Il aura fallu quatre ans de réunions, de conciliabules et d’empoignades pour que le 6e congrès du Fatah s’ouvre enfin.
Mardi 4 août, sauf surprise de dernière minute. Longtemps paralysés par les divisions internes, les travaux de préparation viennent de s’achever avec l’établissement de la liste des quelque 1 700 délégués appelés à renouveler les instances dirigeantes du mouvement.
Cet accouchement au forceps témoigne des dysfonctionnements qui grippent la mécanique du Fatah, mais aussi de l’enjeu énorme de cette consultation interne, la première depuis vingt ans.
Lors de la précédente, en 1989, Yasser Arafat régnait depuis Tunis sur « son » mouvement national palestinien.
Le parti doit désormais composer avec un paysage politique recentré sur les territoires occupés, bouleversé par la mise en place de l’Autorité palestinienne et fractionné par la montée en puissance du Hamas, maître de la bande de Gaza.
« Dans l’histoire des mouvements de libération nationaux, les défis auquel le Fatah est confronté sont sans précédent, dit Nasser Al-Qidwa, ancien ministre des affaires étrangères et neveu de Yasser Arafat. Il doit jongler d’une part avec l’impératif de libération, dans un contexte de colonisation accru, et d’autre part avec une obligation de gestion et de construction d’un appareil d’Etat, comme s’il était dans une situation d’après-conflit ».
Chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas doit résoudre ce casse-tête.
Après la mort de Yasser Arafat (en 2004), par dédain des manoeuvres d’appareil, il n’avait pas cherché à prendre le pouvoir au sein du Fatah.
La direction de son organe suprême, le comité central, avait d’ailleurs été confiée à Farouk Qadoumi, l’opposant numéro un à M. Abbas au sein du mouvement, resté à Tunis par haine du processus de paix.
« Du coup, la succession d’Arafat à la tête du Fatah n’a jamais eu lieu, analyse un diplomate français. Abbas s’en désintéressait, Qadoumi était marginalisé. Un vide s’est créé dans un système qui était jusque-là très personnalisé ».
Une situation que le Fatah a payé par des défaites face au Hamas, lors des municipales de 2005 puis aux législatives de 2006.
Pour regagner le terrain abandonné aux islamistes, Mahmoud Abbas cherche à prendre le contrôle du Fatah.
Il a gagné la première manche en imposant un site de la conférence et un mode de fonctionnement qui l’avantagent.
Beaucoup de militants, M. Qadoumi le premier, exigeaient que les retrouvailles se tiennent à Amman ou au Caire, pour que les vétérans des camps de réfugiés de Syrie, du Liban et de Jordanie puissent venir.
« Pour eux, tenir le congrès d’un mouvement de libération nationale dans un territoire sous occupation est absurde », explique un cadre, sous réserve d’anonymat.
Mais M. Abbas et ses partisans l’ont emporté, en faisant valoir combien il est important que les délégués soient en contact avec la terre de Palestine, et non pas retranchés dans des bureaux à l’étranger.
Le congrès se tiendra donc à Bethléem, en l’absence des irréductibles qui refusent de poser le pied en Palestine tant qu’elle sera occupée par l’armée israélienne.
Ce qui devrait permettre au président palestinien de placer une majorité des siens au comité central.
Tel Mohamed Dahlan, l’ancien homme fort de Gaza, mis en cause dans le coup de force du Hamas, qui espère revenir au premier plan.
« L’objectif d’Abbas est de neutraliser le pouvoir de nuisance des cadres de la diaspora, comme Qadoumi, dit un consultant étranger qui travaille pour le Fatah. Il espère ainsi mieux contrôler les négociations avec Israël ».
Un bon connaisseur du parti poursuit : « Ce qui est en jeu, c’est transformer un mouvement révolutionnaire en un parti de gouvernement, comme le Parti national démocrate qui monopolise le pouvoir dans l’Egypte de Moubarak ».
Pour autant, le congrès ne devrait pas déboucher sur une refonte de la charte du Fatah.
Ce texte, élaboré à la fin des années 1950, appelle à la libération de l’ensemble de la Palestine (Israël compris) par la lutte armée, la figure imposée de la rhétorique nationaliste de l’époque.
« On ne touchera pas à ces clauses, mais on ne les mettra pas non plus en avant, dit un cadre. Elles sont là pour l’Histoire ».
Nasser Al-Qidwa confirme : « Ces mentions relèvent de l’archéologie. » Comme le congrès de 1989 – un an après la reconnaissance d’Israël par l’OLP – l’édition 2009 devrait souligner le soutien du Fatah au programme politique du président Abbas et de l’OLP, autrement dit la solution de deux Etats pour deux peuples.
Soufian Abou Zeyda, ancien ministre des prisonniers, espère cependant que le congrès ne se limitera pas à des formules alambiquées et des querelles d’ego.
« Il y a tellement de questions à creuser, dit-il. Par exemple : quelles doivent être les relations entre le Fatah et l’Autorité palestinienne ? En cas d’échec des négociations, devrons-nous retourner à la lutte armée ou bien faudra-t-il inventer autre chose ? L’acceptation de la lutte armée vaut-elle acceptation des attaques contre les civils ? ».
Au Fatah, l’urgence ne consiste pas seulement à réformer la direction. Elle impose aussi de clarifier le message.