Panama Papers : de la friture sur la ligne Paris – Alger

Panama Papers : de la friture sur la ligne Paris – Alger

A quelques jours de l’arrivée de la délégation ministérielle française à Alger, les révélations mondiales de soupçons d’évasions fiscales viennent jeter un froid de part et d’autre de la Méditerranée.

Ils seront une dizaine de ministres, emmenés par le Premier d’entre eux, Manuel Valls, le samedi 9 et dimanche 10 avril à Alger. Un sommet délicat, comme souvent lorsqu’il s’agit de rencontres entre la France et l’Algérie, et qui n’avait pas besoin de sujets supplémentaires de crispation à quelques jours de sa tenue. C’est pourtant ce qui vient de se produire avec les révélations des Panama Papers. Et ce pour deux raisons:

A Alger : la une du « Monde » ne passe pas

La première réside dans la une du journal « Le Monde » daté du mardi 5 avril. En effet, selon les informations du site d’information algérien TSA, Alger n’a guère apprécié la manière dont le quotidien français a associé le président Bouteflika aux révélations concernant les comptes offshores de certains Algériens, et l’aurait fait savoir auprès du Quai d’Orsay. Le média en ligne résume :

« La diplomatie algérienne a dénoncé ‘une campagne diffamatrice et manipulatrice’. »

Sous le titre « L’argent caché des chefs d’État », « Le Monde » avait aligné en une cinq portraits de présidents dont celui d’Abdelaziz Bouteflika. Or, comme le soulignent les Algériens, le nom du président n’est à aucun moment cité dans ces affaires. Des proches, certes impliqués dans d’autres affaires retentissantes en Algérie, et notamment celle de la Sonatrach – Saipem, ont bel et bien été épinglés dans les documents révélés depuis quelques jours, mais pas le président lui-même.

Après le soutien apporté mi-mars par Paris à Rabat dans le dossier ultra-sensible du Sahara Occidental, dans lequel Alger soutient depuis toujours les indépendantistes sahraouis, la une du quotidien ne passe pas. Mais les rouages ne grincent pas uniquement côté algérien.

A Paris : un problème d’image

La seconde raison de ce raidissement entre les deux capitales est à rechercher côté français, où les rencontres au sommet prévues à Alger risquent de ne pas exactement coller à l’image que le gouvernement souhaite véhiculer : au centre du volet économique de ce sommet de deux jours doit en effet avoir lieu une entrevue entre le ministre français de l’Economie Emmanuel Macron, et son homologue de l’Industrie Abdeslam Bouchouareb. Or ce dernier est en première ligne des Panama Papers algériens.

Selon les documents révélés dans cette immense fuite de données panaméennes, le ministre aurait créé en avril 2015, soit à une période où il était déjà ministre de l’Industrie et des Mines, une société offshore, la Royal Arrival Corp, dont l’activité concerne, selon « Le Monde », la représentation commerciale, la négociation et obtention de contrats, les travaux publics, les transports ferroviaires et maritimes en Turquie, Grande-Bretagne et Algérie. Le ministre étant directement impliqué dans de nombreuses négociations avec des entreprises étrangères, la suspicion de conflit d’intérêt est donc aussi élevée que celle d’évasion fiscale.

D’autant que Bouchouareb avait déjà pris publiquement la défense de groupes français, notamment automobiles, soupçonnés d’évasion fiscale en Algérie.

Comme le résumait RTL mardi matin : « On va donc avoir un gouvernement français qui affiche sa détermination à lutter contre la fraude fiscale le lundi et qui, le dimanche, rencontre et négocie avec des hommes ‘soupçonnés’ de fraude ». Pour Manuel Valls et Emmanuel Macron le problème d’image ne fait pas de doute.