Le ministère du commerce fait tout pour apaiser la tension sur le marché et préserver le portefeuille des ménages.
Le marché impose-t-il son diktat au gouvernement? Ce dernier éprouve des difficultés à réguler les mécanismes du marché. La flambée des prix de l’huile et du sucre, qui a provoqué des émeutes un peu partout à travers le pays, accapare toute l’attention de l’Exécutif en ce moment. Le gouvernement multiplie ses rencontres pour apaiser la tension sur les étals et soulager le portefeuille des ménages.
Un Conseil interministériel est convoqué pour aujourd’hui pour se pencher sur ce dossier. C’est la troisième réunion qui lui a été consacrée durant cette semaine. Ce n’est pas un détail fortuit. Bien au contraire, cela démontre que la régulation du marché est devenue un véritable casse-tête chinois pour le gouvernement.
Ebranlé par les dernières émeutes, le gouvernement veut à tout prix éviter le pire. Une batterie de mesures a été prise lors du Conseil interministériel de samedi. Il s’agit du plafonnement des prix de l’huile et du sucre. Et de la levée des taxes sur l’importation du sucre roux, du ducre blanc et de l’huile. Le gouvernement a même fixé la barre en promettant un kilo de sucre à 90 dinars et un bidon de cinq litres à 600 dinars ces jours-ci.
Rien n’a été laissé au hasard. Pour écarter le spectre d’une pénurie, le gouvernement a renforcé les stocks des produits de large consommation. Il a même décidé d’augmenter le quota d’approvisionnement en blé tendre des minoteries qui de 50% est passé à 60%.
Afin de juguler cette augmentation, le gouvernement s’est engagé à prendre en charge les frais et il n’a pas lésiné sur ses moyens. Rien que pour faire baisser les prix de l’huile et le sucre, l’Etat a déboursé 30 milliards de dinars.
«L’intervention immédiate de l’Etat pour faire baisser les prix des stocks du sucre et des huiles alimentaires déjà en circuit doit coûter environ 30 milliards de dinars au Trésor public alors que les exonérations douanières et fiscales, visibles dès la mi-février, vont engendrer pour l’Etat un manque à gagner de quelque 23 milliards de dinars», a estimé avant-hier un responsable de la communication au ministère du Commerce. Au total, la facture s’élève à plus de 50 milliards de dinars.
Or, ces mesures vont-elles résoudre définitivement le problème? Les experts économiques sont peu convaincus de l’efficacité de ces mesures. Ils sont unanimes à dire que ces mesures vont apaiser un tant soit peu la tension, mais pas pour longtemps. «On risque d’être confronté à une situation difficile une fois ces mesures dépassées», a estimé un expert en se référant au délai du 31 août prochain fixé par le gouvernement.
Mettant en avant le contrôle du marché qui échappe complètement à l’Etat, les experts appréhendent le détournement de ces mesures par les lobbies. Les exemples se multiplient. Du ciment, en passant par la pomme de terre et la poudre de lait et tout récemment le blé tendre, l’approvisionnement du marché fait défaut. Le recours abusif à l’importation, devenue une option indispensable, n’a guère réglé le problème. C’est plutôt le contraire. Plus on continue à importer, plus le problème se complique. La pénurie s’est installée dans la durée et s’attaque à tour de rôle aux différents produits du marché. Durant ces trois derniers mois, des crises cycliques ont été signalées. Les liquidités, les médicaments, le lait et enfin le pain se font très rares ces derniers jours.
Le gouvernement est-il en panne d’idées? Les solutions prises par le gouvernement n’ont pas été efficaces. Le dispositif Syrpalac et l’option des Offices interprofessionnels créés pour certains produits alimentaires (lait-pomme de terre) sont loin de mettre un frein aux perturbations cycliques.
Les observateurs de la scène nationale reprochent au gouvernement le manque de visibilité. Nos responsables sont incapables de prévenir les situations de crise qui affectent les différents secteurs. Alors que les caisses sont pleines, la pénurie des produits de large consommation se pose avec acuité.
Au lieu de prendre ses précautions à l’avance, l’Exécutif traite les crises au cas par cas.
Sinon, comment expliquer que des bureaux de poste soient à sec à la veille de l’Aïd. Pour la farine, plusieurs boulangeries ont baissé rideau pour rupture tendre, de stock. A défaut de blé, les minoteries ont vu leurs capacités de production réduites à 30%.
Malgré la décision du gouvernement de renforcer l’approvisionnement en blé, les minoteries sont encore en difficulté. Celles-ci se retrouvent avec des commandes énormes sans pouvoir les satisfaire. «J’ai payé la facture, mais il n’y a pas de semoule», se plaignait hier un grossiste qui affirmait que l’approvisionnement se fait au compte-gouttes.
Nadia BENAKLI