L’hypothèse la plus plausible (et non la plus probable) serait que Sellal serait bien partant pour un poste de vice-président avec Bouteflika.
Lorsqu’on est Premier ministre d’un pays, il est tout à fait normal que nos paroles intéressent les gens et, à plus forte raison, les journalistes et autres observateurs de la réalité nationale. Il y a, certainement, ceux qui apprécient et ceux qui, diversité oblige, n’aiment pas. Il y a ceux qui sont du même avis et ceux qui ont d’autres points de vue. Ainsi va le monde. Ainsi va la démocratie.
Lorsqu’on est Premier ministre, nos paroles sont aussi passées au crible. tournées retournées, contextualisées puis décontextualisées, changées, interprétées selon différentes grilles, selon diverses hypothèses et même, parfois, selon les humeurs et les états d’âme. Ainsi va le monde et ainsi va la démocratie.
Ainsi, lorsque Abdelmalek Sellal dit, à plusieurs reprises, qu’il ne fait pas campagne pour Bouteflika, certains se sont empressés de confirmer aussitôt et d’autres ne manquèrent pas de le lui reprocher. Lorsqu’il rétorqua aux attaques gauches de Saâdani, certains approuvèrent alors que d’autres auraient préféré qu’il laisse passer sans rien dire. Et lorsque ces paroles ont inspiré certains chanteurs, d’aucuns avaient repris la chanson alors que d’autres ont rapidement et violemment défendu le Premier ministre. Ainsi va le monde et ainsi va la démocratie. Mais, lorsque Sellal dit à son auditoire entassé dans une salle de l’université de Mascara «Bouteflika sera notre guide», la plupart des observateurs s’interrogèrent aussitôt sur le sens de cette phrase. Certains trouvent la phrase tout à fait banale, ils considèrent qu’elle reprend ce que Sellal a toujours dit sauf qu’il l’aurait formulée autrement, histoire d’éviter la redondance des slogans et de diversifier les tournures. D’autres, cependant, y sentent un air nouveau. Un contenu différent de ce que Sellal a dit jusqu’à présent et, partant, ils ont carrément posé la question de savoir si Sellal n’aurait pas entamé sa propre campagne pour avril en tant que candidat, une campagne qu’il voudrait, vraisemblablement placer sous l’égide du président sortant, histoire de se faire un ancrage et de faire valoir auprès des électeurs son appartenance morale et même au niveau des idées. Dans ce sens, lorsqu’il annonce que «rien ne changera», cela sonne comme un souci de rassurer les Algériens qu’il continuera sur le chemin tracé par Bouteflika. Cette lecture voudrait donc que d’un côté Bouteflika ne se présente pas à la prochaine élection et que, d’un autre côté, ce sera Sellal le candidat du système, celui qui devrait arracher un consensus autour de lui grâce à l’appui de Bouteflika. En fin de compte, une lecture comme une autre, qui vaut ce qu’elle vaut sauf que, à notre sens, et combien même il est difficile de se prononcer dès à présent, Sellal ne serait probablement pas candidat pour l’échéance d’avril 2014 et ce pour moult raisons et au vu de plusieurs indices. Peut-on imaginer, ne serait-ce qu’un instant, Saâdani s’en prenant à Sellal sachant qu’il est un candidat potentiel à la présidence soutenu de surcroît, comme le pensent certains, par Bouteflika, pour dire de lui qu’il ne s’y connaît pas en politique? Et peut-on croire, ne serait-ce qu’un moment que Saâdani s’aventurerait à réclamer, au nom d’une certaine majorité parlementaire, le poste de Premier ministre à Sellal si celui-ci était un candidat potentiel à la présidence? Cela n’a vraiment pas de chance de se passer ainsi!
Par ailleurs, dire comme l’ont fait ou laissé entendre certains, que Sellal serait le candidat du système signifierait qu’il aurait déjà décroché le fameux «consensus» si nécessaire dans ce cas. Or, jusqu’à preuve du contraire, aucun parti n’a mentionné aucun consensus et l’on a même l’impression qu’il serait difficile cette fois d’y arriver tant les positions, les attitudes et les regards des uns et des autres divergent.
S’il n’y a pas de doute que, dans le discours de Sellal, un élément nouveau est intervenu dans la course à l’échéance d’avril, et que, désormais, il est nécessaire de l’intégrer dans les considérations, il reste néanmoins que l’on ne sait pas de quoi il s’agit exactement.
L’hypothèse la plus plausible (et non la plus probable) serait que Sellal serait bien partant pour un poste de vice-président avec Bouteflika. Mais, là encore, faute d’information et de communication sérieuse dans le domaine, il ne peut s’agir que de simple spéculation. Cependant, dans le discours de Sellal, quelque chose a changé. Mais quoi? Et pourquoi? On verra bien!