Sur toute la côte de Tipasa, dans des endroits loin du vacarme des plages, de nombreux pêcheurs à la ligne installent leur matériel à même les rochers.
Les amateurs, pour ne pas dire les mordus de la pêche à la ligne, sont ces jours-ci aux anges. Les prises quotidiennes, fruit d’une longue journée de patience face à la mer, se font de plus en plus grosses. Et pour cause : la température de l’eau idéale et la prolifération des algues et des appâts, tels que la chevrette, le petit crabe et la petite sardine, constituent les conditions idoines pour ferrer des espèces de poisson souvent pas faciles à appâter.
Sur toute la côte de Tipasa, dans des endroits loin du vacarme des plages, de nombreux pêcheurs à la ligne installent leur matériel à même les rochers.
Dans ces lieux, où le silence est de rigueur, on se détache volontiers des soucis de la terre ferme pour fuir dans un autre monde. Un monde où la mer généreuse appâte, qui s’y amarre, par son immensité et les richesses de ses entrailles. Parmi les gens qui ont franchi cette frontière depuis plusieurs années, Ahmed de Bou-Ismaïl.

Enfant d’une ville où habitent des familles de pêcheurs de génération en génération, Ahmed sait tout de la mer et de la pêche. Bien qu’il ne soit pas un marin de profession, il passe son temps libre à la mer. Quelle que soit la saison, il entretient une relation charnelle avec la grande bleue.
Les techniques de pêche à la ligne ou bien à bord d’une embarcation n’ont pas de secret pour lui. « En plus d’être une ville de pêcheurs, Bou-Ismaïl est aussi le point zéro de la baie qui porte son nom et qui couvre toute la côte allant de Sidi Fredj à Chenoua sur une distance de 60 km.
Son positionnement géographique est un atout considérable », révèle-t-il. Selon lui, les eaux proches de Bou-Ismaïl et celles des localités mitoyennes forment un écosystème marin qui favorise la prolifération des algues. Un milieu où foisonne une faune marine insoupçonnable.
« En août, lorsque la température atteint, en moyenne, 25 degrés Celsius, les algues prolifèrent d’une manière inouïe. Elles attirent de nombreuses espèces qu’on utilise comme amorce pour la pêche à la ligne », dit-il. Malheureusement, les effets de la pollution ont gravement nui ces dernières années à la biodiversité des milieux marins de la région. C’est ce qui s’est traduit par une diminution des populations de plusieurs espèces.
« On capture la chevrette qui est un excellent appât pour le sar, la dorade, le loup de mer, le pageot et le pagre, loin de la houle. Généralement à proximité des ports. On utilise de petits filets pour les capturer. Mais le secret pour faire une bonne prise est l’utilisation de la petite sardine comme amorce.
Tous les poissons en raffolent », indique-t-il.
Cependant, on peut avoir recours à une recette infaillible à défaut de chevrette, de crabe et de petite sardine, pour remplir son couffin de poissons.
« On mélange de la farine avec une petite quantité de semoule, en parallèle, on écrase une ou deux sardines dans de l’eau pour qu’elle s’imprègne de son odeur et, enfin, on malaxe le tout pour obtenir une pate homogène. C’est un appât que j’utilise souvent et le résultat est garanti.
Généralement, les mordus de la pêche préfèrent le moulinet à la canne fixe, quand bien même chaque équipement a ses points forts et ses contraintes.
« L’hameçon du moulinet peut atteindre jusqu’à 30, voire 40 brasses (une brasse équivaut à peu près à 1m80). Zones idéales pour augmenter ses chances de ferrer un marbré ou un pageot. Cela dit, même la canne fixe a ses atouts. L’essentiel est de pêcher, mais surtout de profiter du moment », souligne-t-il.
À Tipasa, plusieurs sites sont transformés en zones de pêche à la ligne, à l’instar des Galets, situé à l’ouest de la plage de Chenoua, la zone rocheuse de Kouchet El Djir, à Aïn Tagouraït, à l’est du Cet.
Et tant d’autres lieux qui jalonnent la côte jusqu’à Damous, à l’extrême ouest de Tipasa. Sur les rochers de galets, des pêcheurs à la ligne envahissent la moindre place dès l’aube. Parmi eux, il y en a même ceux qui passent la nuit, surtout lorsque la lune réfléchit sa lumière sur la surface de l’eau.
Ils viennent de Tipasa, Alger, Blida, Aïn Defla, Média et des autres wilayas du pays pour y savourer les bienfaits de la relation fusionnelle avec la mer. Malek est un sexagénaire de Tipasa.
Son histoire avec la pêche à la ligne remonte aux années 70.
« C’est une passion qui a dévoré mon temps et ma jeunesse. C’est comme l’eau, on ne peut pas passer une journée sans boire », compare-t-il. Depuis quarante ans ou plus, il a tissé des amitiés solides avec les autres amateurs de pêche à la ligne. « J’ai partagé cette passion avec une centaine de personnes.
Certains d’entre eux ont quitté définitivement les lieux. D’autres s’accrochent. On forme une famille, chaque année de nouveaux membres rejoignent, pour ainsi dire, notre club », confie-t-il. Seulement pour y être admis, il faut respecter la mer et ses repères.
Des règles non écrites mais strictes doivent être observées, au risque d’être mis en quarantaine. « Ici, on parle peu. On ne dérange point son prochain.
On ne pollue pas. On partage sa joie en silence. Et, enfin, on partage nos expériences », énumère, entre autres, Saïd, un autre habitué des lieux.
« Si l’on n’est pas patient, on décroche vite. Soit on aime, soit on n’aime. Le monde est ainsi fait », tranche Malik. « 80% des amateurs de la pêche à la ligne s’adonnent à l’activité par plaisir.
Les 20% restants subsistent de cette passion. Dans les deux cas, on est gagnant », conclut Ahmed de Bou-Ismaïl.