Depuis le début du mois de janvier, cinq personnes se sont, déjà, donné la mort. Ces drames ont été enregistrés à la place Valéro, où une personne s’est défenestrée, à haï Es-Sabah, où un adolescent s’est jeté d’un immeuble, à Sidi El-Houari et à Gdyel, où deux personnes dont un sexagénaire, se sont immolées, et un cinquième s’est pendu
Ce phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur à Oran. Le sentiment de solitude, les conditions sociales et l’impression de ne pas être compris de l’entourage familial, poussent quotidiennement des gens à commettre l’acte fatal.
D’AUTRES PROBLÈMES SOCIAUX, TELS QUE LA CRISE
du logement, le chômage, le vide culturel, les problèmes relationnels, les échecs scolaires, la drogue et l’oisiveté, sans oublier les échecs sentimentaux ou touchant à des questions d’honneur, sont parmi les raisons qui poussent au suicide. Selon des sources, environ dix mille (10.000) personnes tentent de se suicider chaque année en Algérie, et 3 et 5%, réussissent leur tentative. Une personne qui tente de se suicider, ne paraît pas nécessairement déprimée, et sous un extérieur jovial peut se cacher une grande tristesse.
Les signes changent d’une personne à l’autre. 75% des personnes décédées par suicide avaient annoncé leur acte. Plus qu’un phénomène de société, le suicide est en passe de devenir en Algérie, l’une des principales causes de mortalité. En dépit de la mise en garde des spécialistes qui ont tiré maintes fois la sonnette d’alarme, aucune campagne sérieuse de prévention ou d’information n’a été initiée, probablement du fait de tabous sociaux.
Les chiffres classent l’Algérie parmi les pays arabes où le taux de suicide est moyen. Selon une étude, un Algérien se suicide toutes les 12 heures. Sujet tabou dans la société algérienne, les cas de suicide ne sont pas tous déclarés, et ce taux est plus élevé chez les personnes âgées entre 18 et 40 ans, selon une étude menée par la gendarmerie nationale. Le moyen le plus employé pour mettre fin à ses jours, est la pendaison pour 70% des cas enregistrés. L’empoisonnement, les armes à feu et les armes blanches, sont autant de moyens utilisés.
LES ÉMULES D’EL BOUAZIZI
Depuis le geste désespéré du Tunisien El Bouazizi Mohamed, pour dénoncer la « hogra », cette autre méthode a fait son apparition dans notre société, le suicide par immolation. Concernant ce nouveau phénomène, l’année dernière, une soixantaine de victimes d’immolation, ont été admises à l’hôpital d’Oran. 80% des candidats au suicide par le feu ont succombé à leurs blessures.
Pour un psychologue, le phénomène de l’immolation par le feu auquel ont eu recours de nombreux citoyens, pour exprimer leur sentiment d’exclusion et leur mal vie, n’est pas un fait nouveau dans notre société, car le fait de s’immoler, de se jeter d’un bâtiment, ou de se pendre, constitue une réaction psychologique purement individuelle par rapport à une situation donnée et à laquelle l’individu n’arrive pas à s’adapter.
Il convient également de dire que chaque individu a ses propres mécanismes de défense psychologiques et sa propre façon de réagir devant de nouvelles situations auxquelles il est confronté. Conclusion, la seule différence réside dans la manière avec laquelle agit l’individu. Pour les psychologues, ces actes dénotent de la fragilité de certains individus à affronter des situations de désespoir extrême.
Pour mémoire, entre le 1e janvier et le 31 décembre 2011, près de 47 cas de suicide par pendaison ont été recensés dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Les suicidés sont principalement des hommes car ils sont trente-neuf à s’être tués contre huit femmes. Considéré comme sujet tabou, mais le fait d’attenter à sa propre vie semble faire désormais partie de la vie quotidienne.
UNE CADENCE INQUIÉTANTE
A Oran, huit personnes âgées entre 17 et 53 ans, dont deux femmes, ont mis fin à leur jour durant les deux dernières semaines de juin 2011, selon des sources du centre hospitalo-universitaire d’Oran. A Douar Belgaid, un jeune de 20 ans a été découvert, pendu dans sa chambre au domicile familial, deux jours plus tard un autre jeune s’est donné la mort également par pendaison dans un bois à El Hassi.
A Dar El Hana, au quartier Victor Hugo, un père de famille âgé de 53 ans s’est jeté du 5éme étage, le lendemain un lycéen de 17 ans s’est défenestré à Hai En Nour. La semaine écoulée une quadragénaire est morte deux jours après avoir ingurgité de l’acide. Durant la même semaine, un jeune a été découvert pendu dans une habitation en cours de construction et un autre a été trouvé étranglé avec une ceinture.
Un autre cas de suicide est signalé à Mers El Kebir. Les tentatives de suicide sont quant à elles plus importantes. On parle d’une vingtaine de tentatives durant cette même période.
Ces chiffres qui donnent froid au dos sont loin de refléter la réalité, puisque nombreux sont les cas qui ne sont pas déclarés par les familles par crainte de la condamnation de la société, vu que le sujet reste tabou. La majorité des familles présentent le suicide en mort accidentelle. Idem pour les tentatives de suicide (dix fois plus nombreuses que l’acte lui-même) qui, hormis les cas d’absorption de barbituriques et donc d’admission à l’hôpital, le reste n’est jamais déclaré.
Une enquête menée par le CRASC sur un échantillon de 400 patients accueillis au service des urgences médicochirurgicales (UMC) de l’hôpital d’Oran a indiqué que 17,3% des femmes justifient leurs actes par «les difficultés de la vie, combinées à la tristesse et au désespoir» contre seulement 12% des hommes.
Ces derniers, mettent en avant les problèmes de communication. Les conclusions de l’enquête concernant cette question montrent que les raisons du suicide chez l’homme sont liées aux difficultés matérielles et professionnelles, alors que chez la femme, on se penche vers le côté relationnel et affectif.
S. Ourabah