Réputé très à droite, le ministre israélien des Affaires étrangères Avidgor Lieberman a effectué sa première visite officielle à Paris où il a été reçu mardi à l’Élysée.
Précédé d’une solide réputation de faucon, notoirement connu pour ses propos hétérodoxes et ses déclarations à l’emporte-pièce, Avigdor Lieberman était attendu à Paris avec une curiosité teintée d’inquiétude. Aucune rencontre avec la presse n’était prévue durant cette première visite du chef de la diplomatie israélienne qui a débuté mardi après-midi. Un rassemblement de quelque 250 personnes s’est déroulé mardi près du Quai d’Orsay. Deux jeunes manifestants propalestiniens ont même tenté d’empêcher la voiture du ministre israélien d’y pénétrer.
Venant de Rome, Avigdor Lieberman s’est entretenu avec Bernard Kouchner et à l’Élysée avec Claude Guéant, à qui il a répété le message que le nouveau gouvernement israélien entend manifestement faire passer aux Européens : sur l’échelle des priorités, la menace nucléaire iranienne passe avant le processus de paix, auquel l’État hébreu souhaite désormais appliquer une approche qualifiée de «réaliste». Une position qu’il a résumée, mardi matin, lors de sa rencontre avec Silvio Berlusconi, en estimant que les efforts diplomatiques pour mettre un frein au programme nucléaire iranien ne devraient pas durer plus de trois mois, faute de quoi «des mesures pratiques» devraient être prises.
Le «déclic» avec Téhéran
Face à ces prises de position évoquant la perspective d’un renforcement des sanctions, voire d’arguments plus musclés auxquels on sait enclins les Israéliens, les interlocuteurs français d’Avigdor Lieberman ont souligné la nécessité de rester dans les rails. «Une opération militaire israélienne est probable s’il n’y a pas de solution diplomatique», estimait récemment une source diplomatique française tout en jugeant qu’une telle option serait un «désastre».
À Paris, Avigdor Lieberman s’est donc entendu réaffirmer la conviction que les efforts menés par les Six (États-Unis, Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne, Russie) doivent être poursuivis pour aboutir enfin au «déclic» d’une négociation avec Téhéran.
Au Quai d’Orsay comme à l’Élysée, on a également insisté auprès du ministre israélien sur l’«urgence» de faire progresser le processus de paix, notamment pour tenter de marginaliser les radicaux avant les élections palestiniennes de l’an prochain. Pas question d’échanger avec Avigdor Lieberman sur ses positions en faveur d’un «État juif homogène» aux dépens des Arabes israéliens, indiquait-on au Quai d’Orsay.
En revanche, poursuivait-on, des discussions sont possibles dans plusieurs domaines. Paris attend d’abord du nouveau gouvernement israélien qu’il se dise favorable à un État palestinien, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent. Benyamin Nétanyahou a préféré parler mardi d’une «nouvelle approche» dans les discussions avec les Palestiniens, et insiste notamment sur le renforcement de l’économie en Cisjordanie avant des négociations concernant un accord sur un statut définitif.
La relation «reste amicale»
La France, a-t-on dit mardi à Avigdor Lieberman, souhaite aussi qu’Israël fasse un geste à l’égard du Liban, gèle ses colonisations, discute avec la Syrie et rouvre les accès à Gaza. Sur tous ces importants dossiers, on n’attendait pas d’une première prise de contact qu’elle fasse bouger les lignes.
Avec Israël, les différences d’approches sont multiples et ont été renforcées par l’opération militaire israélienne à Gaza en début d’année, qualifiée d’«échec» à Paris. Toutefois, la relation «reste amicale», ce qui permet, selon l’expression prisée par Nicolas Sarkozy, de «tout se dire».
Après la France, Avigdor Lieberman se rendra mercredi à Prague, présidente en exercice de l’Union européenne, puis à Berlin.