Personne ne veut s’aventurer à dire les choses vraies aux citoyens,Le pays est-il entré en crise de confiance ?

Personne ne veut s’aventurer à dire les choses vraies aux citoyens,Le pays est-il entré en crise de confiance ?

A l’heure où une grande opération de corruption traverse le groupe pétrolier Sonatrach, d’un niveau jamais égalé dans l’histoire de l’Algérie post-indépendante- excepté l’affaire des 25 milliards de dollars détournés sur plusieurs années et révélée par l’ancien chef du gouvernement Abdelhamid Brahimi, aujourd’hui en exil à Londres- les divers centres du pouvoir en Algérie semblent se regarder en chiens de faïence sans toutefois arriver à un compromis pour le bien du pays. Nos institutions sont-elles à ce point fragilisées ?

La réponse à cette terrible interrogation vaut plusieurs milliards de dollars. Depuis quelque temps, personne en haut lieu, habilité à communiquer avec le peuple ne se donne la peine d’expliquer le pourquoi et le comment des choses. Le président de la République Abdelaziz Bouteflika, trois fois élu par le peuple, a fait sien ce principe depuis son intronisation à la tête du pays en 1999, celui de ne jamais se fier aux journalistes algériens ou de commenter un événement lors d’une visite officielle d’un chef d’Etat ou de gouvernement, d’un ministre ou d’une quelconque personnalité étrangère.

A la fin des audiences, il laisse toujours à son invité le soin de commenter au micro de la télévision d’Etat.

Lors de ses deux mandats, il avait sillonné le pays, ce qui a permis à la presse de connaître ses intentions sur tel ou tel sujet d’actualité. Son troisième mandat fut celui où il s’exprima le moins.

Seul Sellal va au charbon

Pourtant, cette omerta est brisée quelquefois par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui évite de trop s’aventurer, tordant ainsi le coup à sa verve légendaire. Ainsi, avant-hier, il a par exemple révélé qu’un projet de révision de la Constitution est en cours de préparation sans donner trop de détails sur le contenu, laissant peut-être le soin à qui d’en doit de dévoiler les principales innovations.

Les ministres de son gouvernement, et avant lui ceux d’Ouyahia, ont pris cette fâcheuse habitude d’éluder les questions posées par les journalistes, se contentant de simples généralités.

La révision de la Constitution, un document de référence, est une affaire qui concerne tout le monde, partis politiques, société civile et citoyens. Deux articles attirent cependant l’attention des spécialistes, ceux relatifs au nombre de mandats présidentiels (limitation du mandat ou mandat à vie) et le système politique (régime parlementaire ou présidentiel). Mais le pouvoir en place et ses centres de décision semblent s’accorder à laisser aller seul au charbon Sellal, qui multiplie les déclarations et les sorties à l’intérieur du pays, où il a engagé un débat public avec les citoyens.

Mais sur l’affaire Sonatrach, il s’est muré dans un silence de carpe. Il existe des lignes rouges à ne pas dépasser, fût-il le Premier ministre. Les décideurs peuvent en effet rétorquer que cette affaire est entre les mains de la justice algérienne, et que rien ne sert de divulguer en ce moment précis des informations alors qu’une information judiciaire est ouverte par le parquet d’Alger depuis quelques semaines.

Avant-hier, quelques ministres se sont laissé aller à des confidences sur l’affaire de corruption qui mine le groupe pétrolier.

Ainsi tour à tour, le ministre de la Justice Mohamed Charfi, celui de la Pêche, Sid Ahmed Ferroukhi, de la Communauté à l’étranger, Belkacem Sahli, des Travaux Publics, Amar Ghoul et celui des Télécommunications, Moussa Benhamadi, ont répondu évasivement. Le premier, qui est chargé de faire régner la justice sociale, a fait un geste de la main qui signifiait que «je n’ai rien à dire».

Le second et le troisième ont eu quelques mots pour dire des banalités : «Nous condamnons cela».

Enfin Amar Ghoul, qui fut l’objet d’une campagne médiatique féroce sur l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, a déclaré que la «vérité doit éclater», sans plus. Le dernier à donner son avis sur l’affaire, et qui fut même le plus prolifique, fut incontestablement le ministre des Télécommunications, Moussa Benhamadi. Ce dernier a affirmé que ce ne sont pas tous les Algériens quo sont des corrompus : «Il y a une minorité qu’il faut identifier et juger. Mais il faut aussi mettre à l’abri les cadres de ce pays et leur faire confiance», a-t-il dit avant d’ajouter que ce phénomène n’est pas spécifique à l’Algérie : «On va le combattre et pour cela, il faut qu’on aille vers la transparence dans nos transactions, dans la gestion des affaires et dans le commerce».