Participation algérienne aux foires à l’étranger: Des milliards dépensés sans résultat

Participation algérienne aux foires à l’étranger: Des milliards dépensés sans résultat

Par Badreddine KHRIS

Les entreprises algériennes dépensent beaucoup d’argent pour prendre part à des rendez-vous économico-commerciaux à l’étranger sans conclure, toutefois, le moindre marché ou signer un quelconque contrat de partenariat.

Le ministère du Commerce va établir dès la semaine prochaine un bilan de la participation algérienne aux foires et manifestations à l’étranger durant l’exercice 2018. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les diverses expositions de produits algériens lors de ces événements n’ont pas apporté les résultats escomptés. Les observateurs très au fait du commerce extérieur s’accordent à dire que le bilan est “mitigé” voire “complètement négatif”.

Si l’on cherche la signification du mot “bilan” dans le monde du commerce, l’on comprend qu’il s’agit de l’équation recettes-dépenses. Un bilan sain ou positif signifie donc que l’on fait entrer plus d’argent que l’on en fait sortir. Ce qui est loin d’être le cas pour ces salons auxquels ont participé les entreprises algériennes. Celles-ci dépensent des dizaines de millions de centimes pour prendre part à ces rendez-vous économico-commerciaux sans conclure, toutefois, le moindre marché ou signer un quelconque contrat de partenariat. Les raisons de ces contre-performances sont multiples. De prime abord, le choix des destinations reste aux yeux des experts, peu judicieux voire inopportun. Il n’obéit pas à une stratégie bien définie ou à une démarche sérieusement préparée. Preuve en est, l’Algérie a envoyé à deux reprises des opérateurs économiques pour exposer leurs produits à Marseille. “C’est du jamais vu !” commente un spécialiste. La présence d’exposants algériens pour la deuxième fois dans la cité phocéenne est essentiellement due au dynamisme et à l’activisme économiques de certains cercles influents.

L’Algérie a été représentée dans des salons à Chicago, Washington… mais sans résultats probants car le marché américain est difficilement accessible pour ne pas dire inaccessible pour nos entreprises. Une exposition spécifique des produits algériens se tient également du 27 novembre en cours au 2 décembre à Libreville (Gabon) avec la participation de 70 entreprises algériennes. Au “Jardin botanique” de la capitale gabonaise, un stand d’une superficie de 1 500 m2 est affecté aux participants algériens spécialisés notamment dans le secteur agricole et agroalimentaire ainsi que les industries mécanique, électronique et électroménager, chimique et pétrochimique et dans la branche des travaux publics.

C’est sur proposition ou insistance de l’ambassadeur algérien au Gabon qu’une délégation a été dépêchée vers ce pays. Est-il bénéfique aux PME algériennes d’aller exposer dans ce pays ? “Non”, dira forcément l’observateur le plus optimiste de la politique économique du pays. De nombreux chefs d’entreprise désireux de conquérir des marchés à l’international souffrent d’ores et déjà de contraintes liées à la compétitivité. Et si l’on alourdit encore davantage les coûts de la logistique, le produit national ne peut aucunement concurrencer celui d’outre-mer.

Un choix inopportun des destinations

Et le cas du Gabon est édifiant. Jugez-en : le prix du container à destination de Libreville est estimé à 3 500 dollars. Le billet vers ce pays avoisine les 20 millions de centimes ! Or, tout opérateur ambitieux cherche au préalable à réduire les coûts de la logistique et autres charges, pour être compétitif.

C’est dire qu’une telle option pour faire son business reste économiquement infructueuse. Pire encore, le choix des entreprises participantes à ces manifestations économiques est en inadéquation avec la demande du pays hôte. “Parfois, l’on fait du remplissage sur les stands tout en sachant que ces PME n’obtiendront pas de marchés !” commente un investisseur. “Il y a des entreprises qui participent depuis 20 ans à des foires sans réussir à arracher un seul marché…”, déplore-t-il. Par ailleurs, les conditions de participation à ces foires sont jugées catastrophiques. “Nous arrivons à ces événements souvent en retard car la décision de participation est prise dans la précipitation”, regrette un autre opérateur qui met l’accent aussi sur les ratages des foires tel que cela a été le cas pour Dakar (Sénégal) en 2017. D’autres experts évoquent en outre la non-conservation par le froid pour les produits agricoles qui arrivent sur le stand avariés ou altérés. Parfois, la surface du stand octroyé à l’exposant est trop exiguë et ne l’arrange guère pour mener de manière idoine ses entretiens avec d’éventuels clients ou partenaires. “La Safex est souvent dépassée. Il faut de ce fait, ouvrir l’organisation de ces expositions au privé”, indiquent-ils. Pour eux, l’Algérie dépense des milliards de centimes pour participer à ces expositions mais sans aucune contrepartie palpable et réelle. Et le niveau faible des échanges commerciaux de l’Algérie avec l’Afrique, pour ne citer que cet exemple, évalués à 3 milliards de dollars par an, réalisés avec seulement cinq pays du continent, constitue une preuve concrète de l’inefficacité jusque-là de la participation à ces foires.

Les experts estiment que l’État doit, à ce propos, se retirer de ce créneau et laisser le libre choix à des initiatives individuelles émanant des entreprises elles-mêmes, celles qui veulent et peuvent réellement exporter leurs produits…

Badreddine KH