Pour la deuxième année consécutive, le chef de l’État ne procèdera pas à l’ouverture de l’année judiciaire. Même si la cérémonie est purement protocolaire et n’a aucune conséquence sur le fonctionnement de l’institution judiciaire, elle constitue néanmoins une occasion pour le premier magistrat du pays de faire le bilan de l’année écoulée et donner ses visions d’un secteur qui, théoriquement, est indépendant du pouvoir législatif et exécutif.
Le discours de Bouteflika aurait constitué un indice sur le traitement que réserve la justice aux affaires de corruption et de passation douteuse de marchés, qui, pour le moment, avance au ralenti. La programmation de l’affaire Khelifa, de Sonelgaz, de l’autoroute Est-Ouest et autres est reportée de session en session, alors que l’affaire Sonatrach, dans laquelle s’imbriquent plus d’un centre de décision politique, est restée au stade du parquet d’Alger. La sortie médiatique de Bouteflika aurait peut-être aussi été l’occasion d’aborder la question de la révision constitutionnelle et ses intentions par rapport à la prochaine présidentielle. Le non-lancement officiel de l’année judiciaire a certainement un impact politique. Comme le rappelle l’avocat et l’ex-député Ali Brahimi, “la non-ouverture ou l’ouverture tardive de l’année judiciaire repose à nouveau la problématique plus grave de la capacité de la personne du chef de l’État à exercer ses missions fondamentales”. Ali Brahimi poursuit : “La question rappelle la prise en otage planifiée des mécanismes constitutionnels relatifs à cette situation. C’est un destin imposé depuis 2005 à un pays majoritairement jeune en droit d’aspirer aux libertés et au vrai développement que permet la richesse de notre État. Et le pire est peut-être à venir, puisqu’il y en a qui s’évertuent à imposer à cet homme une 4e mandature, à moins que lui-même n’en soit le demandeur.” Il faut savoir que l’ouverture de l’année judiciaire est une tradition empruntée à la justice française pour marquer l’importance qu’accorde l’État à la justice. Dans les milieux judiciaires, on avance que cet événement est réglementé par un décret signé par le défunt président Houari Boumediene en sa qualité de Chef du gouvernement et président du Conseil des ministres, moins d’une année après le coup d’État qu’il a mené contre le président Ahmed Ben Bella. Ce décret publié au Journal officiel porte sur les congés judiciaires annuels et des services dans les séances de la Cour suprême, les cours de justice et les tribunaux. L’article 6 du décret, qui est toujours en vigueur, stipule que la date de la séance d’ouverture officielle de l’année judiciaire a lieu à la Cour suprême le 20 septembre de chaque année et peut être reportée seulement de un ou deux jours si elle coïncide avec une fête nationale, religieuse ou autres jours de congé. Sous le règne de Bouteflika, les retards cumulés pour l’ouverture de l’année judiciaire sont d’un mois et plus. En 2012, elle a eu lieu au mois de novembre et en 2003 au mois de décembre. Cette année encore, le ministère de la Justice semble en attente d’une réponse définitive de la Présidence pour l’organisation ou non de cette cérémonie, pour l’ouverture de l’année judiciaire au niveau des différentes cours et tribunaux qui succèdent toujours, selon le protocole, à celle de la Cour suprême présidée par le chef de l’État. Mais l’absence de ce dernier à la cérémonie du 1er Novembre au Palais du peuple est un fait inédit, qui suppose son incapacité à assurer pour le moment ses missions constitutionnelles ; surtout celles qui nécessitent des déplacements.
N. H