Le retour à la case départ ? Richard Holbrooke, l’envoyé spécial américain pour l’Afghanistan et le Pakistan (« Afpak »), est arrivé mercredi 22 juillet à Islamabad dans une atmosphère morose qui tranche avec l’optimisme qui prévalait en mai et juin.
Une offensive pakistanaise avait alors réussi à déloger les talibans de la vallée de Swat, dans le nord-ouest du pays. Depuis, l’élan s’est brisé.
Les opérations militaires censées élargir le champ d’intervention jusqu’à s’attaquer à « la racine du mal », à savoir Baitullah Mehsud, le chef du Tehrik-e-taliban Pakistan (TTP) basé dans la zone tribale du Sud-Waziristan, se sont enlisées.
Plus grave peut-être, les officiels pakistanais semblent se plaindre de l’offensive concomitante menée par les troupes américaines et britanniques de l’autre côté de la frontière, au coeur de la province afghane du Helmand, dont les talibans afghans contrôlaient jusqu’à présent des pans entiers.

Si l’on en croit le New York Times daté du 22 juillet, les services secrets de l’armée pakistanaise redoutent que cette offensive afghane refoule les talibans pourchassés du côté pakistanais de la frontière, en particulier dans la province du Balouchistan en proie à une insurrection ethnique séparatiste.
Et ajoute ainsi à l’instabilité d’un Pakistan déjà en butte au défi taliban dans ses zones tribales du nord-ouest frontalier avec l’Afghanistan.
Le fait que les interlocuteurs du New York Times citent le danger d’une contagion au Balouchistan n’est pas anodin.
Il faut y voir une manière de poser la question du jeu indien.
Les autorités pakistanaises n’ont en effet jamais cessé de pointer de prétendues manipulations de la Research Analysis Wing (RAW) – les services d’action extérieure de l’Inde – dans la rébellion au Baloutchistan, une province très riche en ressources minérales qui, selon les groupes séparatistes, seraient pillées par le gouvernement d’Islamabad.
Fondées ou non, de telles mises en cause font partie du rituel accusatoire entre l’Inde et le Pakistan.
Dès que le Pakistan est montré du doigt pour sa complaisance à l’égard de groupes djihadistes opérant au Cachemire indien ou au-delà – à Bombay, par exemple -, la réplique d’Islamabad pointant l’ »ingérence indienne » au Balouchistan est immédiate.
Cette perception pakistanaise de la crise dans les zones tribales pachtounes confirme à quel point Washington a échoué à faire évoluer sérieusement la pensée stratégique d’Islamabad, à tout le moins celle des services secrets de l’armée.
Depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, les Etats-Unis n’ont cessé de tenter de convaincre leurs interlocuteurs à Islamabad que les talibans présentent désormais pour le Pakistan un danger supérieur à celui de l’Inde et qu’il faut donc les combattre sérieusement.
Or les propos des officiers de l’Inter Service Intelligence (ISI, les services secrets de l’armée) rapportés par le New York Times montrent que cette conversion n’a pas eu lieu : l’Inde, dont le rôle croissant dans le théâtre afghan est régulièrement dénoncé, continue d’être tenue pour le péril prioritaire.