Passer le ramadhan à la cité universitaire : Les étudiantes à rude épreuve

Passer le ramadhan à la cité universitaire : Les étudiantes à rude épreuve

Ces étudiantes, venues des quatre coins du pays, se débrouillent tant bien que mal pour passer les journées du Ramadhan, et cela n’est aucunement une mince affaire. Qui plus est, au moment où l’année tire vers sa fin, et que par conséquent, les examens tombent quasiment en même temps.

Le mois sacré du Ramadhan a un charme bien particulier quand celui-ci est vécu dans le foyer familial. C’est certain, rien ne vaut ces moments que l’on passe en famille, autour d’une table garnie, entouré des siens dans une ambiance des plus conviviales. Cependant, c’est dans un cadre beaucoup moins chaleureux que nombre de personnes passent cette période un peu «spéciale», en raison de telle ou de telle circonstance. Le travail ou encore les études sont autant de facteurs qui contraignent certains à être loin de chez eux durant ce mois. Ce sentiment, les étudiantes résidant dans des cités universitaires le connaissent très bien. Nous avons choisi de nous rendre à la résidence universitaire de jeunes filles de Ben Aknoun (Alger) pour avoir un petit aperçu sur la façon dont ces étudiantes, venues des quatre coins du pays, se débrouillent tant bien que mal pour passer les journées de Ramadhan, et cela n’est aucunement une mince affaire. Qui plus est, au moment où l’année tire vers sa fin, et que par conséquent, les examens tombent quasiment en même temps.

Nous sommes à la première semaine du Ramadhan, en cet après-midi ensoleillé, à l’entrée de la résidence universitaire. Nous jetons furtivement un premier coup d’oeil aux alentours. Rien d’inhabituel ne nous saute aux yeux, mis à part le fait que les va-et-vient des filles ou du personnel travaillant dans l’enceinte de l’établissement se font particulièrement plus rares qu’à l’accoutumée.

Le Ramadhan à la cité universitaire…ce n’est pas la mer à boire!

En empruntant l’allée principale, nous pénétrons à l’intérieur du campus. Pas âme qui vive, à l’exception de quelques agents de sécurité ou administrateurs vaquant à leurs occupations. Ce n’est qu’après avoir parcouru quelques mètres qu’on aperçoit enfin quelques filles languissant près du bloc où se trouvent leurs chambres. En s’approchant du groupe, on questionne Linda afin d’avoir ses sentiments à ce moment précis.

L’étudiante de première année en langue allemande, nous raconte d’une manière blasée, le «petit calvaire» qu’elle vit ces derniers jours. «Ce n’est pas du tout évident de passer le Ramadhan dans une cité universitaire» «le temps semble tellement lourd et l’ennui se fait plus pesant à chaque jour qui passe», nous dit-elle en montrant avec de grands gestes le paysage qui l’entoure. Mais alors comment vit-elle le chamboulement occasionné par l’entrée du mois sacré parallèlement avec les examens? «Avec le dérèglement du rythme du sommeil, dur, dur de se concentrer sur ses examens», répond-elle. Elle renchérit en parlant des conditions bien incongrues qu’elle vit ces jours-ci: «Le plus difficile dans tout ça, c’est que, vu la piètre qualité des repas qu’on nous sert, on est parfois obligés de faire la cuisine nous-même dans nos chambres.» D’un air interloqué, elle se dit dépassée par les événements, à ne plus savoir que faire «cuisiner ou bucher ses cours!».

Un peu plus loin dans le jardin, une autre résidente, Zineb, fait les quatre cents pas. A la voir tourner en rond sans destination ni but apparents, sous un soleil de plomb, on comprend très vite que cette dernière, est elle aussi rongée par l’ennui. «Cette monotonie me rend folle, je n’en peux plus», s’empresse-t-elle de rétorquer après que nous eûmes émis cette remarque. «Nous sommes en arrêt de cours et les examens commencent dans deux jours, je ne suis pas à jour dans mes cours, et le fait de jeûner ne me donne guère l’envie de toucher à mes cahiers», ironise-t-elle en esquissant un sourire.

Par ailleurs, sur les traits de son visage se lie une perceptible mélancolie du fait de «l’absence de la chaleur familiale» en cette période particulière; «J’habite à Tlemcen et chez nous, le mois de Ramadhan est sacré, et jusque-là, je l’ai toujours passé chez moi»; elle s’étale en parlant non sans une pointe de «nostalgie» des mets spéciaux, concoctés avec soin par sa maman durant le Ramadhan. «Il faut dire que même si on nous donne à manger ici, cela n’a rien à voir avec les plats spécifiques à notre région et ce, sur tous les plans.»

En revanche, pour d’autres filles rencontrées au même endroit, passer le Ramadhan à la cité universitaire n’est pas si terrible, tel que le laisse entendre certaines. C’est le cas de Ines et ses deux copines. Ces dernières, étendues sur le gazon du jardin, noyées sous un tas de polycops et de registres, potassent leurs cours en préparation des examens. S’offrant quelques minutes de détente bien méritées, elles s’expriment sur leur expérience. Celles-ci nous disent avoir l’habitude de l’éloignement et qu’il suffit simplement de créer sa propre ambiance et la rendre agréable, peu importe l’endroit où nous sommes. «Bon c’est sûr qu’on n’est jamais mieux que parmi les siens, cela dit, entre copines on a su se construire une sorte de deuxième cocon familial», développe gaiement Hanane, tenant son stylo du bout des doigts. Selon elle, tout est une question de pragmatisme. Elle nous raconte ainsi que «pour la cuisine, tout ce qui est viande et salade, on les rapporte du réfectoire», «pour le reste, à savoir le bourak ou autres extras, nous les faisons nous-mêmes avec les moyens du bord à l’intérieur de la chambre».

Après la rupture du jeûne, «on sort prendre une bouffée d’oxygène avant de retourner bosser» poursuit Ines. Pour cette dernière, certes, les conditions ne sont pas toujours aisées dans ce genre de situation, mais elle préfère garder en mémoire pour plus tard, ces épreuves qui forgent de vraies amitiés. «Quand nous nous retrouvons ensemble pour la rupture du jeûne, on oublie très vite toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontées», nous dit-elle.

Pour sa part Manel confie elle aussi que le Ramadhan n’est pas totalement dénué de charme même en vivant dans un environnement peu approprié. Elle enchaîne en regrettant d’un autre côté que la qualité des plats servis dans les restos ne soit pas au rendez-vous, «sinon, pourquoi on se casserait la tête à préparer des plats dans nos chambres si étroites que nous arrivons à peine à tenir toutes dedans».

Pour revenir aux repas servis aux résidentes dans les réfectoires, nous sommes allés ce jour-là, nous enquérir de l’état de ce lieu tant critiqué par la majorité des filles rencontrées sur place.

On remarque que de ce côté-là, le mouvement se fait particulièrement plus dense à mesure que nous nous rapprochons du lieu communément appelé par les filles «resto». C’est ici même que les repas sont préparés et servis aux résidentes. Dans le couloir, les femmes de ménage finissent de passer la serpillère.

A l’intérieur de la cuisine, les cuisiniers s’affairent à la préparation des plats du jour. Au menu d’aujourd’hui, pommes boulangères et poulet rôti au four pour ce qui est du plat de résistance, en plus de la chorba et du «lhem lahlou». «Le menu est presque le même que celui du reste de l’année, sauf que pour ce mois on redouble d’efforts évidemment», nous a assuré la responsable de la restauration. En se promenant dans cette pièce spacieuse, on découvre des ustensiles de cuisine aussi imposants les uns que les autres posés de part et d’autre. Faisant office de «guide», la dame nous montre les plats réalisés ce jour-là, depuis la matinée. «Il est 14 h, et tout est pratiquement prêt à être servi», prend-elle le temps de nous expliquer. «Les filles commenceront à arriver dès 16 h pour se faire servir les plats du jour, et l’opération se poursuivra jusqu’à 18 h.» Elle poursuit en indiquant que le même procédé sera appliqué dans la soirée, pour le «shor» à partir de 23h. Pour elle, il est important de faire en sorte que les filles se sentent plus ou moins comme à la maison, bien qu’elle admette que «les repas préparés dans ce réfectoire n’égaleront jamais ceux de la maison». «Cela dit, c’est mieux que rien», conclut-elle en haussant les épaules.

Qu’en est-il des soirées ramadhanesques?

«Bof, c’est mort par ici, on ne nous laisse pas sortir dehors après 20 h, du coup, bah on s’occupe comme on peut», soutient sans grand enthousiasme l’une des étudiantes, en parlant de ces soirées. «Cela dit, une bonne tasse de thé et une quaâda entre filles font très bien l’affaire», soutient sa compère avec un engouement plus prononcé.

Le personnel travaillant dans la résidence universitaire de Ben Aknoun, nous explique en effet, qu’étant à la fin de l’année, et compte tenu du fait que la majorité des résidentes sont médecins et qu’elles sont toujours en grève, il n’y a pas grand-monde dans le campus. Idem pour le foyer, principalement le coin de prédilection pour les étudiantes, où l’affluence a connu une diminution importante.

Par