L’un dit, l’autre contredit. L’un accuse, l’autre dément, puis l’autre accuse de nouveau. Si l’Algérie a perdu son quota de thon rouge, c’est à cause du consulat de France en Algérie.
Si l’Algérie a perdu son quota de thon rouge, ce n’est certainement pas la faute des Français, répond l’ambassade de France à Alger. Depuis quelques jours la polémique enfle autour de cette question au point de devenir une mini-crise d’Etat. Qui plus est elle intervient au moment ou la France veut durcir sa politique de visas. Explications.
Le ministre algérien de la Pêche et des ressources halieutiques, Abdellah Khanafou, persiste à affirmer que l’Algérie a perdu son quota de thon rouge en raison d’un problème de visas ayant empêché les cadres de son département d’assister aux négociations de la réunion, tenue à Paris du 17 au 27 novembre dernier, de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique. Réagissant au démenti de l’ambassade de France, le ministre réaffirme mercredi 15 décembre, sur les ondes de la chaîne III, que les lourdeurs du consulat de France ont été à l’origine de l’échec de l’Algérie à cette réunion.
Abdellah Khanafou pointe un doigt accusateur vers les autorités consulaires françaises. « Les fonctionnaires du ministère de la Pêche n’ont pas pu assister à la réunion de la CICTA car ils n’ont pas reçu leurs visas à temps. Mais l’Algérie a été quand même représentée par le biais de sa représentation diplomatique en France », explique-t-il.
Le ministre : Les fonctionnaires n’ont pas reçu leurs visas à temps
Qui dit vrai? Le ministre ou l’ambassade de France? Ces cadres ont-ils été privés de visas en raison de supposées lourdeurs administratives du consulat de France ou n’ont-ils pas tout simplement introduit leurs demandes à temps? Les deux parties se renvoient la patate chaude.
C’est le jeudi 9 décembre que le ministre algérien de la Pêche allume les services consulaires français en leur imputant la responsabilité de l’absence de l’Algérie à ces négociations . « Nous n’avons pas été présents à la réunion faute de visas, explique-t-il aux journalistes. Les deux cadres du ministère qui devaient prendre part à cette réunion n’ont pas obtenu de visas à temps ».
L’ambassade : Aucun dossier de demande n’a été déposé par ces personnes
Du côté de l’ambassade de France à Alger, la musique est tout autre. Réagissant aux accusations du membre du gouvernement, l’ambassade dément et s’en lave les mains : « Plusieurs quotidiens algériens ont affirmé dans leur édition du 11 décembre que le consulat général de France à Alger n’avait pas délivré à temps (ou avait refusé) des visas aux membres de la délégation algérienne à la réunion de la CICTA qui s’est tenue récemment à Paris. Le consulat ne peut que constater qu’aucun dossier de demande de visa n’a été déposé par ces personnes.
En liaison avec le ministère des affaires étrangères algérien, les autorités diplomatiques et consulaires françaises traitent toujours dans les meilleurs délais les demandes de visa déposées par les membres des délégations officielles algériennes devant se rendre en France», indique mardi 14 décembre un communiqué de la représentation diplomatique française en Algérie. En clair, si les deux cadres du ministère n’ont pas pris l’avion à temps, il faut chercher la faute ailleurs qu’à l’ambassade.
Le ministre : Nous n’avions reçu aucune réponse
Réplique du ministre sur les ondes de la radio nationale : « Nous avions introduit des demandes de visas en date du 10 novembre et nous n’avions reçu aucune réponse. Il se trouve que nous n’avons de problèmes de délivrance de visa qu’avec le consulat de France. Nos demandes de visas dans le cadre des missions pour l’Espagne et l’Italie sont satisfaites au bout de trois jours ». En clair : le ministère se défausse en chargeant les services consulaires français.
Le quota de l’Algérie récupéré par la Libye, l’Egypte, le Maroc et la Croatie
L’Algérie perd ainsi, selon les explications du ministre, les taxes que les armateurs paient au trésor public et dont la valeur atteinte près de 7 milliards de centimes (700 000 euros) pour un quota de 616 tonnes. « Notre quota devait être de 616 tonnes mais nous avons été amputés, à la demande des Libyens, de 418 tonnes réparties entre quatre pays, à savoir, Libye, Egypte, Maroc et Croatie », précise-t-il. Et de poursuivre : « On en a fait un problème pour rien. D’ailleurs les quotas pêchés n’intéressent pas le citoyen algérien mais ceux qui participeront à la campagne de pêche. Même si nous avions pêché notre quota il serait destiné à l’exportation. Ce sont ceux qui participent à la campagne qui récolteront les dividendes de cette pêche ». Un problème pour rien? L’absence des négociateurs algériens à cette réunion s’est soldée par une perte de 418 tonnes (198 tonnes contre 616 tonnes). Une perte qui se chiffre en plusieurs millions d’euros.
Pour tenter de corriger le tir, le ministère a donc introduit, par le biais de l’ambassade d’Algérie en France, un recours formulant des réserves sur les procès verbaux de la réunion de Paris, fait savoir M. Khanafou, ajoutant qu’à l’heure actuelle son département ministériel n’a pas encore reçu de réponse de la part de la CICTA. Soit.
Les demandes ont été déposées une semaine avant la tenue de la réunion
Mais pourquoi le ministère de la Pêche a-t-il attendu la date du 10 novembre 2010, soit une semaine avant la tenue de réunion, pour déposer les demandes de visas pour ses cadres alors que cette cette réunion était prévue dès novembre 2009? Soit une année plutôt. Pourquoi le ministère de la Pêche n’a-t-il pas alerté à temps son homologue des Affaires étrangères ainsi que les services consulaires française afin d’accélérer la procédure de délivrance des visas comme il est d’usage dans de telles situations ? Pourquoi avoir attendu le 9 décembre, treize jours après la fin des négociations, pour imputer la responsabilité de cette absence au consulat de France en Algérie?
Un dossier géré avec légèreté de bout en bout
Dans cette affaire, on ne peut que constater avec effarement la légèreté avec laquelle le ministère de la Pêche a traité ce dossier de bout en bout. Légèreté dans la mesure où les demandes de visas ont été introduites une semaine avant le début des négociations à Paris. Quand bien même les demandes sont habituellement satisfaites au bout de trois jours, comme l’explique le ministère, les services de ce dernier aurait dû prendre leurs dispositions plusieurs semaines à l’avance afin d’éviter d’éventuels contre-temps. Légèreté ensuite parce que les membres de la représentation diplomatique algérienne en France, aussi compétents soient-ils, ne peuvent pas se substituer aux cadres du ministère de la Pêche qui eux sont suffisamment outillés pour mener les négociations. Légèreté, enfin, parce qu’un ministère du gouvernement algérien ne peut pas s’avancer à porter des accusations contre un service consulaire étranger sans fournir de preuves tangibles.
Le consulat de France à Alger a fait capoter la présence de l’Algérie à une réunion internationale lui faisant ainsi perdre et son quota de thon rouge et la face? Il faudrait davantage qu’une petite déclaration, une dénonciation prononcée du bouts des lèvres…