Perspectives de dialogue au Mali, Alger disqualifie Ansar Dine

Perspectives de dialogue au Mali, Alger disqualifie Ansar Dine

En choisissant de s’allier aux narcoterroristes, le Mouvement touareg Ansar Dine qui occupe avec les autres groupes le nord du Mali, finira par payer cash sa volte-face. Alger qui a toujours voulu proposer ce groupe comme un interlocuteur fiable aux autorités de Bamako, a fini par le disqualifier des négociations politiques.

Pour Alger, le groupe Ansar Dine n’est plus éligible au prochain dialogue avec le gouvernement de Bamako. Le groupe en question qui a décidé de déserter la table des négociations, il y a quelques mois, est désormais considéré comme un groupe terroriste, tout comme les autres groupes qui activent au nord du Mali, à savoir Aqmi et le Mujao. C’est ce qu’a déclaré jeudi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Amar Belani dans un entretien accordé au journal électronique TSA.

«Nous considérons que tous les mouvements qui remettent en cause l’intégrité territoriale du pays ou qui choisissent le camp des terroristes sont disqualifiés pour un tel dialogue», a déclaré le responsable qui tient d’ailleurs à dénoncer les dernières attaques terroristes où des éléments du groupe Ansar Dine sont impliqués. «Comme vous le savez, l’Algérie a condamné avec énergie l’attaque terroriste menée contre la ville de Konna, et nous considérons que tous les groupes qui y ont participé, dont Ansar Dine et son chef Ag Ghaly, sont des groupes terroristes, qui doivent être traités en tant que tels et méritent, en conséquence, d’être mis au ban de la communauté internationale», dit-il. Belani a considéré le choix d’Ansar Dine de renoncer au dialogue, comme une «volte-face intolérable». « Pour nous, «l’implication du groupe qui active sous le label Ansar Dine dans cette nouvelle agression contre l’intégrité territoriale du Mali constitue une volte-face intolérable qui illustre le choix fait par celui-ci, sous l’emprise de son aile radicale : il a préféré s’allier aux narcoterroristes en aliénant par là

même la dimension touareg qu’il prétendait incarner», ajoute-t-il. Le seul interlocuteur targui pour Bamako dans les négociations politiques à venir serait les rebelles laïques du MNLA. Par ailleurs, Belani n’a pas évoqué dans son entretien l’autre aile du groupe Ansar Dine, à savoir le Mouvement islamique de l’Azawad, crée récemment. A la question si l’Algérie soutenait toujours la solution politique pour résoudre la crise au Mali, le porte-parole du MAE a indiqué que «ce n’est pas seulement l’Algérie qui croit encore à la solution politique, mais bien toute la communauté internationale, qui est convaincue que le dialogue politique est incontournable pour trouver une sortie de crise durable au Mali, en apportant une réponse définitive aux causes profondes qui sont à l’origine de l’éruption de rebellions cycliques dans le nord du Mali». Selon le responsable, il s’agit,

«de répondre aux revendications légitimes et aux préoccupations de longue date des populations du nord du Mali. La paix passera nécessairement par le dialogue politique et par le développement de ces zones déshéritées. Je vous signale que cette position de la communauté internationale est consignée dans la résolution 2085 du Conseil de sécurité». Cette résolution appelle les autorités maliennes de transition à «mettre en place rapidement un cadre de référence crédible pour les négociations avec toutes les parties se trouvant dans le nord du pays qui ont rompu tout lien avec les organisations terroristes et qui acceptent sans condition l’unité et l’intégrité territoriale de l’Etat malien», a indiqué le responsable. Amar Belani a rappelé, par ailleurs, que la feuille de route adoptée le 29 janvier dernier par l’Assemblée nationale malienne prévoit expressément la mise sur pied d’une

«Commission nationale de dialogue et de réconciliation», qui devrait, en principe, être mise en place dans le courant du mois de février 2013 et dont la composition devrait être élargie aux représentants des communautés du nord du Mali.

Attentat à Tessalit, les combats s’intensifient à Gao

Un attentat-suicide à la voiture piégée visant des rebelles touareg et des civils a été commis hier matin à Inhalil, près de Tessalit, dans le nord-est du Mali, faisant au moins cinq morts, dont deux kamikazes. L’information a été confirmée par une source sécuritaire régionale et par un responsable du MNLA à Ouagadougou, Mohamed Ibrahim Ag Assaleh. «Deux véhicules piégés ont explosé dans une base du MNLA à 5h30 (heures locale et GMT) à Inhalil, près de Tessalit, à la frontière algérienne», a déclaré Ibrahim Ag Assaleh. «Les deux kamikazes sont morts et dans nos rangs il y a trois morts et quatre blessés graves», a-t-il ajouté. Selon lui,

«trois véhicules ont aussi été incendiés par le souffle des explosions». Le responsable du MNLA a accusé le groupe terroriste le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), d’être à l’origine de cet attentat. «C’est le Mujao qui depuis quelque temps menace de s’attaquer partout au MNLA», a-t-il affirmé. «Les terroristes ont toujours affirmé qu’ils combattraient les forces françaises et leurs alliés, c’est ce qui s’est passé à mon avis», a déclaré la source sécuritaire malienne contactée dans le nord du Mali depuis Bamako. Gao, grande ville du nord du Mali, reprise aux terroristes le 26 janvier par les soldats français et maliens, est le théâtre de violents combats depuis que les groupes armés ont lancé une contre-offensive cette fin de semaine. Des soldats de l’armée malienne, ainsi que des troupes françaises et nigériennes, luttent contre le Mujao dans les rues et les bâtiments de Gao. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé, jeudi en fin de journée, que les «troupes djihadistes» avaient brièvement occupé la mairie et la résidence du gouverneur et en avaient été délogées. Auparavant, un incendie s’était déclaré au palais de justice. Des tirs à l’arme lourde ont été entendus pendant plusieurs heures dans la nuit de mercredi à jeudi, aux entrées nord et sud de la ville. Des soldats français venus en véhicules blindés se sont ensuite joints aux combats, qui ont gagné les rues ensablées de l’agglomération.

15 à 20 terroristes tués

Entre quinze et vingt islamistes ont été tués, deux soldats français «très légèrement blessés» et «quatre soldats maliens auraient été blessés» au cours des combats au Mali, à Gao, jeudi, selon un bilan de l’état-major de l’armée française.

«Les forces armées maliennes appuyées par la QFR (ndlr: force de réaction rapide française, avec notamment deux hélicoptères Gazelle) du Groupement tactique interarmes 2 sont parvenues à neutraliser une quinzaine de terroristes à Gao», écrit l’état-major sur le site Internet du ministère de la Défense dans un point de situation. A Kidal, une localité plus au nord-est où les forces françaises s’emploient à traquer les terroristes, la population a fait état de l’explosion d’une voiture piégée qui a fait deux morts. Le ministère de la Défense a indiqué qu’il n’y avait pas de victime côté français. Le Mujao a revendiqué l’attaque.

Coordination avec le MNLA

Face à la résistance opposée par les terroristes, Paris pourrait s’être adjoint un nouvel allié. Un allié qui pourrait s’avérer précieux dans le nord du pays, plus d’un mois après le début de l’intervention française au Mali. L’état-major de l’armée française, interrogé jeudi sur une éventuelle collaboration au Mali avec le MNLA, a déclaré «se coordonner» effectivement avec «les groupes qui ont les mêmes objectifs» que Paris. Ces rebelles touaregs avaient affirmé le 5 février se «coordonner» et «collaborer à 100%» dans le nord du Mali avec les forces françaises contre les «terroristes». Interrogé sur une telle coordination, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian avait répondu que «cet objectif-là n’était pas le nôtre. Par contre, il est vrai qu’à Kidal, nous avons eu des relations fonctionnelles avec le MNLA».

Par Mehdi Ait Mouloud