La visite du président français en Algérie pourrait être remise en cause tant les ingrédients du sabordage en bonne et due forme de ce déplacement semblent être réunis en France.
En plus du fait d’être fragili sé sur le plan interne par les couacs de certains membres de son équipe gouvernementale et de subir les effets d’une grave crise économique européenne qui bride toutes les ambitions, ne permet plus à la générosité promise de se concrétiser et qui n’a pas encore révélé tous ses travers, le Président Français hésite à conférer à la refondation de la nouvelle relation franco-algérienne le tempo et les termes nécessaires et indispensables sans lesquels toute projection sur l’avenir ne serait que pure illusion.
Les éléments objectifs de fragilité interne de l’hexagone, le profond désarroi de larges franges de sa jeunesse (1) et un manque d’initiatives conséquentes et audacieuses sur le plan de la relation franco- algérienne profitent à un large front politique qui commence à se constituer à la droite de l’échiquier politique français et qui rassemble nouveaux champions de la droite dite «décomplexée », jeunes loups de l’extrême droite, nostalgiques de l’Algérie Française, antisémites notoires, nouveaux croisés antimusulmans, etc.
Et paradoxalement, le corpus politique de ce nouveau bloc en gestation dont le centre de gravité dérive inexorablement vers l’extrême droite, famille politique dont l’un des marqueurs idéologiques a toujours été l’antisémitisme le plus actif et le plus primitif, est relayé par les propos de certaines personnalités politicomédiatiques françaises connues comme ceux relatifs au pain au chocolat des écoliers français pendant le Ramadhan et dont les proches, pour certaines d’entreelles, ont connu les souffrances et la mort dans les camps de concentration nazis.
Il semble aussi que dans cette cacophonie nauséabonde qui envahit le paysage politico-médiatique français, la fibre sociale et humaniste que revendique aussi une partie de la droite française est devenue inaudible et a du mal à se faire entendre et à affirmer sa différence.
Dans l’un de nos précédents écrits (2), nous relations «la quintessence » des actes et discours des néo partisans de l’Algérie française et autres milieux français, nostalgiques de l’OAS, du colonialisme et foncièrement hostiles à l’Algérie indépendante. D’autres événements de cet acabit viennent de nouveau enrichir cette encyclopédie des gestes et propos du néocolonialisme et faire la une de ce qui reste de la triste actualité hexagonale.
Et il y a dans ce contexte malsain des comportements et des attitudes qui ne peuvent nous laisser de marbre, sans réagir et ne pas interpeller notre mémoire, de nouveau souillée par ceux-là même dont les inspirateurs furent ceux qui déportèrent les premiers résistants algériens dans l’enfer de Cayenne, en Guyane, et dans les camps de Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, après avoir subi les soubresauts des nostalgiques de l’OAS, une lecture hostile et récurrente de l’histoire de la colonisation française de l’Algérie, les efforts récurrents déployés par certains pour contenir l’émergence de l’Algérie et l’empêcher de sortir de la tragique décennie sanglante vécue par son peuple, voilà que nous entendons certains entonner de nouveau l’hymne de l’Algérie Française et dont le plus récent, et non des moindres, est le maire d’une ville du sud de la France.
Et pire encore, ce geste odieux et misérable qui a été commis le jour de la célébration de l’anniversaire du déclenchement de notre guerre de libération nationale par ce responsable politique français, ancien militant du mouvement Occident d’extrême droite, et grand pourfendeur devant l’Eternel de tout ce qui a trait à l’Algérie, à son peuple, à son histoire et à son indépendance.
Le fait que personnage ait occupé des fonctions aussi élevées que celles qui furent les siennes durant la mandature du Président Sarkozy, dont l’un des principaux conseillers ne l’oublions pas fût Patrick Buisson, tête pensante des néoconservateurs français et transfuge de l’extrême droite, renseigne sur l’importance de l’ancrage du puissant lobby anti-Algérien dans les institutions françaises et confère encore plus de gravité à ce comportement immonde, sans doute précurseur d’une décadence déjà bien entamée des moeurs politiques hexagonales et qui ne sera sans aucun doute pas sans conséquences sur les relations algéro-françaises.
Ce geste indécent a été depuis reproduit par cet ex célèbre ténor du barreau marseillais qui fait lui dans la surenchère politique et la politique spectacle et qui de sympathique et bouillonnant personnage s’est métamorphosé en nouveau pitre de l’extrême droite provençale.
Comment peut-on encore espérer plaider, dans ce contexte et comme le propose le célèbre historien d’origine algérienne Benjamin Stora, pour une approche dépassionnée de la guerre d’Algérie et de la colonisation française ?
Comment peut-on aussi encore croire en l’écriture d’une nouvelle page de la relation algéro- française ? Ce serait semblet- il prêcher dans le désert. Les faits sont têtus et il n’y a plus désormais de place, pour la relation algéro-française, ni pour un partenariat stratégique, ni pour un traité d’amitié. Les choses se décantent et deviennent beaucoup plus simples que ce que l’on pourrait croire.
Elles sont, comme le disent si bien les Musulmans, limpides comme l’eau de roche et propres comme un linceul. L’Algérie ne se laissera plus jamais entrainer dans un combat d’arrière garde qui ne sert pas ses intérêts stratégiques et vitaux. Les querelles sémantiques sont un combat d’un autre siècle que nous préférons laisser à ceux qui puisent leur inspiration dans les marécages nauséabonds de la haine et du mal.
La montée en puissance de certains pays émergents et la puissance économique et financière que commencent à acquérir d’autres redessinent chaque jour les contours de la nouvelle donne géopolitique de la planète. Et l’histoire ne pourra plus expliquer, comme le prétendent certains, la proximité qui existe entre l‘Algérie et la France.
Elle en creuse, au contraire, chaque jour que Dieu fait le fossé infranchissable qui les sépare. Et même la dimension humaine de la relation algéro-française, du fait de la présence d’une forte communauté d’origine algérienne en France, ne résistera plus à ce déluge d’insultes et de dérapages qui nous parviennent chaque jour de l’hexagone.
Le projet de l’Algérie libre et indépendante est beaucoup plus noble. Il s’agit aujourd’hui de nous émanciper définitivement de ce passé commun qui nous bride et qui ne nous est plus nécessaire ni pour vivre, ni pour aller de l’avant. Il faut tourner définitivement la page de l’épisode français de notre histoire, l’oublier et «décoloniser définitivement nos mentalités».
L’activisme des ramifications algériennes du lobby néocolonial français, en supposant qu’il en existe encore quelques unes, ne nous fera jamais oublier que la colonisation française de l’Algérie fût et reste l’une des pages les plus sombres de notre histoire. Et nous le disons sans haine et avec toute l’estime que nous gardons pour tous ces français qui ont l’Algérie au coeur et qui ont aussi porté son combat libérateur du joug colonial.
La posture économique qui est aujourd’hui la nôtre, du fait de notre situation financière et de nos potentialités, nous permet de choisir et de diversifier en toute souveraineté les partenaires qui seront demain les nôtres et qui nous accompagneront dans les efforts que nous devons encore déployer pour conférer à notre pays le statut qui lui échoit. Celui d’une puissance politique, économique et militaire régionale incontournable.
Cette ambition ne nous évitera pas aussi de faire les efforts nécessaires pour que la liberté conquise par la lutte de notre peuple ne lui soit plus jamais confisquée, qu’il ne soit jamais un peuple en cage, martyrisé et meurtri et qu’il puisse enfin jouir de ses droits les plus fondamentaux et donner la pleine mesure de son intelligence et de ses capacités.
L’ambition de l’Algérie est désormais telle qu’elle ne pourrait se contenter ni se suffire de la phrase prononcée par le Président Sarkozy, à Constantine en 2007, «le colonialisme était un système injuste qui ne pouvait qu’être vécu comme une entreprise d’asservissement », ni des propos de deux Ambassadeurs Français en Algérie qualifiant les massacres du 8 mai 1945 de «crimes inexcusables » et ni aussi de la reconnaissance officielle récente de la répression sanglante d’octobre 1961.
C’est peu de choses. Et rien désormais ne devra plus être sacrifié sur l’autel d’une hypothétique relation à venir et à bâtir et qui devient de plus en plus, semble- t-il, ni indispensable et ni incontournable. L’Algérie a véritablement les moyens de son ambition qui est à portée de main. Il faut le croire. Incha Allah. (1) Vrais désarrois, fausses certitudes (2) Pour en finir avec la nostalgie.
Salim Metref