Sur le terrain, il était un attaquant racé, un buteur, un vrai chasseur de buts et ne ratait que rarement ses objectifs.
Maintenant qu’il est en retraite, il veut se consacrer à l’amélioration de la vie des Africains, un défi dans lequel il s’est lancé et qu’il veut réussir en compagnie du Nigérian Nwankwo Kanu. En effet, les deux hommes parrainent une action ayant pour nom «Play for the Union», que le Camerounais a tenu à promouvoir hier dans une conférence de presse à Libreville. 0n en a profité pour lui poser quelques questions.
– Patrick Mboma en retraite et qui se reconvertit dans la politique. Comment cette idée vous est-elle venue ?
– Cette mission n’est pas politique, elle est tournée vers les politiques. Vous savez, j’ai 41 ans aujourd’hui et je n’ai pas pensé à faire de la politique, mais je me suis rendu compte que si on doit un jour être disponible, il faut se tourner vers ce domaine. On veut voir les choses évoluer dans le continent, mais pas seulement dans le football.
– Qu’attendez-vous de cette initiative ?
– Beaucoup de belles choses, beaucoup de changements, déjà dans les mentalités, mais aussi au niveau politique. Je me suis retrouvé ici, car j’ai une histoire personnelle dans le foot que je peux faire profiter, afin de faire réagir certains décideurs qui peuvent changer certaines choses sur notre continent.
– Qu’avez-vous à dire concernant le niveau de cette CAN jusqu’ici ?
– On a beaucoup parlé de l’absence des grandes nations, on peut considérer ça comme un manque ou une perte, mais je me rends compte que le niveau de la compétition est globalement bon. Il y avait des surprises, mais il y en avait aussi d’autres quand on regardait les 16 qualifiés. J’étais parti avec un pronostic où je voyais dans l’ordre Maroc, Ghana et Côte d’Ivoire. Après 28 matches joués, je vois la Côte d’Ivoire et le Ghana, donc je vois une finale dans ce sens. C’est une compétition où il y a eu des buts à chaque match, ça c’est important. La Confédération africaine de football n’a toujours pas réussi à lutter contre la problématique des stades vides sauf lors des matches du pays hôte, mais, heureusement, il y a autant de chaînes télé qui font que cette compétition aille toujours de l’avant. J’espère que les prochains matches seront de haute facture. En tout cas, les quart-finalistes ne sont pas là par hasard.
– L’absence de l’Egypte, de votre pays et des autres ne nuit-elle pas au niveau de cette compétition ?
– Je vous ai dit que la qualification se gagne sur le terrain, ces équipes ont des choses à corriger. Il peut paraître inadmissible que l’Egypte ne se qualifie pas en tant que détentrice des trois dernières éditions, reine ou pharaon du continent africain, mais c’est ça, on ne peut pas mettre sur le terrain les équipes qu’on doit mettre mais plutôt celles qui ont mérité.
– Quels sont les faits qui vous ont marqué dans cette CAN, qu’ils soient positifs ou négatifs…
– J’ai vraiment trouvé dommage qu’une équipe comme le Sénégal quitte tôt la compétition, même si je n’étais pas confiant par rapport à leur évolution tactique, avec notamment des attaquants pas nécessairement complémentaires et trop nombreux pour trouver le bon équilibre.
– A ce point ?
– Oui, voir cette équipe sortir est une surprise, mais la voir perdre face aux Zambiens n’en est pas une. ça l’était pour les bookmakers, mais pas nécessairement pour moi. Je ne vais pas m’acharner contre le sélectionneur, mais il ne devait pas aligner autant d’attaquants sur le terrain. Il y avait un grand manque dans l’ensemble de l’équipe. J’ai été impressionné par le rouleau compresseur ivoirien, plus que par son jeu qui doit progresser encore. J’étais surpris tout récemment par la sérénité du Mali qui, face à une foule hostile et un Gabon conquérant, a toujours gardé son calme. Une bonne confirmation comme la Zambie. J’ai été déçu par le Burkina Faso qui, à mon sens, aurait pu être un tout autre outsider. On a eu une ou deux bonnes surprises au niveau des petites nations, mais, globalement, je suis satisfait de cette édition de la CAN.
– Rigobert Song, l’un des joueurs emblématiques des Lions indomptables, a été récemment nommé team manager de votre sélection. Votre commentaire…
– C’est une très bonne chose pour le football camerounais, parce qu’on commence à intégrer, j’espère, petit-à petit les footballeurs dans la réalité de notre foot. Rigobert est un joueur emblématique qui a eu beaucoup de mérite en tant que joueur et il devait être reconnu, en lui offrant un poste, qui j’espère va être un poste de responsabilité.
– Etant un ancien joueur du PSG, comment voyez-vous l’avenir avec l’arrivée des Qataris ?
– Je dirais qu’en tant que supporter, je suis favorable à l’évolution pour devenir un très grand club. Aujourd’hui, je trouve que c’est facile d’apporter autant d’argent pour gagner le championnat de France, mais si on projette plus loin, les investisseurs auront sans doute des ambitions mondiales. On va continuer en supporters en espérant que le Paris-Saint-Germain relooké puisse réussir.
– Votre favori pour cette CAN ?
– Il n’y a pas vraiment de grandes stars dans cette compétition, mais je pense que des grands favoris, le Ghana et la Côte d’Ivoire, confirmeront leurs prétentions, leurs qualités. Quelque part, les quatre meilleures équipes sont arrivées en demi-finales, il ne reste qu’à remplir le stade.
– Que pensez-vous de cette loi qui ne permet pas au détenteur de défendre son titre ?
– Je pense que c’est quelque part de l’aberration, parce que la présence du tenant du titre amène de l’affluence, des foules, des télés. Je pense qu’il faut respecter le fait d’être roi sur le continent, et l’Egypte, puisqu’on en parle, aurait pu se retrouver un peu loin dans la compétition. Maintenant, c’est ça la règle, il faut la respecter même si parfois on remarque des incohérences. En tout cas, aujourd’hui, c’est sur le terrain qu’il faut remporter et mériter sa place. Le pays organisateur qualifié, à la limite, mais le tenant du titre devait l’être aussi, c’est un peu exagéré, mais on ne va pas s’immiscer quand même dans la politique de la CAF.
– Vous vous souvenez des matches Algérie-Cameroun auxquels vous aviez pris part en 2004 mais aussi en 2000 ainsi que le fameux match en quarts ?
– J’ai un souvenir de cette compétition qu’on avait remportée, cela ne s’est pas arrêté au niveau des quarts de finale sur ce match face à l’Algérie, mais je vais quand même vous parler de ce pays que j’aime beaucoup, l’Algérie. J’ai beaucoup d’amis dans ce pays et de toute l’Afrique du Nord. D’ailleurs, mon meilleur ami est un Algérien, il a même été mon témoin de mariage, et on aime bien se chambrer, mais il n’y a rien à dire le Cameroun est beaucoup plus fort que l’Algérie.
– Etant donné que vous-êtes camerounais, on ne peut pas vous laisser filer sans vous demander votre avis sur la fameuse grève de Marrakech dont les conséquences étaient l’annulation du match face à l’Algérie…
– Oh là, là, c’était scandaleux, irrespectueux et inadmissible ce qui s’est passé là-bas. Donner le OK de jouer un match de surcroît international et face à une équipe comme l’Algérie et revenir sur la décision est grave. Personnellement, j’en ai eu honte.
– C’était la faute à qui ?
– Vous savez, je ne suis pas en train de les défendre, car je crois qu’eux aussi sont quelque part responsables de cette mascarade, mais je suis corps et âme avec les joueurs, je l’es ai compris.
– Selon les échos en provenance du Cameroun, la principale cause c’est la fédération locale, le confirmez-vous ?
– Oui, il y a beaucoup de choses qui se passent là-bas, il vaut mieux ne pas en parler.
– Et Eto’o dans tout ça, on l’a accusé d’être l’instigateur de ce mouvement de rébellion…
– Non, ce n’est pas lui, il leur fallait quand même un bouc émissaire dans cette affaire.
– Vous savez que l’annulation du match a provoqué un malaise entre les deux pays, on a évité de peu la crise diplomatique ?
– Je l’imagine bien, c’est normal quand même, l’Algérie avait eu le OK depuis plusieurs semaines et s’était préparée à accueillir ce match, c’est normal que les autorités se sentent ridiculisées.
– L’absence du Cameroun de cette CAN et son déclin actuel, c’est aussi à cause de ces problèmes, n’est-ce pas ?
– Oui, entre autres.
S. M. A.