Pensions pour les victimes algériennes de la guerre d’indépendance : L’État français devant le fait accompli

Pensions pour les victimes algériennes de la guerre d’indépendance : L’État français devant le fait accompli

De très nombreux compatriotes de France et d’Algérie ont contacté maître Jennifer Cambla depuis le 8 février dernier, date à laquelle le Conseil constitutionnel français a rendu sa décision concernant l’élargissement du droit à la pension aux victimes civiles algériennes de la guerre d’indépendance, en invoquant le principe d’égalité, garanti par la Constitution française.

Cette avocate du barreau de Toulouse qui a plaidé l’affaire d’une des victimes, Abdelkader K., un sexagénaire résidant à Bordeaux, avait saisi la première juridiction française pour contester une loi discriminatoire de 1963 qui réservait le statut de victimes aux seuls citoyens français. Jointe par Liberté, elle considère que rien ne peut entraver désormais l’application de la décision du Conseil constitutionnel et que le gouvernement doit s’y soumettre sans réserve.

Son client a d’ailleurs rendez-vous au tribunal de grande instance de Bordeaux où une audience est programmée le 29 septembre prochain pour examiner les résultats d’une expertise médicale commandée par le juge afin de valider son droit à la pension.

Dans le récit qu’il a livré à la justice, Abdelkader K. raconte avoir été blessé à l’abdomen lors d’un attentat à la bombe, à Mascara en 1958. Il avait 8 ans.

Son avocate a déjà plaidé une affaire similaire il y a quelques années. Cherif Yacoub, 75 ans aujourd’hui, a été, lui, blessé en 1960, au cours d’une manifestation à Mostaganem. Des balles qui l’avaient atteint à la jambe l’ont lourdement handicapé. Arrivé en France après l’indépendance, il avait écrit à tous les présidents français, de De Gaulle à Hollande. Mais ils n’ont rien fait. François Hollande lui avait néanmoins répondu, lui expliquant qu’il ne pouvait pas se mêler d’une affaire de justice.

Désignée par le tribunal de Toulouse via l’aide juridictionnelle, Me Cambla a d’abord plaidé devant la chambre des pensions militaires qui a débouté son client, puis devant la cour d’appel, plus sensible à son cas. Cette juridiction a en effet considéré que la loi est discriminatoire. Mais le ministère de la Défense, qui a fait appel, a refusé d’appliquer le verdict du tribunal.

En dernier recours, l’avocate a saisi le Conseil constitionnel. Elle avait même pensé porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. Aujourd’hui, elle estime que le dossier est clos et qu’il ne reste au ministère des Armées d’autres choix que d’appliquer la loi. Dans une intervention devant le Parlement en mars dernier, la ministre des Armées, Florence Parly, s’est montrée rassurante, en affirmant que le gouvernement travaille sur la question et que plusieurs ministères ont été associés. Selon Me Cambla, le montant des pensions reste très dérisoire (une centaine d’euros par mois).

Elle estime néanmoins que la reconnaissance de statut de victimes est très importante et que la décision du Conseil constitutionnel répare une injustice.

Si le tribunal de Bordeaux valide l’expertise médicale d’Abdelkader K. et l’autorise en conséquence à réclamer une pension, d’autres demandes suivront, assure son avocate.

De Paris : Samia Lokmane-khelil