L’armée pakistanaise a lancé hier une offensive dans le district de Buner, dans le nord-ouest du Pakistan, dont les talibans s’étaient emparés la semaine dernière au mépris d’un cessez-le-feu, déclenchant de vives réactions de Washington.
La semaine dernière, les talibans avaient provoqué l’inquiétude à l’étranger et dans l’opinion publique pakistanaise en s’emparant de Buner, à une centaine de km d’Islamabad, au mépris d’un accord de cessez-le-feu signé en février avec le gouvernement, qui avait concédé, en échange, l’instauration de tribunaux islamiques dans la région. La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, avait même parlé d’«abdication» d’Islamabad face aux islamistes en invoquant cet accord et la chute de Buner et s’était émue de la poussée de ces talibans qui seraient liés à Al Qaïda, et qui représentent, selon elle, «une menace mortelle pour cet Etat nucléaire» qu’est le Pakistan, et, par voie de conséquence, pour le monde.
Vendredi, les talibans avaient annoncé qu’ils commençaient à se retirer de Buner, après la promesse du gouvernement provincial d’appliquer «sans retard» l’accord prévoyant l’instauration des tribunaux islamiques. Mais les combattants avaient pris position dans les montagnes du district. Les talibans pakistanais et leurs frères afghans s’étaient emparés de la vallée de Swat, jusqu’alors le site le plus touristique du pays, à l’été 2007. L’armée avait tenté, deux années durant, de les déloger, mais en vain.
Mi-février, le gouvernement provincial avait signé un accord de cessez-le-feu à Swat, entériné le 14 avril par le président Asif Ali Zardari, et concédant aux extrémistes la création de tribunaux islamiques dans les sept districts de la région de Malakand, qui comprend notamment Swat et Buner. Depuis, loin de déposer les armes comme le leur imposait l’accord, les talibans avaient profité du cessez-le-feu et du recul de l’armée pour pousser leur avantage sur le terrain, en s’emparant de districts voisins de Swat, notamment Buner et Lower Dir. Les Occidentaux, Washington en tête, dénonçait la «capitulation» d’Islamabad, allié clé des Etats-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme».

Les talibans, qui se cantonnaient jusqu’alors dans leurs bastions des zones tribales frontalières avec l’Afghanistan, où la nébuleuse Al Qaïda aurait reconstitué ses forces. Les talibans afghans des bases arrière instauraient donc officiellement leur loi à 100 km de la capitale fédérale. Dimanche, l’armée sous la pression grandissante d’une opinion publique de plus en plus inquiète, avait lancé une première offensive dans le Lower Dir, assurant, lundi dernier, avoir déjà tué une cinquantaine de talibans. Mais ces premiers combats ont déjà provoqué, dans ce district, l’exode de quelque 30 000 habitants. La stratégie du gouvernement pakistanais pour endiguer les talibans risque d’être trop coûteuse.