Parfums de luxe, fruits exotiques et vêtements griffés,Où va l’argent de l’Algérie?

Parfums de luxe, fruits exotiques et vêtements griffés,Où va l’argent de l’Algérie?

Les malades chroniques sont en train de subir les affres de ces pénuries

L’heure est grave pour les patients: ils n’entrevoient aucune amélioration dans la disponibilité du médicament.

L’héritage légué par Amar Tou et Saïd Barkat à Djamel Ould Abbès n’est pas facile à assumer. La crise du médicament ne cesse de nourrir les inquiétudes des malades depuis plusieurs années sans qu’aucune solution ne soit proposée par le gouvernement.

Résultat: les malades chroniques sont en train de subir les affres de ces pénuries chroniques. La dernière manifestation de cette crise est celle organisée à Oran par les sidéens qui s’élèvent contrer la disparition des médicaments dans les pharmacies. La seule réponse du ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, est de dépêcher une commission d’enquête sur le sujet.

Les polémiques sur la disponibilité du médicament sont récurrentes en Algérie. Mais au-delà de ce constat, il est curieux de constater que le marché ne souffre pas de rupture de disponibilité de produits de luxe. Des véhicules haut de gamme, des kiwis et des raisins importés d’Espagne, des parfums et de l’habillement griffés sont exposés dans des temples de la consommation sans que cela n’émeuve un quelconque décideur. Le tout au moment où le médicament, par définition vital pour la santé du citoyen, ne cesse de faire défaut. Les asthmatiques, les cancéreux, les sidéens font les frais de ce dysfonctionnement. Est aussi régulièrement signalée l’absence de réactifs pour les analyses et les vaccins, même ceux administrés aux enfants.

Tous les arguments fournis par le ministre ne peuvent donc être qu’irrecevables aux yeux des associations qui représentent les malades qui crient au scandale. Pourquoi, en effet, l’argent du pays va à l’importation de produits de luxe alors que ceux qui souffrent de maladies ne peuvent même pas se soigner ni soulager leur douleur? Quelques arguments sont émis pour justifier le manque de médicaments par la hausse de la facture d’importation, ce qui a été contesté à plusieurs reprises par les professionnels du secteur. D’ailleurs, même si c’était le cas, il serait inopportun, voire inhumain d’imposer des souffrances supplémentaires et une double peine aux malades en invoquant un prétexte économique, car ne dit-on pas que la santé n’a pas de prix?

Qu’en est-il au juste de la facture d’importation de ces molécules chimiques comparativement aux 50 milliards de dollars qui vont à l’étranger en importation des produits et services?

En 2010, la facture des importations de ces solutions buvables ou injectables et autres a baissé de 4,66%, passant de 1,66 milliard de dollars contre 1,74 milliard en 2009 et 1,86 milliard en 2008. Les précisions sont des Douanes algériennes. En parlant du poids des importations, ne devrait-on pas préciser qu’il s’agit plutôt de la tendance haussière des produits parapharmaceutiques de 35,17 millions en 2009 pour dépasser les 43,70 millions de dollars en 2010? Les cosmétiques et les produits de beauté de luxe font-ils partie de ces dépenses?

Est-ce que l’arrêté du 30 novembre 2008 qui a décidé de la suspension d’importation de ces potions produites en quantité suffisante en Algérie, a accentué la crise qui était déjà visible dans les pharmacies? Pourquoi la production nationale n’a pas pu compenser les quantités des médicaments non importés.

Ould Abbès table sur 2014 pour fabriquer 70% du médicament localement. Certaines informations font état de la présentation de 200 dossiers d’investissement prévus en 2012 pour préparer ce saut qualitatif.

Entre-temps, faut-il s’attendre à une aggravation de la situation notamment si les revenus de l’Algérie se rétrécissent dans le sillage de la crise économique mondiale qui a démarré à partir des Etats-Unis? Dans ce contexte, Karim Djoudi aura les yeux rivés sur les marchés mondiaux avant de mettre une touche finale au projet de loi de finances de 2012 et de décider du niveau des dépenses consacrées à l’importation. Depuis 2009, le credo du gouvernement consiste à dire qu’il faut absolument réduire la valeur du transfert des devises à l’étranger. Le médicament, et par ricochet, les patients, feront-ils les frais de cette politique? Ce manque de remèdes vient s’ajouter à une série de dysfonctionnements du front social et de la sphère économique. Le cumul des foyers de tension constitue un cocktail explosif qui risque à tout moment d’embraser le pays. D’où la tentation de revenir à davantage d’importations, mettant un peu plus à mal la crédibilité du gouvernement qui revient sans cesse sur ses promesses.

Le gouvernement est face à un dilemme. La crise du médicament n’est qu’une des manifestations douloureuses d’une gestion chaotique des affaires de l’Etat.

Sauf que cette fois-ci, il y a une urgence vitale.