Les armateurs-corailleurs attendent impatiemment la réouverture de la pêche au corail. Leur activité a été interdite par décret présidentiel signé le 28 novembre 2000.
«Je demande aux responsables d’ouvrir un grand atelier public de corail pour permettre aux jeunes d’El-Kala de travailler». Cet appel est lancé par Naceur, un maître-artisan spécialisé dans la sculpture sur corail, que nous avons rencontré à Alger. Pendant seize ans, il a exercé son métier à l’Enapêche, une entreprise algéro-palestinienne. Chef d’atelier de 1984 à 2000, il a eu la chance de se perfectionner dans son métier en exerçant avec des Tunisiens, des Palestiniens et des Italiens.
Depuis la fermeture de l’entreprise qui l’employait, à la suite de l’interdiction de la pêche au corail, la vie de Naceur et ses collègues a basculé vers l’incertitude, d’après ce qu’il nous a raconté. Mais il se dit capable «d’apprendre la sculpture et le façonnage à la jeune génération pour faire perpétuer l’art» qui le passionne. Pour cela, il affirme avec fierté : «J’ai une grande expérience.» Il ajoute : «Le corail est cité dans le Coran. Cette matière précieuse a une vertu médicinale. Son port renforce la circulation sanguine dans le corps humain.» Les spécialistes de l’or rouge sont contre la vente de notre corail à l’état brut aux étrangers.
«J’aimerais bien que notre corail soit travaillé, ici en Algérie, pour permettre à notre monnaie de retrouver sa valeur», dit un corailleur. Et de faire remarquer : «En Europe, le corail coûte plus cher que l’or.» Actuellement, chez nous, sur le marché noir, le prix d’un kilogramme de corail de bonne qualité peut atteindre les 150 millions de centimes. Les activités de l’Enapêche portaient surtout sur le contrôle des pêches, notamment le respect des quotas par les armateurs (800 qx/an) et, surtout, de collecter au profit de l’Etat 20% de la production réalisée mensuellement par les corailleurs.
Ces quantités de corail étaient ensuite vendues à des prix soutenus aux artisans bijoutiers spécialisés dans le travail de l’argent, ou celui du corail. Avant sa fermeture, l’Enapêche approvisionnait, notamment les artisans de Beni-Yenni (Tizi Ouzou), réputés pour leurs bijoux d’argent sertis de corail. Mais, très vite, la hausse des cours du corail sur le marché mondial à la fin des années 1990 à environ 7000-8000 francs français de l’époque pour un kg de polypes, environ (1000-1200 euros), selon la qualité pour un seul kilogramme, a complètement désorganisé la filière, au point que le corail n’était plus destiné aux ateliers de transformation, mais exporté à l’état brut. Quinze ans après, les artisans espèrent bien qu’un décret présidentiel autorise la pêche au corail. Le corail algérien, celui de la belle couleur «rouge sang de bœuf», est très recherché par les professionnels et les courtiers italiens. Il faut savoir, enfin, que le travail de corail passe par des étapes : la coupe, le façonnage, la sculpture, le triage entre les couleurs rouge et jaune et le montage.
Djemai Benrahal