Ses amours avec Javier Bardem ? Son rôle dans « Etreintes brisées », le nouveau Almodóvar ? Ses secrets de séduction ? Penélope voudrait tout cacher, mais son corps et son regard parlent pour elle. Sophie Fontanel raconte. Photos David Vasiljevic.
Où Penélope a-t-elle mis son oscar (celui du meilleur second rôle féminin qu’elle a reçu pour sa prestation dans « Vicky Cristina Barcelona », de Woody Allen). Elle me montre sa valise : « Il est là. Je le trimbale partout avec moi. » Je demande pourquoi. Elle me répond : « J’y crois à peine, à cette histoire que l’Amérique m’a donné un oscar. » Et pourquoi donc ? Elle me dit : « Je suis une petite Espagnole, moi ! » Encore une fois, pourquoi donc ? Elle me regarde, un peu interdite. Je rectifie : « Ce que je veux dire, c’est que vous êtes une actrice extraordinaire. Notamment, vous étiez sidérante en putain douce dans « Chromophobia », de Martha Fiennes. Vous êtes sidérante en putain ! » Elle me demande pourquoi. On éclate de rire.
Son prochain film avec Almodóvar
Ensuite, on parle de Pedro Almodóvar. Nous nous rencontrons parce que « Etreintes brisées », le nouveau Almodóvar dans lequel Penélope joue trois sortes de femme (sortie le 20 mai), est en compétition à Cannes. Elle dit : « Tourner avec lui, c’est toujours inévitable. Comment refuser quelque chose à un homme qui regarde à ce point les femmes en entier ? » Elle est vivante et franche, simple. On a écrit que Almodóvar l’avait fait beaucoup avancer et elle confirme : « C’est un homme, tu peux lui poser à l’infini toutes les questions que tu veux sur un personnage, une psychologie, et il y répondra. C’est pour ça que ses films sont riches. Ils sont faits de tant d’intelligence, d’observation, d’intérêt pour les contradictions des gens. »

A-t-elle conscience d’être une bombe sexuelle ?
Dans le film, elle est désirée presque (suspense) jusqu’à la mort par un homme. A-t- elle conscience d’être une bombe sexuelle ? Elle a cette réponse que j’adore : « Je regarde les gens droit dans les yeux. » Dans la rue, sent-elle le regard des hommes ? Elle ne répond rien. Peut-être ne va-t-elle pas dans la rue ? Là encore, pas de réponse. Je lui demande où elle vit, et justement elle ne sait pas trop. Entre Los Angeles, New York et Madrid. Il faudrait qu’elle se pose quelque part, murmure-t-elle. Elle réfléchit et conclut : « Ma vie est à Madrid, si c’est ça votre question. » Je considère que le moment est venu de parler de Javier Bardem. On m’a conseillé de ne pas m’y risquer et jamais la moindre info ne filtre sur le couple. Javier est-il à Paris ? La question reste dans ma gorge, car Penélope devine de quoi je veux parler. Elle me fixe avec ce fameux regard provocant qui, là, n’a rien d’érotique mais flamboie d’insolence. Du coup, je demande plutôt prudemment pourquoi elle ne parle jamais de sa vie privée. Et elle : « J’essaie de préserver le plus possible ma vie privée. Si je racontais mon intimité à la presse, la presse me dirait ce que je ressens, et comment je le ressens, et pourquoi je le ressens. Ce serait la fin du mystère. Or, je suis comme tout le monde : j’ai besoin que mes sentiments me demeurent mystérieux. J’ai besoin, parfois, de ne pas comprendre, d’être dans l’inconnu. Le plus grand danger quand on fait mon métier, ce n’est pas les rôles, parce qu’un rôle c’est du travail, non, le plus grand danger, c’est de trop vivre dans le connu. » Là-dessus, on vient me chercher. Les trente minutes qui m’étaient imparties sont passées. En partant, je dis : « A demain. » Ça ne peut pas nuire.
Son shooting pour ELLE
Le lendemain, j’arrive au studio Pin Up en même temps que Penélope Cruz. Je la regarde s’extirper lentement d’une belle voiture noire. Je remarque un homme musclé habillé en noir, que je prends immédiatement pour Javier Bardem. Hélas, ce n’est pas Javier Bardem. C’est soit un garde du
corps, soit le chauffeur. Je remarque aussi un beau jeune homme gracile. Sans doute pas un garde du corps : il tient un vanity-case. Penélope, son staff et moi attendons l’ascenseur. Je note les détails suivants : Penélope a un jean bootcut, un blouson en cuir tout mou, des espadrilles à semelle compensée, une implantation de cheveux qui fait que ses cheveux lui tombent sans cesse sur le visage. Une bouche stupéfiante de Penélope surgit au milieu de ses cheveux. Penélope a des seins insensés qui surgissent eux aussi au milieu de ses cheveux. Penélope a peint ses ongles en beige. Les ongles des doigts de pieds, eux, sont lie-de-vin. Le soutien gorge, lui, est… stop.
Le secret de son regard noir
Dans l’ascenseur, tout le staff parle en espagnol. Je songe à crier « olé ! » quand on arrive à l’étage, puis me ravise. Penélope file déjà à toute blinde vers la loge maquillage. Le beau jeune homme s’installe à côté d’elle. C’est son coiffeur maquilleur personnel. Il s’appelle Pablo Iglesias, c’est lui qui connaît le secret de ce fameux regard noir labrador. L’ambiance n’est pas à demander s’il est de la famille de Julio. Un grand sérieux plane sur la prise de vue. De plus, Penélope n’a pas très envie qu’on soit tous là à l’examiner en train de se pomponner. Elle fume clope sur clope. On se disperse. Elle demande si on pourrait lui apporter un petit dej. Or, il est midi : on a de quoi déjeuner pour quinze, mais pas de petit dej. On se démène à poser joliment sur une assiette ce qui peut, dans ce qu’on a, faire office de petit dej : des fruits. Penélope ne veut pas de fruits. Elle préférerait des croissants. On court en chercher. On revient avec les croissants mais, finalement, Penélope accepterait bien un peu de brie. Dix-huit tranches de brie arrivent sous son nez. La vie d’une star. Elle est de plus en plus nerveuse. La vérité : Penélope n’aime pas faire le model. Elle a toujours peur que ça lui fasse perdre sa crédibilité d’actrice.
L’inconnu de sa vie
Maintenant, elle est prête. Elle arrive sur le plateau. Petit à petit, elle prend confiance. On a la journée à nous. Et, de fait, elle a tout son temps jusqu’à ce que son téléphone sonne. Elle le met à son oreille et déguerpit vers le fond du plateau d’où on l’entend pouffer de rire. Elle revient. Elle est toute rouge, plus du tout sérieuse, au contraire, joyeuse et fébrile. Quelques instants plus tard, nous apprenons une dernière requête de Penélope. Elle aimerait que les photos se fassent le plus vite possible, voire illico presto, car une « certaine personne » vient d’arriver en avance à Paris et l’attend à l’hôtel. Et très vite la prise de vue est terminée, Penélope nous dit au revoir, elle part retrouver tout l’inconnu de sa vie. Au bout du couloir, il me semble la voir gambader.