C’est connu : en Algérie, le pouvoir fait bien plus pour les “salons” que pour les domaines que ces salons sont supposés promouvoir. Il en est ainsi du Salon Med-IT qui s’ouvre aujourd’hui à Alger, dans un pays où la capacité de communication Internet vient d’être instantanément réduite à vingt pour cent de son potentiel par un incident maritime.
“L’événement” va certainement être ouvert en grande pompe par le Premier ministre, le ministre de la Culture ou la ministre des Ptic. Ce qui compte, c’est la minute de JT et la manchette de journaux où le responsable inaugurant fera part de l’intention d’accomplir de grandes réalisations dans le domaine, “conformément aux orientations fermes du président de la République”.
On le voit, dans ce secteur comme dans d’autres, il y a plus de communication politique que de technologie de la communication. Et ce qui vaut pour les TIC vaut pour l’enseignement, les énergies renouvelables, l’environnement, les biotechnologies, le bâtiment, le transport, la banque, le tourisme, le livre, l’édition… Tous ces secteurs sont maintenus avec une certaine obstination dans le sous-développement qu’on leur connaît, mais servent régulièrement de prétextes à des kermesses coûteuses. Des rendez-vous forcément internationaux et fortement médiatisés dont le passage du cortège inaugurateur constitue le point d’orgue.
Où sont les “réalisations” énergétiques alternatives, l’e-paiement, le projet l’Algérie “troisième pôle biotechnologique”, le réseau de centre anticancer, l’Oran capitale environnementale de la Méditerranée, les révolutions urbanistiques ou touristiques et autres promesses lâchées à l’emporte-pièce pour meubler des discours inauguraux ? Les quelques réalisations notables n’ont pu se concrétiser qu’au bout des péripéties qui ont engagé des dizaines de gouvernements successifs. On pourrait bien écrire “le roman-fleuve du métro” ou “la saga de la 3G” !
Et là, on perçoit plus d’entrain à réglementer et à structurer la surveillance de la communication électronique que d’installer un réseau performant et sécurisé de transport du signe. Cela semble quelque peu imprévoyant que la connexion Internet de tout un pays s’avère dépendre à quatre-vingt pour cent d’une fausse manœuvre de navigation d’un bateau !
Il est vrai que, préoccupé qu’il est de l’encadrement policier des activités communicationnelles et des échanges de messages des Algériens, le pouvoir n’a pas le temps de promouvoir la technologie de la communication comme élément de démocratie ou comme facteur de développement économique, social et culturel.
Quand on observe, à travers le discours des responsables les plus représentatifs du régime, que le message politique officiel prend l’allure d’une lettre de menace quotidiennement réitérée, on comprend l’origine de l’archaïsme communicationnel dans lequel nous sommes enfermés. Pas besoin de sophistication technologique pour nous rappeler que nous sommes prisonniers d’un régime autoritaire toujours soucieux de policer nos vies et d’entraver nos désirs de progrès.
M. H.