Pénuries de médicaments: A quoi joue l’administration?

Pénuries de médicaments: A quoi joue l’administration?

Voilà déjà quelques semaines que le monde de la santé insiste sur la pénurie de médicaments avec quelque 200 médicaments qui manquent.

Les médicaments autorisés sur le marché, leurs prix, leur présentation et même les entreprises chargées de les produire, de les importer ou de les acheminer auprès du citoyen sont strictement encadrés. La question qui se pose est de savoir pourquoi ceux qui sont chargés de gérer cette machine complexe ne sont plus là quand il s’agit d’expliquer les pénuries qui affectent ce marché si bien encadré? Face à la pénurie, les réponses fusent avec une facilité déconcertante car on ne parle plus que de perturbations d’approvisionnement.

Il y a aussi un niveau de réponse lié au déni en répétant que le marché est parfaitement approvisionné et que ce sont juste quelques pharmaciens qui gèrent mal leurs stocks ou bien des grossistes qui pratiquent la rétention. Mais quand ce sont 200 médicaments qui font défaut, les malades peinent à trouver leurs traitements. Les faits sont têtus, tenaces, le malaise persiste, on ne peut pas le dissimuler indéfiniment. Entre-temps, l’administration passe à l’attaque en soulignant qu’elle ne fait que son travail et assume dans des conditions difficiles sa mission préférant dire que les coupables sont les «spéculateurs», les «lobbies de l’argent» ou les importateurs et les distributeurs. Il y aurait ainsi un refus de vente qui leur permet de créer le manque et d’affoler le malade pour pouvoir profiter en augmentant leur marge.

Or, les prix, comme les marges, sont fixés d’autorité, chaque produit a une vignette et une traçabilité. Entre-temps, des programmes d’importation sont bloqués des mois durant et seront probablement «libérés» dans l’urgence, sans que personne ne s’interroge vraiment sur les raisons de leur blocage. La perspective du réapprovisionnement aide à ramener le calme en attendant que la situation se stabilise. Et surtout, en attendant que beaucoup de questions gênantes passent à la trappe. Ainsi, à force de vouloir rogner sur la facture des soins, personne ne s’est aperçu que ce qui est le plus coûteux et pour lequel l’Algérie paie chaque année quelque 300 à 400 millions de dollars est le tabac.

De même, il est bizarre que, sur la cinquantaine de milliards de dollars dépensés chaque année en importations, la seule facture qui est questionnée mensuellement soit celle du médicament, comme si les sommes dépensées pour ruiner la santé des Algériens étaient plus légitimes que celles consacrées à soigner les malades. Pourquoi cette situation mille fois vécue se répète-t-elle invariablement et revient à chaque fois avec une exactitude de métronome? Puisque l’administration finit toujours par trouver l’argent, pourquoi a-t-elle besoin d’entretenir ce suspense inutile, jusqu’à empoisonner la vie de milliers de malades?

Pourquoi n’arrive-t-on pas à tirer toutes les leçons de ces pénibles expériences et à mettre sur pied une organisation réglementaire et commerciale qui tienne la route comme cela se fait partout à travers le monde? En 2017, la situation est préoccupante car l’administration décide d’allouer les parts de marchés aux entreprises sur des critères qu’elle serait seule à connaître et qui ne sont pas ceux du libre jeu de la concurrence. Force est de constater aujourd’hui que jamais le terme de patient n’a pris autant son sens.