Le ministre du Commerce
Le ministère du Commerce et l’Ugcaa s’accordent un satisfecit total à base de chiffres conséquents, soit 99,12% de suivi. Alors que la réalité du terrain est tout autre. Ambiance Far-West, rideaux baissés, le phénomène n’est pas près d’être endigué.
Le bonimenteur. Voilà un qualificatif qui va comme un gant au ministre du Commerce, Amara Benyounès. A force de multiplier les promesses qu’il ne tient jamais, M.Benyounès passe pour un maître dans sa façon de décliner des fables aux Algériens. Cet art, il l’a acquis depuis belle lurette. Du temps où il était ministre des Travaux publics et de la Santé. Mais attention cela touche à leurs poches. Les dernières promesses en date sont celles relatives aux permanences durant l’Aïd et à la stabilité des fruits et légumes. Pour les prix, la fable de la stabilité est difficile à faire avaler, puisque la pomme de terre, un produit de très large consommation, a été cédée par endroits, durant l’Aïd à 80 DA. Pour le taux de suivi des permanences, il faut dire que c’est une véritable cacophonie. Entre la réalité du terrain et les chiffres qu’avancent les services de M.Benyounès, il y a une très grande différence. A se demander parfois si l’on parle du même pays.
D’une part, le ministère du Commerce et l’Union générale des commerçants et artisans algériens Ugcaa, dressent un bilan plutôt positif alors que d’autre part le constat fait sur le terrain de «visu», est tout autre. Le ministère du Commerce a affirmé hier, que 99,3% des commerçants en produits alimentaires réquisitionnés pour les deux jours de l’Aïd El Adha avaient assuré la permanence.

Sur les 34.278 commerçants réquisitionnés et activant dans le domaine des produits alimentaires de large consommation, seuls 240 commerçants (0,7%) n’ont pas respecté cette obligation, a précisé le ministère dans un communiqué. La même source a fait savoir que des sanctions seraient prises à l’encontre des contrevenants, conformément à la réglementation en vigueur qui prévoit une amende comprise entre 30.000 DA et 200.000 DA, ainsi qu’une fermeture administrative pour une durée de 30 jours pour les commerçants récidivistes. Le même communiqué indique que le taux de respect de la permanence par les boulangers retenus sur le territoire national a été de 97.42%. Soit 98,26% à Alger, 96,70% à Blida, et 99,60% à Oran, à titre d’exemple. Concernant le taux de toutes les activités réquisitionnées, il a été de 99,12%. La capitale a suivi à hauteur de 99,59%, Blida à 97,75%, et Oran 99,93.
De son côté, l’Ugcaa à travers un communiqué a exprimé sa satisfaction totale. Cette dernière juge que le programme de permanence appliqué aux commerçants durant les deux jours de l’Aïd a été «un franc succès». Se félicitant du taux de suivi, élaboré sur la base de rapports émanant de ses cellules des wilayas, l’Ugcaa estime que le taux de suivi jusqu’à hier a été de 95% et considère que les boulangers, les commerçants, les magasins d’alimentation générale et autres marchés de fruits et légumes «ont scrupuleusement respecté les consignes, en assurant régulièrement leur activités et en approvisionnant de façon normale le marché en produits de première nécessité». Qu’en est-il de la précieuse baguette de pain? L’Ugcaa est catégorique et rejette toutes les «rumeurs» concernant une pénurie ou une rareté du premier aliment des Algériens. A en croire l’Ugcaa, tout ce qui s’est dit à propos d’une pénurie de pain durant ces deux derniers jours «ne sont que des rumeurs».
Cependant, loin des chiffres et loin des constats de l’Ugcaa et du ministre du Commerce, la réalité sur le terrain est tout autre. Chaque année, le ministère brandit des armes, menace de sévir et multiplie les sanctions. Pour cette année, pas moins de 34 000 commerçants ont été sommés d’observer la permanence. Mais ceci a-t-il été pour autant respecté? La réponse est évidente. Certainement pas. D’ailleurs, les activités commerciales connaissaient jusqu’à aujourd’hui des perturbations, ce qui laisse planer des interrogations sur le bilan de l’Ugcaa. Magasins, boulangers, cafés et marchés soumis au programme de permanence fermés, les rues d’Alger et de Blida à titre d’exemple, durant les deux jours de l’Aïd étaient désertes et donnaient l’air de villes fantômes, représentant presque un magnifique décor pour un film western. Les rares commerçants ayant respecté les directives du département de Benyounès, qui l’ont fait plutôt par habitude ou par conscience professionnelle, que par souci de se conformer aux directives dictées par les autorités, ou par crainte de sanctions, se sont vus pris de court par les foules et les chaînes qui se sont formées aux abords des locaux. Comme d’habitude, les citoyens n’ont pas pu échapper aux «traditionnelles» pénuries, et à leur tête, le pain. Ce produit de large consommation, qui devient un trésor pendant les jours fériés. Pour s’en approvisionner, les citoyens font le parcours du combattant. Malheureusement, cette galère ne touche pas uniquement le pain, mais également les autres denrées alimentaires. A noter qu’en vertu de la loi modifiant et complétant la loi 04-08 définissant les conditions d’exercice de l’activité commerciale, entrée en vigueur en 2013, les commerçants sont tenus de respecter les permanences durant les jours fériés pour assurer un approvisionnement régulier des citoyens en marchandises et produits de large consommation.
Les sanctions qu’encourent les récalcitrants qui ne respectent pas les directives se traduisent par une amende de 100.000 DA comme première sanction. Et en cas de récidive, la fermeture administrative d’un mois et des poursuites judiciaires pour les contrevenants refusant de payer les amendes.
Ces sanctions étalées à maintes reprises, mais qui sont restées lettre morte, ne portent pas leurs fruits, car depuis le temps de leur instauration, aucun changement n’a été enregistré. Ainsi, le citoyen devra se débrouiller avec les moyens du bord, en attendant que les autorités aient mis la main sur la «potion magique» pour endiguer ce phénomène.