Jeudi, Renault inaugure à Tanger (Maroc) un site de production voué à recruter 6.000 ouvriers avant 2015, pour un objectif de 340.000 véhicules chaque année.
Après la Logan, la Sandero et le 4X4 Duster, Renault va commercialiser le monospace Lodgy ainsi qu’un utilitaire et une autre voiture, dont le profil et le nom sont encore secrets.
L’assemblage de véhicules à Tanger rapportera 800 euros à la France par voiture produite : 400 euros de pièces livrées et 400 euros d’ingénierie. Renault veut contrecarrer les idées reçues sur le produire français et produire en France. Carlos Tavares, le directeur général délégué du constructeur automobile français, estime que la future production de véhicules par Renault au Maroc va générer de l’activité en France. Un discours qui aura quelque difficulté à passer à l’heure où la France connaît un taux de chômage qui frôle les 10 %.
Soyons clair. Ce que ne dit pas Renault, c’est qu’elle a abandonné la France pour produire moins cher dans des pays d’Europe ou d’Afrique du Nord. Des pays où l’ouvrier est payé jusqu’à cinq fois moins qu’en France et où donc la fabrication lui revient beaucoup moins cher. Le virage du low cost a été négocié il y a sept ans avec le lancement de la Logan. Aujourd’hui, les voitures à bas coût représentent 2,72 millions d’unités vendues dans le monde par Renault. C’est Louis Schweitzer, après un voyage en Russie, qui avait décidé, au début des années 90, de développer un véhicule robuste à 5.000 euros. Sa vision, iconoclaste à l’époque, est aujourd’hui appliquée à fond par Renault.
Ainsi, le groupe à losange doit inaugurer jeudi son nouveau site de Tanger, qui sera sa deuxième base, (une première en Afrique) à côté de la Roumanie, de fabrication de véhicules à bas coûts vendus en Europe et dans le pourtour méditerranéen. Sachant déjà que l’usine Dacia basée en Roumanie fournit à elle seule 47 pays en Europe et autour de la Méditerranée, celle de Tanger sera amenée à exporter aussi vers l’Afrique, voire plus loin. Pour l’instant, Renault reste très discret sur le détail de son projet marocain. Histoire de ne pas entretenir la polémique ? Eh oui, les syndicats français voient le travail leur filer entre les doigts, les usines fermer une derrière l’autre, aussi leur annoncer l’ouverture d’une usine ailleurs qu’en France ne leur fera pas plaisir. Bien entendu l’entreprise Renault s’était engagée à maintenir l’emploi en France lorsqu’elle avait reçu trois milliards d’euros de prêts de l’État en 2009 pour amortir les effets de la crise. Il n’y a eu ni licenciements ni fermetures de sites, mais de nombreux départs négociés et une baisse progressive de l’activité. Un atterrissage en douceur en France pour mieux décoller ailleurs. Mais au train où vont les délocalisations, il est clair qu’il y aura des usines qui verront leur activité réduite après l’ouverture du site de Tanger.
Un milliard d’investissements au Maroc
Le constructeur automobile doit investir un milliard d’euros dans cette usine, où seront produits dans un premier temps entre 150.000 et 170.000 véhicules par an sur une ligne de montage. Une seconde ligne est prévue à partir de 2013 pour faire monter la production annuelle à 340.000 unités, voire à 400.000 en travaillant des week-ends. Ce qui en ferait, en termes de capacité, un équivalent aux sites de Flins (Yvelines) ou de Douai (Nord) en France.
« C’est bien les véhicules à bas prix qui nous permettent de générer du profit », a défendu M. Tavares, qui a argué du fait que l’entreprise « est très fragile au niveau de sa rentabilité ».
Mais alors une fois tout cela dit, les syndicats français sur les dents en voyant les usines étrangères leur chiper le travail, le rendement de Dacia et de l’usine de Tanger, on se pose la question sur la viabilité du projet de Renault en Algérie. Certes, en dépit des déclarations lénifiantes du très politique Jean-Pierre Raffarin ou du ministre Mohamed Benmeradi, rien n’est clarifié. Cela fait plusieurs mois que des délégations françaises se déplacent sans qu’une annonce précise ne soit donnée. Il est évident que le sujet est délicat en France. A l’heure de la présidentielle frnaçaise, où justement le débat sur le produire français bat son plein, où la politique politicienne revient au galop, annoncer aux électeurs français la construction d’une usine Renault en Algérie ne sera pas sans conséquence pour le président Sarkozy. Alors on laisse traîner les négociations, en attendant…
Yacine K./Agences