La 17e édition du Salon international du livre d’Alger (Sila), le plus prestigieux rendez-vous culturel du pays, qui a démarré hier et se poursuivra jusqu’au 29 septembre, se démarque considérablement des précédentes.
Tout d’abord par le contexte de son déroulement puisque cette cuvée coïncide avec le cinquantenaire de l’indépendance du pays, à l’occasion duquel de nombreuses festivités se dérouleront sur une année. Et ce rendez-vous qui fait figure de carrefour pour des auteurs venant du monde entier sera mis à profit pour mettre en exergue le caractère libérateur de la littérature. Et c’est logiquement que l’Algérie s’auto-invite comme hôte d’honneur de cette édition, histoire de convier sur le podium du salon «l’histoire et la mémoire du pays», comme l’a signifié Hamidou Messaoudi, P-dg de l’Enag, intronisé commissaire de cette manifestation qui est dotée d’un statut de société et qui devient filiale de l’Entreprise nationale des arts graphiques (Enag). Ce 17e rendez- vous du Sila, qui voit la participation de 630 maisons d’édition issues de 41 pays, réunies sous le slogan : «Mon livre, ma liberté», sera aussi marqué du sceau du retour aux sources avec l’emménagement, à nouveau, de la manifestation au niveau de son site historique, le palais des Expositions des Pins- Maritimes, après quelques éditions qui se sont déroulées au niveau de l’esplanade du Complexe olympique Mohamed-Boudiaf, sur les hauteurs de la capitale. Un déménagement qui avait suscité, pour rappel, une vive polémique quant au bien-fondé de cette démarche de délocalisation dont les détracteurs semblent tirer gloriole de ce retour aux «origines» que Messaoudi justifiera par le fait que le site «historique» de la manifestation offre toutes les commodités en matière d’espaces et d’accès avec, dira-t-il, la récupération d’un parking de 2 000 places et la nouvelle ligne de tramway qui dessert le site. Deux paramètres qui ne manqueront pas, à coup sûr, d’influer sur l’affluence, a contrario de l’esplanade du Complexe olympique, qui, bien qu’elle soit l’épicentre d’une multitude d’enceintes universitaires, péchait, néanmoins, par nombre d’aléas, notamment l’exiguïté des lieux, l’accès difficile avec d’immenses embouteillages en sus de la nature du site, des chapiteaux qui ne prêtent nullement à pareille manifestation d’envergure, surtout par période automnale, où les averses orageuses sont légion avec leurs lots de dégâts (infiltrations des eaux pluviales dans les stands qui tanguaient sous les assauts de vents violents). Et parce que cette édition sera grandement dédiée au cinquantenaire de la libération du pays du joug colonial, des figures à la fois littéraires et symboles de ce combat seront honorées, à l’image de Mouloud Feraoun et Ahmed Rédha Houhou, deux grandes figures de la littérature algérienne assassinées avant l’indépendance. D’autres écrivains emblématiques seront invités au cœur du débat, comme le poète et essayiste Rachid Boudjedra qui interviendra au cours de la première conférence, le défunt romancier Rabah Belamri, ou encore l’auteure de renommée internationale Assia Djebbar. Auront lieu également des débats sur la guerre de Libération, avec la participation annoncée notamment des historiens Olivier Le Cour Grandmaison, Todd Shepard ou Daho Djerbal. Espérons seulement que le Sila, doté désormais d’une administration permanente chargée de gérer l’événement sur l’année, se départira quelque peu de la foire religieuse qui le caractérise depuis quelques années, tant les livres et les vidéos à caractère religieux vantant et louant les idéologies wahhabite et salafiste dominaient les étals et les stands d’exposition. Un fait qui n’aurait jamais pu exister s’il n’y avait pas une certaine permissivité à un certain niveau envers une littérature particulièrement novice. Ce qui contraste, a contrario, avec la vigilance, voire le sectarisme qui frappent bien des auteurs rationalistes à l’exemple de Boualem Sansal, pour ne citer que celui-ci, et dont les ouvrages sont toujours interdits.
M. K.