Une source gouvernementale dévoile à L’Expression les causes du refus d’agréer de nouveaux partis politiques, la fermeture du champ audiovisuel et l’interdiction des marches dans la capitale.
L’agrément de nouveaux partis politiques, l’interdiction des marches dans la capitale et l’ouverture du champ audiovisuel, sont autant de questions qui font débat en Algérie. Ces trois thèmes alimentent au quotidien la scène politique nationale. L’oppo-sition revendique. Le gouvernement résiste, sans avancer, de l’avis de l’opposition, des arguments convaincants justifiant une telle démarche. Mais cela ne témoigne en aucune cas d’une volonté du pouvoir de rejeter la revendication de l’opposition dans l’objectif d’étouffer ou de limiter la liberté d’expression, a expliqué à L’Expression une source autorisée. Et de décortiquer la vision du gouvernement concernant ces sujets.
S’agissant du premier point, à savoir l’agrément de nouveaux partis politiques, le refus du gouvernement se justifie par la crainte du retour de l’islamisme extrémiste sur la scène politique, indique la même source. Comment? Elle s’explique: l’octroi d’agréments pour la création de nouveaux partis politiques pourrait pousser les anciens leaders des groupes, -repentis-, armés à prétendre à la même revendication. Ce qui ouvrira, dira notre source, la grande porte à ces gens pour réinvestir la scène nationale.
Un éventuel retour des islamistes extrémistes sur la scène politique pourrait engendrer des conséquences néfastes qui menaceraient de nouveau la stabilité du pays, avouera-t-elle. Autrement dit, le spectre des extrémistes empêche, au moins dans la conjoncture actuelle, l’Etat d’agréer de nouvelles formations et permettre le réveil de ceux qui ont mis le pays à feu et à sang, sous une nouvelle couverture politique.
La même source explique que l’Etat veut éviter la politique du deux poids, deux mesures pour ne pas retourner à la case départ. Le gouvernement est chargé de trouver les mécanismes «politico-juridiques» pour gérer cette problématique. Notre source explique que les pouvoirs publics souhaitent aller vers cette ouverture, mais la situation du pays et notamment l’expérience qu’il a vécue, se veulent comme éléments de prudence. Il est clair que le gouvernement ne souhaite pas prendre de risque. Cet argument, le retour du courant extrémiste sur les devants de la scène politique, serait à l’origine de l’ouverture différée du champ audiovisuel, ajoute notre source. «Quelle ouverture souhaite-t-on? S’agit-il juste pour créer des télévisions privées ou accorder la totale liberté d’expression à ces chaînes?» s’est-elle interrogée. Et de répondre en avançant la vision du gouvernement.
«Le même souci qui nous empêche d’agréer de nouveaux partis est le même, entre autres, qui nous bloque d’aller vers l’ouverture du champ audiovisuel», a-t-elle indiqué. Et d’expliquer que la télévision a une forte influence sur la société et certains courants politiques peuvent s’en servir pour faire passer leur message et leur conviction qui menaceraient la stabilité du pays. Cependant, l’ouverture du champ audiovisuel n’est pas totalement écartée par le gouvernement, elle est seulement différée.
La même source explique que le gouvernement Ahmed Ouyahia est «hyper-conscient» que cette ouverture est inéluctable. Et de préciser encore que le temps n’est pas propice à une telle démarche. Le Premier ministre et son équipe travaillent pour assurer une ouverture progressive des médias.
Commencer par l’ouverture de l’«Unique» sur les différentes sensibilités de la société, créer des entités indépendantes au sein de la Télévision nationale en accordant un statut particulier à chaque chaîne et arriver un jour à l’ouverture du champ audiovisuel, telle est la perspective du gouvernement. S’agissant de l’interdiction des marches dans la capitale, notre source avoue, sans ambiguïté, que la décision est motivée par le spectre de la menace terroriste.
Le souci de l’Etat est d’assurer une meilleure protection sécuritaire au niveau national et notamment dans la capitale qui a fait l’objet de plusieurs attaques sanglantes.
L’interdiction des marches est, plutôt, d’ordre sécuritaire et non politique. Elle est inscrite comme mesure de sécurité et non comme un moyen d’étouffer la liberté d’expression, selon la perception du gouvernement. Les groupes armés ciblent plus les capitales, un symbole, que les autres villes vu l’impact médiatique. C’est, d’ailleurs, le cas des capitales occidentales qui ont été ciblées par les terroristes.
L’Etat joue, ainsi, la carte de la vigilance et de la prudence en empêchant l’infiltration des terroristes qui tenteraient de semer la terreur au milieu des foules, a expliqué notre source. Entre les arguments de l’Etat et la revendication de l’opposition, ce n’est pas toujours la lune du miel. Chaque partie défend ses convictions et chaque partie avance et appuie sa vision et ces trois thèmes continueront à alimenter longtemps encore la scène politico-médiatique nationale.
Tahar FATTANI