De grandes incertitudes planent sur le Pakistan qui vit mal sa première transition démocratique emportée par le « tsunami » de la désobéissance civile promise par Khan, arrivé premier en nombre de voix et deuxième en nombre de sièges, et la démission des 34 députés de son parti, le PTT (Parti de la justice).
La capitale pakistanaise est en ébullition. Elle a basculé dans la violence des manifestations, restées jusqu’à samedi pacifiques et évoluant désormais en bras de fer, à l’appel des deux figures de proue, l’ancienne vedette de cricket, Imaran Khan, et le chef religieux établi au Canada, Tahir ul-Qadri. Des affrontements (3 morts et 500 blessés) ont alors éclaté entre la police et les manifestants retranchés près du Parlement pour tenter de déloger le Premier ministre Nawaz Sharif accusé par l’opposition de fraudes massives lors des législatives de mai 2013 remportées par la Ligue musulmane (PML-N) portée à la tête d’un gouvernement majoritaire.
La télévision d’Etat assiégée et faisant écran est le signe significatif de l’exacerbation de la crise politique déclenchée à la mi-août et prenant un virage dangereux pour la stabilité du Pakistan. Il s’agit de l’ultime épisode d’un conflit sur lequel l’armée, appelant au calme, entend peser de tout son poids incontestable et incontesté. « Nous attendons l’aide de l’armée. Nous y croyons. L’armée nous sauvera, elle intercédera en notre faveur », a plaidé Ammara, une fidèle du religieux Tahir ul-Qadri qui campe depuis deux semaines dans la capitale. Elle a tenté, la semaine dernière, une médiation qui a avorté faute de compromis entre les deux parties au conflit. Le gouvernement ne veut pas céder sur les exigences de départ du Premier ministre, jugées inacceptables. Dès lors, pour contenir la grogne, l’état-major a lancé un appel pour la résolution de la crise par voie pacifique.
Mais s’agissant de son devoir qui lui impose d’assurer la sécurité de l’Etat, l’avertissement sonne la fin de la partie. Un premier contact a déjà été noué avec le Premier ministre Sharif qui s’est entretenu, hier, avec le chef de l’armée, le général Raheel Sharif. Le scénario envisagé de la démission peut-il tenir la route ? Des analystes ont évoqué les « dossiers chauds qui fâchent » inhérents au temps mis par Sharif pour lancer l’offensive contre les talibans au Waziristan du Nord, le rapprochement avec l’Inde et le procès « pour haute trahison de l’ancien président Pervez Musharraf ». Suffisant pour pousser vers la sortie le Premier ministre Sharif en fin de parcours et inciter à la formation d’un gouvernement d’union nationale ?
« Il n’y a presque aucun scénario probable dans lequel le Premier ministre puisse survivre à la crise actuelle », estime le commentateur politique Mosharraf Zaidi. Barricadés autour de « l’enclave diplomatique », une zone sécurisée où sont établies les principales ambassades, les manifestants ne décolèrent pas. De grandes incertitudes planent sur le Pakistan qui vit mal sa première transition démocratique emportée par le « tsunami » de la désobéissance civile promise par Khan, arrivé premier en nombre de voix et deuxième en nombre de sièges, et la démission des 34 députés de son parti, le PTT (Parti de la justice). Des élections anticipées doivent, selon la Constitution, se dérouler dans les 60 jours qui viennent pour dénouer les fils de l’impasse politique.
Larbi Chaabouni