre avis d’une refonte globale du marché du médicament en Algérie », ajoute-t-il. M. Belambri signale que le fait que certains importateurs soient en même temps grossistes amplifie le phénomène car le produit de leur importation n’est distribué que par eux-mêmes, par le biais de leur propre grossisterie, d’où l’accentuation du phénomène de vente concomitante.
Cette rupture s’est installée depuis l’année 2008 et les pouvoirs publics ont de tout temps nié cet état de fait. Aucune évaluation du marché sur la disponibilité ou la non-disponibilité des médicaments suite à l’interdiction d’importation des produits fabriqués localement n’a été faite à ce jour.
D’ailleurs, certains médicaments se trouvent aujourd’hui en rupture, alors qu’ils sont interdits à l’importation et ne sont pas fabriqués localement.
L’exemple d’une crème prescrite pour les coups de soleil et les érythèmes fessiers (Eurax) est édifiant. Le problème se pose sans aucun doute pour d’autres produits encore plus importants.
« Il est paradoxal et inacceptable que nous arrivions à une situation pareille avec une enveloppe de presque 2 milliards de dollars d’importation par année. C’est totalement incohérent. On a l’impression que le rôle de l’Etat se limite à signer les programmes d’importation et à débloquer les enveloppes financières nécessaires », regrette le président du Snapo, en ajoutant : « Tant qu’il n’y aura pas de mécanismes réels avantageant de manière concrète la production nationale, le marché du médicament restera toujours ainsi : instable et imprévisible. »
Interrogé sur les dernières instructions du gouvernement et du ministère de la Santé pour l’importation des médicaments indisponibles en 24 heures, le président du Snapo trouve que la mesure ne peut être appliquée que pour l’importation urgente d’un produit, mais ce n’est pas une mesure qui peut être élargie à une liste d’environ 100 DCI ; cela reste une mesure d’urgence exceptionnelle.
Pour lui, le contrôle des engagements par les importateurs, accompagné d’études définissant les besoins réels de la santé en matière de médicament, les stocks sont les préalables qui permettront à l’Etat de jouer son rôle de régulateur et le garant de la disponibilité régulière du médicament. Pour M. Belambri, il est urgent de mettre en place une réforme de ce système qui a été totalement ouvert de manière brusque et anarchique. Une situation, ajoute-t-il, dont souffrent les pharmaciens qui sont devenus les proies des opérateurs du marché, totalement impuissants devant une situation non seulement qu’ils vivent, mais qu’ils subissent au même titre que les malades, qui restent les principales victimes de ces ruptures.
Par Djamila Kourta