Le patient algérien qui est pris en otage entre grèves successives des personnels médicaux et pénurie de médicaments, est toujours obligé de faire des kilomètres pour se procurer les remèdes prescrits par le médecin. Souvent, il retourne bredouille.
Sale temps pour les malades. A quelques jours du début du mois de ramadhan, les patients font face à une grave pénurie de médicaments. Les pharmacies en manquent. Le patient algérien qui est pris en otage entre grèves successives des personnels médicaux et pénurie de médicaments, est toujours obligé de sillonner des kilomètres pour se procurer les remèdes prescrits par le médecin. Mais souvent, il retourne bredouille.
En effet, la pénurie de médicaments, essentiellement les médicaments pour les personnes atteintes du VIH/Sida, pour les insuffisants rénaux et autres malades chroniques, semble sévir encore et encore, laissant les malades et les pharmaciens en grande colère. Même les pharmacies des hôpitaux enregistrent plusieurs produits manquants. Pendant ce temps, les ministres profitent encore de leurs congés. La sourde oreille des pouvoirs publics n’est pas pour arranger les choses, puisque les malades ont pris leur destin en main en décidant d’investir, cette fois-ci, les espaces publics pour réclamer…les médicaments.
A Oran, la pénurie d’un certain nombre de médicaments fait réagir plusieurs associations de malades concernées par ces ruptures récurrentes. L’Association de protection con-tre le sida (APCS) était, jeudi, en première ligne pour soutenir les personnes atteintes du VIH/Sida qui se sont rassemblées devant le siège de l’Observatoire régional de la santé d’Oran pour protester contre le manque des antirétroviraux au niveau de la pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) d’Oran. Le président de l’Association de protection contre le sida (APCS), le Pr Abdelaziz Tadjeddine, présent parmi ces malades pour les soutenir, a qualifié «d’inacceptables» les ruptures de stocks de ces médicaments, a rapporté l’APS. « L’Etat a investi de gros moyens financiers pour la prise en charge des personnes atteintes du VIH/Sida, mais nous ne comprenons pas pourquoi il y a toujours des ruptures successives d’antirétroviraux à la PCH d’Oran», s’est-il interrogé en marge de ce rassemblement. Djamila Ouabdeslem, une praticienne du centre de dépistage volontaire de la même association, a appelé les pouvoirs publics à trouver une «solution rapide» au problème car «des personnes peuvent mourir à tout moment faute de traitement». Selon elle, sept cas d’évacuation de ces malades vers d’autres services d’hospitalisation ont été enregistrés mercredi. Le 27 juillet la Fédération nationale des insuffisants rénaux (FNIR) a fait état, de décès de malades à Oran et Constantine en raison de la pénurie de médicaments. «Nombre de produits spécifiques à la greffe sont en fréquentes ruptures de stocks, engendrant un arrêt des activités, tout comme certains médicaments antiviraux et autres produits qui font défaut dans les centres hospitalo-universitaires et les établissements hospitalo-universitaires, entraînant des cas de décès comme à Oran et à Constantine», a déploré le porte- parole de la fédération, Boukhars Mohamed, dans un communiqué, cité par l’APS. Même le matériel médical commence à manquer au niveau des hôpitaux. Les insuffisants rénaux souffrent depuis plus d’une dizaine de jours d’une pénurie des accessoires médicaux et des poches péritonéales pour une dialyse cyclique ambulatoire, a indiqué jeudi le Pr Mohamed Boukhars. Ces accessoires médicaux sont utilisés par les insuffisants rénaux dont les artères et les veines ne répondent plus à la méthode classique de dialyse. Il s’agit d’une prothèse artificielle qui sert de raccordement entre la veine et l’artère utilisée pour une dialyse cyclique ambulatoire, a précisé Boukhars. Cette prothèse est classée sur la liste des équipements médicaux hospitaliers spécialisés, selon le porte-parole de la FNIR qui a appelé le ministère de la Santé à l’inscrire dans la nomenclature des médicaments en vue d’éviter les pénuries fréquentes de ces équipements nécessaires au malade.
Départ massif en congé des pharmaciens
Le départ en congé des pharmaciens a compliqué davantage la situation de nos malades. Depuis le début de la saison estivale, plusieurs pharmacies ont baissé rideau dans la capitale. Une petite tournée dans l’Algérois, notamment sur la rue Didouche Mourad, à Belouizdad, El-Biar, Ben-Aknoun et dans la périphérie, à savoir à Rouïba et Réghaïa, suffit pour constater que nombre d’officines sont fermées pour cause de congé. Une pharmacie sur trois n’assurerait plus de service à travers la capitale particulièrement durant ce mois de juillet. Interrogés, certains pharmaciens de garde ont souligné que certains médicaments commencent à manquer à cause des départs en congé simultanés aussi bien des gérants d’officine que des fournisseurs. Une situation qui n’arrange guère nos patients qui cherchent désespérément leurs remèdes. En tout, plus de 200 produits en rupture de stock dont 160 prescrits pour les maladies chroniques, manquent, au grand dam des patients. La crise ne date pas d’aujourd’hui, puisque les hôpitaux sont confrontés à des pénuries fréquentes de médicaments depuis plusieurs années. Ces pénuries sont dues en grande partie à la décision du gouvernement prise en 2008 d’interdire l’importation des centaines de médicaments, sans les substituer par des produits fabriqués localement. Le gouvernement cherche à réduire la facture du médicament (deux milliards de dollars par an) au détriment de la santé des Algériens.
Le ministère accuse
Il y a quelques jours, le minis-tre de la Santé, Djamel Ould Abbès avait accusé, sans pour autant donner des noms à l’opinion publique, des lobbys des médicaments qui exercent une pression sur sa personne. «Il y a des personnes qui se présentent comme des fils de hauts responsables de l’Etat, afin que je cède à la pression et au chantage, mais ils se trompent», avait-t-il révélé en marge du lancement de la campagne d’information et de sensibilisation «Santé et jeûne» qui s’est déroulée au siège de son département. Le responsable qui a jeté un véritable pavé dans la mare, avait indiqué également que «les pénuries des médicaments sont souvent provoquées et profitent à une certaine catégorie de gens». «Je n’accepte pas qu’on prenne en otage le malade», n’a cessé de répéter Ould Abbès. Mais il semble que la santé des malades est sérieusement mise en danger. Les déclarations du ministre n’ont pas suscité la réaction des hauts responsables du pays. Aucune enquête n’est diligenté pour identifier ces barrons du médicament qui sévissent dans un secteur défaillant et moribond. Les malades payent chère la facture d’une mauvaise gestion et l’anarchie qui caractérise le secteur des médicaments. En attendant que l’ordre soit rétabli, évitons surtout de tomber malade !
Par Hocine Larabi