Il semble que les récents événements qui ont suscité une grande polémique ayant trait à l’arrestation par la police des non-jeûneurs et de la poursuite de certains chrétiens en justice ont fait réagir le Premier ministre. Ahmed Ouyahia.
Pour la première fois, le chef de l’exécutif s’exprime sur ce sujet en soulignant que «la liberté de culte sera toujours garantie dans le respect de la loi». Fait d’annonce ou réelle volonté d’en finir avec la répression contre les non-musulmans et contre l’excès de zèle de la part de l’institution judiciaire? En réalité, le premier ministre n’a fait que rappeler un principe de liberté de culte qui est garanti par la constitution algérienne depuis l’avènement de l’Etat algérien.
L’article 36 de la Constitution algérienne stipule, en effet, que «la liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables». L’article 36, qui régit la pratique du culte, a montré certaines dérives dans son application. Des non-jeûneurs ont été emprisonnés, des chrétiens étaient poursuivis en justice… les pratiques liberticides ont pris la place de la tolérance. Le dernier événement en date qui a défrayé la chronique, un jeune d’Oum El Bouaghi a écopé de deux ans de prison ferme et de 100 000 dinars d’amende pour n’avoir pas jeûné fin août durant le ramadan. Farès, 27 ans, a été déféré devant la justice d’Oum El Bouaghi et a été condamné lundi à cette peine pour «atteinte à un précepte de l’islam». Le même grief a été retenu déjà à plusieurs jeunes «non-jeûneurs» en Kabylie. En effet, deux chrétiens non-jeûneurs avaient été relaxés le 5 octobre à Ain el Hammam alors que le procureur avait requis trois ans de prison ferme. Un autre procès est prévu le 8 novembre prochain dans la région d’Akbou, contre neuf musulmans non-jeûneurs. Le prosélytisme est une autre pratique que l’Etat compte combattre à tout prix. «L’histoire lointaine ou plus proche est là pour témoigner que le peuple algérien musulman a toujours été accueillant et même protecteur lorsque cela fut nécessaire pour les pratiquants des autres religions du Livre», avait déclaré le premier ministre. Sur le terrain, plusieurs chrétiens accusés de prosélytisme, blasphème envers la religion musulmane et pratique d’un culte non musulman dans un lieu non autorisé, ont été déférés devant la justice. Ainsi, toujours dans la constitution, peut-on lire que «l’Algérie se doit d’affirmer que la langue arabe est la langue nationale et officielle et qu’elle tient sa force spirituelle essentielle de l’Islam ; toutefois, la République garantit à chacun le respect de ses opinions, de ses croyances et le libre exercice des cultes». Mais, cela n’est hélas vrai que jusqu’à l’application de l’ordonnance 06-03 du 28 février 2006 qui fixe «les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman.» Dans son article 11, cette ordonnance condamne de 2 à 5 ans de prison et de 500 000 à 1 000 000 de dinars quiconque : «incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion, ou en utilisant à cette fin des établissements d’enseignement, (…) de santé, à caractère social ou culturel». En septembre dernier, quatre animateurs d’une église pentecôtiste de Larbâa Nath Irathen, dans la wilaya de Tizi Ouzou, ont été convoqués par le tribunal de la même commune pour comparaître en tant qu’accusés avec le chef d’inculpation : «pratique de culte sans autorisation». Le procès des quatre chrétiens prévu dimanche 10 octobre au tribunal correctionnel de la même commune a été reporté au 28 novembre prochain. Ce procès contre des Algériens convertis au christianisme protestant n’est pas le premier du genre. Plusieurs chrétiens ont été poursuivis pour prosélytisme ou exercice de culte sans autorisation et condamnés à de lourdes peines de prison. Le cas le plus édifiant reste celui de cette jeune chrétienne, Habiba Kouider, 39 ans, poursuivie pour prosélytisme. Lors de sa comparution devant le tribunal de Tiaret, le procureur avait requis 3 ans de prison à son encontre. Les gendarmes avaient découverts dans son sac quelques exemplaires de la Bible et de l’évangile. Après toutes les pressions subies par les chrétiens protestants de l’église évangélique et les non-jeûneurs, peut-on croire aujourd’hui aux déclarations du Premier ministre ? Peut-on demain manger en plein jour de ramadhan à Alger sans se voir dirigé vers une brigade de police ? Pas si sûr…
Par Hocine L.
