Sitôt confirmée par le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, la participation algérienne aux festivités, marquant le centenaire de la 1ere guerre mondiale, qui auront lieu le 14 juillet prochain à Paris a suscité une avalanche de réactions où la surenchère le dispute au populisme.
Hormis le RND, le FLN et le PT, pourtant frileux sur les questions de mémoires avec l’ancienne puissance coloniale, beaucoup de partis n’ont pas manqué l’occasion de critiquer la décision d’Alger. «La participation n’est pas honorable », soutient un responsable du FNA, cité par la presse. « Ceux qui ont pris cette décision auraient dû penser aux martyrs. Nous sommes contre cette participation », affirme, pour sa part, un représentant d’AHD 54. « Cette participation est inopportune, il faut d’abord traiter les dossiers en suspens », estime de son côté el parti Ennahda.
Un avis aussi partagé par le MSP. «Nous faisons notre la position des moudjahidines que nous appuyons. Nous joignons notre voix à la leur pour appeler à l’annulation de cette participation. Nous rappelons que la page de la colonisation n’est pas encore tournée. Elle ne le sera que lorsque le fait colonial en Algérie sera criminalisé. Le gouvernement français nous doit, pour le moins, des excuses pour les crimes de la France coloniale en Algérie. S’agissant de la décision algérienne de consentir à cette parade, on se demande à quelle utilité elle pourrait obéir. Il ya un flagrant manque de transparence », considère Zinnedine Tebbal, du MSP.
Pourtant comme l’a expliqué Ramtane Lamamra dont l’action n’est que la mise en œuvre des orientations du président de la République, premier responsable de la politique étrangère du pays, la participation algérienne, au-delà qu’elle est symbolique, se veut comme un hommage rendu à ces nombreux martyrs anonymes qui sont morts au service de la liberté. «L’Algérie participera, dans le même format et dans les mêmes conditions que quatre-vingts autres nations dont des citoyens sont tombé sur les champs de bataille de la 1ère guerre mondiale, à la manifestation prévue à Paris à cet effet. Le peuple algérien assume toute son histoire et honore ses propres contributions à la liberté à travers le monde. Cette participation qui aura lieu le 14 juillet à Paris, vise à rendre à nos valeureux aînés l’hommage qu’ils méritent pour le sacrifice de leurs vies pour la liberté d’autrui et la leur propre », a expliqué le chef de la diplomatie algérienne.
Ce ne sera pas donc un contingent de l’armée algérienne, ni d’une délégation importante, mais seulement la présence de trois porte-drapeau et gardes officiels ainsi que deux jeunes filles et deux jeunes gens. Un membre du gouvernement sera également présent à cette occasion. Dès lors, il est à se demander à quoi rime cette polémique ? Elle est d’autant incompréhensible qu’elle porte sur un fait historique qui date d’un siècle et qui concerne de nombreux pays de par le monde. A moins qu’elle ne participe de la surenchère ou de calculs politiciens, lier la participation, somme toute symbolique, avec le contentieux mémoriel qui oppose l’Algérie à son ancienne puissance coloniale est un raccourci qui n’est pas de nature à construire une relation apaisée.
Oui, toute l’histoire doit être assumée, même dans ses pages les plus sombres. Et la France est appelée, un jour ou l’autre, à reconnaître tous ses méfaits en Algérie. Mais c’est parce que nous avons une longue histoire et des intérêts en partage, que la relation, dans un monde aujourd’hui en perpétuelle mutation, doit aller dans le sens des ambitions des générations futures. Assainir le contentieux mémoriel est d’abord une affaire des historiens. Comme la France a reconnu le massacre du 17 octobre, l’Algérie a fait un geste à travers cette participation. C’est pour ainsi dire la politique des petits pas vers une véritable réconciliation entre les deux pays, comme la France l’avait déjà fait avec l’Allemagne.
Et c’est paradoxalement le FLN qui a saisi les enjeux : «La participation s’inscrit dans le cadre du rapprochement progressif et de l’évolution notable des relations avec la France depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir », estime Said Bouhadja, même s’il précise que l’ancienne puissance coloniale doit faire acte de repentance et présenter des excuses. Il est vrai que la démarche des autorités aurait à beaucoup gagner si la diplomatie avait fait un effort de pédagogie.
Sofiane Tiksilt