Des partis s’obstinent à réclamer une assemblée constituant : Un faux débat

Des partis s’obstinent à réclamer une assemblée constituant : Un faux débat

Les membres d’une Assemblée constituante devront être élus par le peuple. Ces derniers seront choisis parmi les listes que présenteront les partis politiques, les indépendants ou encore la société civile. Or, ces mêmes parties ont été dernièrement consultées pour l’amendement de la Constitution.

L’Algérie a-t-elle réellement besoin d’une Assemblée constituante? La question est d’actualité dès lors que des partis politiques réclament des plus hautes autorités du pays de convoquer des élections pour élire cette institution collégiale. Cette dernière a pour tâche la rédaction d’une Constitution, c’est-à-dire le texte fondamental d’organisation des pouvoirs publics d’un pays. L’Algérie a bien une Constitution qu’elle a eu à modifier et à corriger, plus d’une dizaine de fois, depuis son indépendance. Pourquoi rédiger donc un nouveau texte? A en croire ceux qui expriment cette demande, le but essentiel d’une Assemblée constituante est de «sauver le pays et empêcher le chaos». A bien suivre ce raisonnement, la Constitution actuelle de l’Algérie ne répond pas aux aspirations du peuple. En quoi exactement? Une question à laquelle il faut répondre car à bien voir, les membres d’une Assemblée constituante qui auront la charge de rédiger une Constitution devront être élus par le peuple pour exprimer ses aspirations en rédigeant le nouveau texte suprême de la nation. Ces derniers seront choisis parmi les listes que présenteront, bien évidemment, les partis politiques, les indépendants ou encore la société civile. Or, ces mêmes parties ont été dernièrement consultées pour le dernier amendement de la Constitution. Les larges consultations organisées au niveau de la Présidence se sont tenues en deux rounds, faut-il le rappeler où les avis et suggestions de la classe politique et de la société civile ont été recueillis et compilés. La mouture finale a été remise au chef de l’État et le texte a été adopté en Conseil des ministres et par vote à main levée des représentants des deux chambres du Parlement. Il est à se demander donc si lors des consultations, les partis politiques et autres représentants de la société civile n’ont pas exprimé les attentes populaires? Si c’est le cas, cela veut dire que les propositions n’ont pas été prises en compte. Dans ce cas, pourquoi alors le texte de la nouvelle Constitution est-il passé comme une lettre à la poste lors de son vote? Certains ne manqueront pas de relever que les deux chambres du Parlement sont constituées majoritairement des élus des deux partis du pouvoir à savoir le RND et le FLN. Soit! Si le FLN et le RND sont les partis les plus représentatifs, cela implique que ces derniers ont une base populaire plus large. Cette même base aura à s’exprimer en cas où un vote pour l’élection d’une Assemblée constituante est organisé. Le choix de cette base populaire portera, sans surprise aucune, sur les listes des deux partis. Et ces derniers domineront, à nouveau, la composition de l’Assemblée constituante. En ayant la majorité, les deux partis vont imposer leurs avis. Ils pourront même se suffire de copier la Constitution votée en 2016 pour la proposer comme nouveau texte à un référendum populaire et…elle sera adoptée grâce à leurs fidèles électeurs. Ce sera donc une longue démarche pour revenir à la case départ. Pourquoi alors perdre du temps? Dans tous les pays où des Assemblées constituantes ont vu le jour, la conjoncture s’y prêtait. Généralement, une Assemblée constituante est votée après l’indépendance afin de permettre au pays d’établir sa loi suprême ou encore après un changement radical du système comme cela a été le cas pour la France en 1870 après la proclamation de la République et après l’édification de la IVe République, ou encore en Egypte et en Tunisie après le printemps arabe. En Algérie, certes, à l’indépendance, les choses n’ont pas été faites correctement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, feu Hocine Ait Ahmed a toujours réclamé une Assemblée constituante. En 1962, la préfabrication d’une Constitution dans le cinéma Majestic d’Alger a dessaisi l’Assemblée nationale constituante de sa prérogative essentielle qui est de fonder les bases d’un État de droit. Ait Ahmed avait alors démissionné avec quelques députés dont le président de l’Assemblée Ferhat Abbas. Il a décidé de créer le Front des forces socialistes (FFS) en septembre 1963 pour continuer à s’opposer au «coup de force constitutionnel». Pour l’homme historique, l’Assemblée constituante ne représentait pas juste un leitmotiv à faire valoir à chaque fois qu’il fallait garnir un discours politique en mal d’idées, mais c’était une conviction fortement liée à son vécu, son combat libérateur de l’Algérie et son rêve de créer la République. Ait Ahmed tenait donc à revenir à cette date où il s’est senti trahi par ses compagnons qui n’ont pas hésité à le mettre en prison. Qu’en est-il pour les personnalités politiques de l’Algérie indépendante? Ces derniers voient bien que la Constitution «mal votée» de 1962 a été changée. Et pas qu’une fois. Mieux encore, celle adoptée dernièrement leur a été proposée pour enrichissement. Donc de quelle manière, une Assemblée constituante pourrait-elle sauver le pays? La Constitution algérienne n’est certes pas un texte parfait, mais beaucoup d’amendements ont été dernièrement introduits offrant beaucoup plus de libertés, d’équité, de justice sociale, une plus grande protection et représentativité pour la femme ou encore plus de prérogatives pour l’opposition…S’il y a des manquements, il faut certes les relever et en débattre pour proposer les changements nécessaires par le biais des institutions existantes. Pas besoin de faire de prendre un chemin sinueux, en créant une Assemblée constituante dont la majorité serait celle des partis au pouvoir, pour arriver au même résultat! L’Algérie sereine et stable ne vit pas une révolution ni une guerre civile ni un coup d’Etat. Elle n’a donc nullement besoin d’une Assemblée constituante dont la mise en place signifie la disparition de toutes les institutions élues et du droit existant. Pourquoi faire table rase de tout ce qui a été fait depuis 1962? Cela peut remettre en cause même le caractère républicain de l’État. Pourquoi prendre le risque d’aussi graves dérives?

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