Patrimoine immatériel au maghreb : Une candidature commune pour le couscous?

Patrimoine immatériel au maghreb : Une candidature commune pour le couscous?

La priorité est donnée à «la sauvegarde» et «aux dossiers portés par plusieurs pays», explique-t-on à l’Unesco.

En matière de patrimoine immatériel, l’Unesco fait savoir que tout pays peut déposer un dossier, mais aussi un groupe de pays ayant en commun des pratiques sociales et culturelles. Dans le cas du couscous, tradition culinaire effectivement partagée, les pays du Maghreb vont tenter en amont de se mettre d’accord pour une candidature commune. Où fait-on le meilleur couscous? Quels ingrédients sont légitimes, lesquels sont apocryphes? Maroc, Algérie, Tunisie…

Les pays du Maghreb ont tous leur idée et revendiquent le savoureux plat, y compris sur les réseaux sociaux. D’ores et déjà l’on avance que plusieurs experts des pays du Maghreb doivent débattre d’une éventuelle demande commune d’inscription du couscous au patrimoine immatériel de l’humanité. Slimane Hachi, directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques Cnrpah et promoteur du projet, a précisé que l’initiative devrait réunir Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Mauritanie et même Mali, sans donner de date ni de lieu. «Une démarche à l’issue incertaine, mais qui a plus de chance d’aboutir qu’une tentative unilatérale». croit-on savoir par ailleurs. C’est que le couscous n’appartient à aucun des pays du Maghreb en particulier, soulignent certains experts et gastronomes. «Le couscous a une origine berbère, bien avant que les pays du Maghreb, tels qu’on les connaît aujourd’hui, n’existent», explique l’historien français des pratiques culinaires et alimentaires, Patrick Rambourg. «Il remonte incontestablement aux Berbères, même si l’histoire commence avec les Romains, venus avec du blé», abonde l’anthropologue, gastronome et restauratrice à Paris Fatema Hal, née à Oudja au Maroc. Néanmoins, même l’origine de l’introduction du blé ne fait pas l’unanimité, certains évoquant un apport arabe. Souvent citée, l’historienne culinaire Lucie Bolens avait décrit des pots primitifs de couscous retrouvés en Algérie, remontant au règne du roi Massinissa (202-148 av. J.-C), Berbère qui unifia la Numidie, soit le nord de l’Algérie et des portions de la Tunisie et de la Libye. «La paternité est un sujet compliqué, un terrain glissant. Et est-ce si important?», interroge Patrick Rambourg qui préfère mettre l’accent sur l’emblème que sont devenus cette semoule de blé dur et le plat éponyme, pour toute la région. «Il y a des plats et des denrées totems: le pain en France, le couscous au Maghreb. (…) La cuisine fait partie de l’identité de tous les peuples, la manière de cuisiner, de servir les plats, révèle ce que l’on est. Pour les pays du Maghreb, le couscous représente une part de leur identité», explique-t-il. Pour autant, «ça ne va pas être simple: il va falloir qu’ils se mettent d’accord entre eux». Pour l’Unesco, le patrimoine ne s’arrête pas aux vieilles pierres: il est aussi immatériel et constitue un «creuset de la diversité culturelle» à préserver face aux menaces des «processus de mondialisation et de transformation sociale». Arts, traditions, savoir-faire, rituels, fêtes… peuvent entrer au Patrimoine immatériel de l’humanité, comme récemment, la maestria du pizzaïolo napolitain ou le zaouli, musique et danse des communautés gouro de Côte d’Ivoire. Car pour l’Unesco, «bien que fragile, le patrimoine culturel immatériel est un facteur important du maintien de la diversité culturelle face à la mondialisation croissante». Et «avoir une idée» des richesses culturelles d’autrui «encourage le respect d’autres modes de vie», souligne l’agence de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture qui a adopté en 2003 le texte de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Les éléments peuvent être inscrits sur une liste représentative ou, s’il y a lieu, sur une liste de sauvegarde urgente. Dans ce dernier cas, pourra aussi être déposée une demande d’assistance financière internationale. En 2017, des pratiques traditionnelles mongoles de vénération des sites sacrés, interdites sous l’ère communiste, ont par exemple intégré la liste de sauvegarde urgente. Chaque année les dossiers doivent être déposés avant le 31 mars. L’Unesco vérifie dans les semaines qui suivent s’ils sont techniquement conformes et complets. En septembre, la liste des prétendants est arrêtée, dans la limite plus ou moins d’une cinquantaine. La priorité est donnée à «la sauvegarde» et «aux dossiers portés par plusieurs pays», explique-t-on à l’Unesco. Les propositions sont alors étudiées, dans l’année qui suit, par un comité de 12 membres qui émet une recommandation. In fine, au mieux 20 mois à peu près après le dépôt du dossier, la décision est prise par le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel réuni tous les ans en fin d’année. En 2018, ce Comité intergouvernemental se réunira du 26 novembre au 1er décembre à Port-Louis en Île Maurice.