Ouyahia : Les sens d’un retour

Ouyahia : Les sens d’un retour

La nomination d’Ahmed Ouyahia au poste hautement stratégique de directeur du cabinet du président de la République a surpris plus d’un observateur.

S’il est vrai que l’homme est réputé pour ses va et vient incessants en fonction de l’état de ses relations au sommet de l’Etat et de son indice de popularité en haut lieu. Mais son dernier départ, limogé par Abdelaziz Bouteflika, laissait penser qu’il a définitivement rompu les passerelles avec le clan présidentiel.

“C’est l’argent sale qui commande en Algérie (…) et il commence à devenir maffieux ! ” puis “Un quatrième mandat n’est pas dans l’intérêt de l’Algérie” avait tiré de boulet de canon Ahmed Ouyahia en janvier 2012 juste avant d’être remercié par le président Bouteflika. Après cette déclaration de guerre politique, n’importe quel analyste sérieux aurait conclu que l’ex Premier ministre avait acté la fin de son long compagnonnage avec le président Bouteflika.

Mais ceci n’est valable qu’en théorie. Il y a, en effet, une logique politique consubstantielle au régime algérien qui lui permet de battre le rappel de toutes ses troupes y compris celles qui sont véhémentement sorties des rangs.

Ahmed Ouyahia est classable dans cette catégorie d’homme du sérail qui ne divorce jamais avec le système quitte à soutenir une chose et son contraire.

Un chargé de mission fidèle

Il a l’art bien consommé de défendre l’indéfendable avec aplomb et sourire. Qu’il traîne la réputation sulfureuse d’homme des “basses besognes” ne le gêne point. Il en fait même une fierté de se présenter à chaque fois comme le serviteur de l’Etat.

Vu sous cet angle, son retour aux affaires après une cure de silence d’un peu plus d’une année, s’inscrit presque dans la logique des choses.

Il n y a que ceux qui ont réclamé sa tête au RND et tous ceux qui ont hâtivement évoqué sa “fin politique” qui ont dû être surpris par ce “grand retour”.

Mais la vraie question à poser est celle de savoir qui a rappelé Ahmed Ouyahia ? Est-ce le président de la République ? Où est ce le résultat d’un compromis politique entre le chef de l’Etat et les décideurs de l’armée dont Ouyahia est souvent désigné comme un “poulain”? Le fait est que Ahmed Ouyahia qui faisait son retour médiatique via la télévision d’Ennahar a été percutant à l’égard de Amar Saadani (sans le citer).

Il a dénoncé implicitement les attaques contre le chef du DRS et raillé la revendication d’un “Etat civil” chère au patron du FLN en tonnant que “l’Algérie est déjà un Etat civil”.

“Dircab”, en attendant…

Deuxième question : Quelles seraient les implications politiques de sa nomination au poste de “dircab” du président ? De fait, et compte tenu de l’état de santé du président sans doute réélu, Ahmed Ouyahia assumerait presque les fonctions de chef d’Etat.

Abdelaziz Bouteflika risque en effet de ne plus repartir au palais d’El Mouradia. Ouyahia devrait ainsi réduire l’influence des hommes du président notamment son frère dans cette Tour de contrôle qu’est le siège de la présidence.

Dans ce cas de figure, on pourrait penser que la nomination de Ahmed Ouyahia à ce poste serait le résultat d’un compromis de dernière minute sur un quatrième mandat difficile à “vendre” avec un candidat-président malade.

Troisième question : le nouveau poste d’Ahmed Ouyahia est-il une rampe de lancement pour la vice présidence ou pour la présidence tout court ? Il ne faudrait pas être naïf, dans cette histoire d’aller-retour bizarre, c’est la survie du système qui est en jeu.