La dissidence organique tend à devenir la marque de fabrique des partis politiques algériens. Rares sont les formations à ne pas subir les vents de la protestation, notamment à l’approche des rendez- vous électoraux
. Le Front de libération nationale (FLN) n’a pas fini de couver sa crise. Il a fallu à Abdelaziz Belkhadem un coup de force pour échapper au coup de massue que les redresseurs se sont apprêtés à lui asséner lors du dernier comité central du parti.
Même si la pratique à laquelle il a recouru n’est pas conventionnelle, elle lui a néanmoins permis de se tirer d’affaire pour un temps. Car la crise est toujours là, non résolue. Logé à la même enseigne que le FLN, dans la périphérie immédiate du pouvoir, le Rassemblement national démocratique (RND) devait également récolter les mécontentements de certains de ses cadres et militants. Un mouvement de sauvegarde du parti est né autour de deux figures de proue, Tayeb Zitouni, le maire d’Alger-Centre, et Nouria Hafsi de l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA). Ce mouvement s’en prend ouvertement à Ahmed Ouyahia qu’il accuse d’autoritarisme dans la gestion du parti mais aussi d’avoir, au fil des ans, dilapidé le capital électoral du RND. Moins bruyante, la crise couve également au sein du MSP, un parti qui a cru judicieux de faire ses adieux à l’Alliance présidentielle pour en contracter une autre avec sa famille naturelle. Mais le coup est risqué pour Aboudjerra Soltani qui doit, conséquemment, gérer l’indiscipline de certains cadres du parti, à leur tête l’ancien ministre des Travaux publics, Amar Ghoul. Ce dernier n’entend pas délaisser les salons feutrés auxquels il s’est habitué pour suivre Soltani dans ses pérégrinations incertaines dans l’opposition. Mais les plus éprouvés par la crise organique sont le Front national algérien (FNA) de Moussa Touati et le Front des forces socialistes (FFS) de Hocine Aït Ahmed. Le FNA perd quasiment les députés élus sous la bannière du parti. En sus, il fait face à une dissidence active. Le FFS se trouve soumis, lui, à une épreuve jamais endurée auparavant. C’est quasiment l’ensemble des cadres qui se liguent contre la direction du parti qu’ils accusent de compromission avec le pouvoir.
S. A. I.
RND
Entre sérénité d’Ouyahia et mobilisation des contestataires
Ahmed Ouyahia reste à la tête du RND jusqu’au prochain congrès. Ses opposants campent sur leurs positions, en maintenant la pression pour un «changement rapide et salutaire» au sein du parti. C’est la situation qui prévaut actuellement au RND.
A moins de quatre mois des élections locales, la situation est qualifiée de confuse au sein du parti que dirige Ahmed Ouyahia. A la direction du parti, à sa tête son secrétaire général, on affiche une sérénité totale. Pour leur part, les animateurs du courant contestataire, né au lendemain des législatives du 10 mai dernier, restent convaincus que «seule la mobilisation militante sera à même de mettre de l’ordre au sein de la maison RND». Des sources proches du parti indiquent que «l’engagement pris par les animateurs de la mouvance contestataire se poursuivra jusqu’à l’aboutissement de leurs revendications». Un défi hautement important à quelques mois de la tenue d’une importante échéance électorale, étape décisive avant la présidentielle de 2014. Il n’en demeure que la situation au sein du RND reste confuse, selon des spécialistes de la question politique. Les représentants des frondeurs affirment qu’ils ne ciblent pas la personne d’Ahmed Ouyahia. «Notre seul souci est de sauver le parti», avait souligné Nouria Hafsi qui dénonce la gestion du secrétaire général du RND, qu’elle a qualifié une nouvelle fois, de «dictateur» et d’«autoritaire». Selon Me Hafsi, le débat contradictoire n’est pas autorisé dans les instances du parti. «Les décisions sont prises par une seule personne, qui est Ahmed Ouyahia.» Or, ce dernier a démontré le contraire lors de la dernière réunion du conseil national du parti. A ce propos, il fera savoir que «le débat contradictoire est autorisé mais à condition qu’il soit à l’intérieur des structures du parti et conforme aux textes et règlements régissant notre parti». Question : cette fronde est-elle liée à la perspective de la présidentielle de 2014 ? Pour Tayeb Zitouni, la réponse est «non». Cette fronde, rassure-t-il, n’a aucune relation avec l’événement politique de 2014. Me Nouria Hafsi se veut plus précise, en laissant entendre qu’Ouyahia peut largement se passer du soutien de son parti. «Je ne pense pas que cet homme comptera sur le RND s’il veut se présenter à la présidentielle. Ouyahia n’a jamais pris en considération son parti.» Le débat est lancé au sein du RND et la question reste entièrement posée. Wait and see.
A. B.
FFS
La succession violente
La succession à Aït Ahmed à la tête du FFS agit en lame de fond de la contestation organique et politique qui secoue le parti depuis les dernières élections législatives. Une contestation à laquelle la direction du FFS semble se résigner, sans trop savoir comment y faire face, les purges ayant manqué d’étouffer la dissidence.
Des crises, le Front des forces socialistes (FFS) en a vécu, au lendemain même de sa création en septembre 1963. D’amplitude plus ou moins intense, ces crises, à répétition, qui ont accompagné le cheminement du parti sur les sentiers escarpés de l’opposition, n’ont, cependant, à aucun moment ébranlé fondamentalement la structure. Chef historique, zaïm adoubé par les militants, Aït Ahmed, le président ad vitam aeternam du parti, a toujours su, son aura aidant, trouver la parade, souvent en vouant aux gémonies les voix discordantes qu’il n’hésitait pas à désigner à la vindicte militante comme des agents des «Moukhabarate». Aït Ahmed en usait à satiété, tant est que la formule avait la magie de fonctionner à tous les coups. Jusqu’au moment où, vieillissant, il succomba lui-même, au mépris de la base militante, à l’appel des sirènes du pouvoir, provoquant, du coup, la scission la plus profonde et la plus significative dans les rangs du FFS. Le parti est rongé, depuis sa décision de prendre part aux élections législatives du 10 mai dernier, par une contestation de loin la plus dense qu’il ait jamais connue. Tant par le nombre que par la qualité des cadres qui l’animent. Si le doigt accusant le FFS de compromission avec la présidence de la République, que la sémantique politique nationale désigne par «clan du pouvoir», ne pointe pas directement, du moins pour l’instant, Aït Ahmed, il ne manque toutefois pas de le viser. Car le reproche fait à la direction nationale du parti d’avoir dévié de la ligne de conduite originelle du FFS vaut aussi, sinon d’abord pour le président du parti. Cadres ayant eu à assurer le mandat de premier secrétaire national du FFS, les Karim Tabbou, Mustapha Bouhadef, Ali Kerboua, Djoudi Mammeri savent pertinemment que c’est sous la diligence d’Aït Ahmed que tout se fait. La compromission que le FFS vient de signer avec le pouvoir implique en premier chef le président du parti qui, d’ailleurs, a vite fait d’emprunter à Staline ses méthodes expéditives en recommandant au conseil national du parti de sévir fermement contre ceux qui ont ouvertement dénoncé la participation «tactique» du FFS aux législatives. Karim Tabbou et Samir Bouakouir, pour ne citer qu’eux, feront les frais de la purge ordonnée par Aït Ahmed. Cependant, plutôt que de se laisser intimider, ces derniers, rejoints par d’autres cadres, vont de l’avant et entreprennent de structurer la dissidence. Une structuration qui a vu battre le rappel de tous les militants du parti exclus ou marginalisés mais qui, en même temps, a éjecté Karim Tabbou, apparemment rattrapé par des purges qu’il aurait commises lorsqu’il était aux commandes. Face à cette contestation qui semble inscrite dans la durée, la direction d’Alger du parti fait mine de ne pas être troublée. Une attitude un peu paradoxale, tout de même, puisque c’est sur elle que s’abattent les critiques les plus acerbes. Il semble qu’elle est dans l’attente d’une directive d’Aït Ahmed qui lui dicterait un procédé de riposte. Or ce dernier, à en croire ce qui se révèle dans les apartés, a grandement perdu de sa verve et de ses capacités à gérer lucidement ce conflit organique. Aussi, elle a du vrai l’assertion qui évoque, comme trame de fond à la contestation qui secoue le parti, une guerre de succession ouverte.
S. A. I.
FLN
Les contestataires n’abdiquent pas
Les contestataires du Front de libération nationale ont tenu, hier dimanche, à Aïn Témouchent, une rencontre régionale qui a regroupé les représentants de dix wilayas de l’Ouest, la toute première réunion du genre d’une série de cinq autres programmées pour cet été.
Il s’agit là de la première action entreprise par les contestataires de Abdelaziz Belkhadem, demeurés groggy par la traumatisante session du comité central du 15 juin dernier lors de laquelle le secrétaire général du FLN avait réussi un authentique passage en force. A Aïn Témouchent, il était question, selon Mohamed Séghir Kara qui s’y était rendu avec une délégation comprenant également Ahmed Boumehdi, Chawki Meziane et Mustapha Boualeg, «de procéder à l’évaluation de la situation à la suite du scandaleux comité central du 15 juin et de préparer la riposte à l’initiative de Belkhadem qui consiste à faire noyer le CC par la conférence nationale qu’il projette de constituer dès la rentrée en associant notamment son groupe parlementaire». Selon toujours l’ancien ministre du Tourisme qui est également porte-parole du mouvement des redresseurs, «l’objectif de ces rencontres régionales est de faire élire des représentants de chaque région, cinq à six, qui siégeront dans une commission nationale qui sera chargée du suivi de l’opération de sauvetage du parti». Après l’Ouest, les contestataires comptent ainsi organiser des rencontres similaires à Alger pour le Centre, et probablement à Constantine pour l’Est, courant la semaine prochaine. Suivront deux autres conclaves pour les régions du Sud-Ouest, probablement à Béchar ou Mécheria, puis pour le Sud-Est, peut-être à Ouargla. Autrement dit, même s’ils ont échoué dans leur tentative de faire destituer Belkhadem, les contestataires n’abdiquent toujours pas. Ils meublent bien la saison estivale en tout cas et n’accordent aucun répit au secrétaire général du parti. Un Belkhadem qui, manifestement, est puissamment soutenu par le président statutaire et effectif du parti, qui n’est autre que Abdelaziz Bouteflika en personne. Pourra-t-il, pour autant, mener son véritable projet jusqu’au bout ? Il est de notoriété publique, en effet, que ce qui intéresse réellement Belkhadem est son ambition de succéder à l’actuel locataire du palais d’El- Mouradia. Et pour ce genre de projet, le poste de secrétaire général de l’ex-parti unique est le meilleur des strapontins, effectivement. Sauf que cela ne suffit pas, tout se jouant ailleurs qu’au FLN. Un présidentiable qui gagne, cela a toujours été l’homme qui est parrainé consensuellement par les clans au pouvoir. Or, on n’en est pas encore là et cela tout le monde le sait. D’où la persistance de la crise qui secoue le FLN depuis octobre 2010.
K. A.
FRONT NATIONAL ALGÉRIEN
Les dissidents ne désarment pas
La contestation au sein du FNA, si elle a faibli, ne semble pas pour autant connaître de répit à l’occasion de la saison estivale, avec l’alliance sainte scellée ce samedi entre anciens et récents adversaires de Moussa Touati.
M. Kebci – Alger (Le Soir) – S’il y a un parti parmi les nouveaux que la brèche démocratique de février 1989 a permis, qui n’a jamais connu de sérénité depuis quelques années, c’est bel et bien le FNA au point où, dès qu’on évoque les mots dissidence, fronde et autre crise, on pense instinctivement au parti de Moussa Touati. C’est qu’au FNA, soubresauts, passe d’armes, accusations réciproques font, depuis, la chronique quotidienne. Une «carte de visite» étoffée davantage à l’occasion des élections locales de 2007 à l’issue desquelles le parti s’est vu «porté» aux premières loges du hitparade politique puisque consacré troisième force politique du pays. Un statut qui a donné bien d’appétits à beaucoup d’«initiés » qui ont, alors, rejoint en masse le nouvel «eldorado politique », avec ses corollaires d’ambitions, démesurées pour leur majorité, qui ont alors donné naissance à la fronde et à la dissidence. Des «rébellions » qui se sont toutes soldées par des échecs, ayant conduit leurs animateurs vers la porte de sortie du parti et à créer leurs propres entités. Et la toute dernière de ces frondes, née au lendemain des législatives du 10 mai écoulé, ne semble pas échapper à ces «écarts de conduite», comme Moussa Touati les appelle. Même l’alliance scellée samedi dernier entre la dissidence menée par Khenchali et compères avec celle dirigée depuis deux ans par Ali Gheffar et consorts, au domicile de ce dernier à Chéraga, à l’ouest d’Alger, ne semble pas déranger outre mesure Touati. Pour le président du FNA, cette alliance contre nature entre acteurs que tout différencie, selon lui, ne l’ébranle pas, bien au contraire, elle confirme leur «souci» majeur, celui «d’en vouloir à ma personne quitte à détruire le parti». Ces dissidents, qui, selon Mohamed Brahimi, un de leurs meneurs, ne sont pas près de céder la partie. «Nous venons, ce dimanche même, de déposer un dossier complet au département de l’intérieur qui comprend, notamment, la liste de pas moins de 180 membres du conseil national, ceux du bureau national et les neuf députés du parti avec leurs émargements et leurs empreintes digitales», dira notre interlocuteur. Une démarche qui se veut, poursuivra- t-il, comme preuve «irréfutable » de la nullité du dernier congrès du parti convoqué par Touati. «D’où notre demande pour un congrès extraordinaire à même de conférer au parti une existence légale avec de nouvelles structures», soutiendra encore Brahimi qui dira «ne pas reconnaître Touati comme président du FNA de même que toutes les instances issues du dernier congrès fantoche». Mais pour Touati, l’action des dissidents relève d’une simple «agitation menée par des gens étrangers au parti duquel ils ont soit démissionné de leur propre chef soit écartés et exclus». Et de se vouloir serein, affirmant avoir tout ficelé concernant le dossier du dernier congrès qui l’a vu plébiscité à la tête du parti pour un autre mandat. «Nous avons mis le cap sur la restructuration du parti avec comme point de mire la prochaine conférence nationale des cadres du parti, prévue pour après le Ramadan et qui aura à apporter les correctifs nécessaires aux statuts et règlement intérieur et élire le bureau national. Ce que nous n’avons pu faire lors du dernier congrès faute de temps», affirmera Touati. Le président du FNA, comme autre preuve de son ignorance de cette contestation, soutiendra s’atteler d’ores et déjà à la préparation aux élections locales de l’automne prochain.
M. K.
MSP
L’été de tous les dangers
Au sein du MSP, c’est, apparemment, l’été de toutes les incertitudes avec en toile de fond une dissidence qui couve dans les entrailles du mouvement et qui risque de prendre le chemin du second divorce du genre, celui mené et consommé deux ans de cela par Menasra.
Une seconde séparation qui se fait insistante et dont des «tuyaux autorisés » annoncent le cérémonial durant ou juste après ce Ramadan, et qui est loin de ressembler à l’infidélité de Menasra car son porte-étendard est d’une tout autre «stature». Et les promoteurs du «projet», dont le premier chef, l’ancien ministre des Travaux publics, entourent leur «bébé» de toute la discrétion requise, selon les mêmes canaux très au faits de la moindre étape d’une «grossesse» à fort intérêt. En ce sens, laisse-t-on filer de même source, qu’elle ne manquerait pas de faire mal au MSP. Et pour ce faire, «on» n’hésite point à «balancer» des poids lourds du parti de Soltani comme géniteurs de cet adultérin annoncé. Des annonces qui ont, cependant, tout l’air de sonner comme des ballons de sonde visant à jauger de la «disponibilité» de ces «potentiels» fondateurs à s’impliquer dans le projet, ou relevant d’un simple maillon d’une guerre psychologique. Un bras de fer face à l’autre camp du mouvement qui, lors du dernier conseil consultatif consacré à l’examen des résultats des législatives du 10 mai, a «imposé» le principe de non-participation au prochain gouvernement. Autrement dit, tout ce qui se dit ici et là au sujet de ce projet de parti pour Amar Ghoul auquel «on» n’hésite pas à donner même un nom, ne relèverait que d’une «pression» en vue d’infléchir cette position à quelques jours seulement d’une autre session du conseil consultatif prévue pour la fin du mois courant. C’est, en tout cas, ce qui découle du discours que tient Abderrahmane Saïdi, le président de cette instance consultative du MSP qui vient, d’ailleurs, de démentir fermement l’«info» qui le donnait fondateur, aux côtés de nombre de cadres et dirigeants du mouvement, du futur parti de Ghoul. «Je ne suis au courant de rien, j’entends comme vous, qu’il y a un parti en gestation, mais rien d’autre que des supputations», dira-t-il, non sans mettre tout cet «activisme estival» sur le compte d’une manière du camp participationniste et entriste au sein du mouvement de se faire entendre à l’occasion justement de cette prochaine session du conseil consultatif. Une session dont l’ordre du jour déjà établi n’a pas inclus ce point sensible lié à la participation ou non au prochain gouvernement mais qui pourra l’être si les présents en auront à exprimer le vœu», précisera encore Saïdi comme pour appuyer sa «lecture», lui qui est catalogué dans le camp entriste et participationniste mais qui, en militant politique discipliné, s’est toujours dit se plier aux résolutions des instances du mouvement. Ceci dit, la session du conseil consultatif de fin juillet courant aura à étaler au grand jour la véracité ou pas de ce «projet» en ce sens que, aussi bien Ghoul que ses «compères» sont membres de cette instance. Absents, ils auront confirmé le divorce, présents, ils auront apporté un cinglant démenti à ces «supputations».
M. K.