Piètre image que celle donnée par les fidèles musulmans dans le nouveau lieu de prière inauguré vendredi en présence de quelques 2000 personnes.
A peine la prière a-t-elle commencé, qu’un groupe d’une vingtaine d’islamistes radicaux, décidés à en découdre, pénètre en scandant « Allah Akbar » (Dieu est le plus grand) dans l’enceinte de l’ancienne caserne du génie militaire, porte de Clignancourt (18e).
Le service d’ordre tente de les en empêcher. Trop tard, les caméras venues en nombre pour suivre la première prière dans ce nouveau lieu de culte filment les incidents. Une scène désolante qui va faire le tour du monde et conforter les islamophobes de tous bords.
Sous les yeux des policiers en civil et du directeur de cabinet du préfet de police de Paris, plusieurs fidèles s’agrippent au col, s’insultent, vitupèrent, se bousculent. Certains sont à deux doigts d’en venir aux mains. « Vous êtes des vendus. On n’est pas des moutons, on refuse de prier dans une caserne désaffectée », s’insurge Abou, qui se réclame du groupe radical Forsane-Alizza. La prière est interrompue. Elle ne reprendra qu’une demi-heure plus tard, lorsque les esprits se seront calmés.
Autour, les fidèles musulmans se disent choqués et prennent soin de se dissocierdes agitateurs. Zakaria, habitant du quartier depuis cinquante-cinq ans, n’a jamais vu ces jeunes. Que disent-ils ? « N’importe quoi. Ils ne priaient pas dans la mosquée de la rue Myrha, mais ils demandent qu’on reste là-bas. C’est une honte. On vient pour la prière sacrée du vendredi, pas pour se battre. »
Ce nouveau lieu de culte divise. Depuis vendredi, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a interdit les prières sur la voie publique. Et a fait mettre à disposition des fidèles, qui prient habituellement dans la rue du quartier de la Goutte d’Or, une ancienne caserne pouvant accueillir près de 2.700 personnes. Mais tous les 4.000 musulmans venus pour l’occasion (2.000 selon la police) ne trouvent pas de place à l’intérieur. Près d’un millier sont contraints de déplier des tapis de prière dehors, sur le parking, à côté des voitures.
« C’est pas assez grand pour accueillir tout le monde. Mais c’est quand même mieux que de prier dans la rue. Au moins, on n’embête pas les riverains », estime un fidèle. Moussa Niambélé, l’imam de la mosquée Al-Fath, rue Polonceau, regrette l’intrusion de la vingtaine de fidèles mécontents. « Je déplore leur attitude. Ils ont essayé de perturber la prière. Ils se réclament de la rue Myrha. Mais je crois surtout qu’ils étaient là pour faire un scandale devant les caméras afin de nous diviser. »
A l’entrée du site, on s’agrippe toujours. « On n’obéit qu’à Dieu et son prophète. Ce site n’est pas une solution définitive. Nous on veut un lieu de culte digne de ce nom », crie un manifestant, le poing levé. « Tu n’es pas content? Tu penses que tu n’es pas libre de prier correctement? Eh bien va en Egypte, en Syrie ou en Arabie Saoudite. Nous on ne pense pas comme toi », lui répond un fidèle qui tente en vain de se recueillir.
La convention d’occupation temporaire de la caserne, délivrée par la préfecture de police, doit courir jusqu’en septembre 2014. D’ici là, un institut des cultures d’islam de 4.000m2, confié à l’architecte Yves Lion, devrait être achevé dans le quartier de la Goutte d’Or. « La semaine prochaine, il faudrait quand même demander l’aide de quatre ou cinq policiers. On ne va pas recommencer ce cirque tous les vendredis », glisse un membre du service de sécurité de la mosquée.