Le service civil sert à pourvoir en médecins spécialistes les régions de notre pays Dans les pays avancés, en Europe et aux Etats-Unis, l’étudiant paie seul ses études. Faut-il faire comme eux pour régler le problème?
Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a, au cours de sa conférence de presse tenue à l´issue de la tripartite, exprimé la position de son gouvernement face à certains résidents spécialistes qui revendiquent l´annulation, pure et simple, du service civil. «Quand vous dites non au service civil, vous ne dites pas non au gouvernement mais à notre peuple!» a précisé, avec la clarté qui le caractérise, le Premier ministre.
Pour mieux comprendre tout le sens de cette vérité, quelques précisions sont nécessaires. Le service civil, c´est quoi? C´est une période de solidarité qui intervient à la fin des études de spécialités pour les médecins. Une période fixée à une année pour ceux qui choisissent d´effectuer leur service civil au sud du pays et de deux années pour ceux qui choisissent les Hauts-Plateaux.
A quoi sert le service civil? Il sert à pourvoir en médecins spécialistes les régions de notre pays qui en manquent cruellement. Le sud du pays et les Haut-Plateaux sont, généralement, les plus touchés par l´insuffisance de médecins spécialistes. Pourquoi? Les régions du nord du pays sont considérées moins «désertiques» socialement. Un mélange de certains a priori, d´indifférence au mal d´autrui et de profits immédiats additionnés à une perception erronée des droits et devoirs découlant de la gratuité de l´enseignement font que certains spécialistes fraîchement diplômés croient dur comme fer qu´ils ne doivent leur nouvelle situation à personne. Ils n´y voient que les longues années passées à étudier qu´ils considèrent comme une épreuve qui devrait susciter l´admiration et la reconnaissance de toute la société. C´est cette fausse perception qui les conduit à ne plus voir l´apport de la collectivité nationale dans leur formation.
Si le Premier ministre a abordé ce problème au cours de sa conférence, il faut rappeler qu´il dure depuis 2 mois et que deux ministères (de la Santé et de l´Enseignement supérieur) travaillent à le résoudre. Sauf qu´on a la nette impression que le département de Harraoubia tente de se faire oublier.
Pratiquement toutes les doléances des résidents ont été prises en charge. Rien n´y fait. Les résidents campent sur l´abrogation de la loi sur le service civil prévu, rappelons-le, par la Constitution dans son article 84.
Il ne faut surtout pas croire que le service civil est effectué sans salaire. Chaque résident spécialiste qui l´effectue perçoit un salaire (entre 80% et 95%) de celui du médecin spécialiste. Il faut ajouter à cela le logement fourni gratuitement par l´Etat qui prend également en charge les redevances d´eau et d´électricité.
Le plus étrange dans l´attitude des résidents qui ne veulent plus du service civil est qu´ils ont commencé par arguer de l´absence de logements et de plateaux techniques. C´est-à-dire que le spécialiste était envoyé au Sud ou dans les Hauts-Plateaux sans être logé et sans même disposer, sur place, des moyens d´exercer sa spécialité (équipements, instruments et autres).
Une fois que l´Etat, considérant les demandes légitimes, a décidé de garantir le logement et les plateaux techniques, le refus de certains spécialistes d´avoir à effectuer leur service civil persistait malgré tout.
Si le gouvernement devait accéder à leur «désir», c´est un déficit de 80% en spécialistes que subiront les populations du Sud. Pas seulement, puisque même des régions plus au nord comme Constantine, Aïn Témouchent et Médéa seront touchées à 50%, comme l´a précisé le Premier ministre. Mais qui entend la voix de ces populations? Les associations civiles censées porter leurs préoccupations semblent avoir d´autres préoccupations.
Tenez! Au moment même où ce débat a lieu, deux associations de malades n´ont rien trouvé d´autre que d´organiser des journées de sensibilisation contre… le tabac dans des hôtels huppés de la capitale. Un luxe qui fait écran aux vraies souffrances, de toute autre nature, de l´arrière-pays.
M.Seghir Babés, le président du Cnes qui prépare les états généraux de la société civile pour les 14 et 15 juin prochain, devrait prévoir un atelier sur «l´obligation des bilans d´activités» des associations agréées.
Des citoyens qui deviennent médecins spécialistes grâce à un enseignement payé par la collectivité nationale refusent de soigner, pour une ou deux années, une partie de cette même collectivité au prétexte qu´elle se trouve éloignée de la zone littorale. Si ce n´est pas de l´ingratitude, c´est quoi? Le Premier ministre, lui-même énarque, n´a pas manqué de rappeler que «nous avons tous une petite dette à payer à ce pays et un petit sourire à donner aux citoyens de ce pays».
Dans les pays avancés, en Europe et aux Etats-Unis, l´étudiant paie seul ses études. Faut-il faire comme eux pour régler le problème?